Rien n’avait vraiment filtré des mesures contraignantes édictées par le panel des cinq présidents mis en place par l’Union africaine. Mais l’accueil présidentiel réservé à Alassane Ouattara par les autorités éthiopiennes était déjà de mauvais présage pour Gbagbo. Le présage est devenu réalité quand Pascal Affi Nguessan, membre de la délégation de Gbagbo laissa dire dans les couloirs de l’Union africaine qu’il n’était pas question de reconnaître les décisions.
Quelques heures suffiront pour que dans un communiqué relayé par l’Afp, le camp Gbagbo se démarque des conclusions du Conseil de Paix et de Sécurité et récuse, par conséquent, les panélistes de l’organisation continentale auxquels il donnait l’accolade à Abidjan en février dernier. Selon une source diplomatique l’Union africaine a laissé jouer selon la règle de l’avantage comparatif des Régions.
Ce qui veut dire reconnaître la primauté de la Cedeao dans la gestion de la crise ivoirienne, lui laisser le soin de la gérer et maintenir quant à l’UA elle-même sa résolution reconnaissant la victoire de Alassane Ouattara. « Nous n’accepterons jamais une proposition qui prévoit la démission du président Gbagbo, parce qu’il est le dirigeant élu de la Côte d’Ivoire», s’était indigné Alcide Djédjé, jeudi après-midi, à Reuters. A sa suite, Nguessan confirmera qu’Addis Abeba s’était simplement contenté d’avaliser la victoire de Ouattara avant de demander purement et simplement « à l’Union africaine de revoir sa copie ».
Que s’est-il donc passé ? Le huis clos des chefs d’Etat ne le révélera que bien plus tard. Mais une question vient à l’esprit : Gbagbo a-t-il été lâché par son soutien Jacob Zuma ? Il semble que non et que l’Afrique du Sud continue de plaider pour un gouvernement d’union nationale en Côte d’Ivoire. Et cela ne marche que si les parties sont d’accord.
Or il se trouve justement qu’Alassane Ouattara n’entend pas les choses de cette manière. Zuma ne pouvait donc plus avancer. Il se trouve aussi que le président sud africain s’est entretenu, il y a quelques jours, avec Sarkozy qui n’a pas, pour Gbagbo, une sympathie excessive. Obama, il y a quarante huit heures, appelait, de nouveau, le président sortant à quitter le pouvoir. Il avait auparavant sévèrement condamné les violences contre les civils, notamment la répression des manifestations qui ont fait une dizaine de morts à Abidjan dont plusieurs femmes ces derniers jours.
Temps perdu
Pour une partie de la presse ivoirienne et de l’opinion en général, la mise en place du panel et surtout les conclusions auxquelles il a abouti ont été préjudiciables à la Côte d’Ivoire. Les violences, en effet, ont décuplé depuis février. Le rapport Fidh publié hier parle de plus de 400 tués et plus d’un millier de blessés. Plus de trois cent mille Ivoiriens ont quitté leur domicile par peur des violences et une vingtaine de milliers se trouvent au Liberia qui crie à la saturation.
Economiquement, le pays tire la langue et les mesures d’asphyxie, la guéguerre pour le système bancaire ou les embargos comme celui sur les médicaments de l’espace Ue commencent à fatiguer autant le camp Gbagbo que la population en général. Les affrontements entre les anciennes forces rebelles et la partie de l’armée loyale à Gbagbo se multiplient et touchent une grande partie de la Côte d’Ivoire qui, pour plus d’un observateur, a renoué avec la guerre civile. Avec un bilan qui pourrait être bien plus redoutable que celui de 2002.
Avec en tout cas, une société plus divisée partagée entre un Alassane Ouattara dont le camp adverse vient, indirectement par les mesures de suspension des vols Onuci, d’interdire le retour à Abidjan et un Laurent Gbagbo que International Crisis Group ne se gêne plus de qualifier de « dirigeant d’un Etat voyou ».
Adam Thiam
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