Gouverner, c’est prévoir. Personne ne nie cette vérité devenue évidence même. En cette année 2010, vous avez décidé, en tant que président de la République du Mali, de fêter avec dignité et honneur le cinquantenaire de notre pays. Ce n’est pas tous les jours que la providence nous gratifie d’un tel honneur. Nous avons le devoir de nous souvenir et de récompenser ceux qui ont fait de l’indépendance et de la dignité du Mali, un sacerdoce, le combat de leur vie. Cependant, en tant que chef de l’Etat, votre devoir est également de regarder ce pays en face, de dire la vérité aux citoyens, d’agir en homme d’Etat responsable et courageux, celui qui a le sens des priorités et des réserves.
Au cours de votre conférence de presse du 08 juin dernier, vous avez révélé à l’opinion nationale et internationale que le Comité d’organisation du Cinquantenaire vous a réclamé sept milliards de francs Cfa pour organiser ses ripailles. En bon chef de famille, je suppose, vous avez trouvé que « c’est trop » et votre Premier ministre est d’accord. Vous êtes en négociations pour « diminuer » le montant, le rendre raisonnable et acceptable pour la nation.
Bien sûr, il est bon de fêter, de célébrer, de souligner les acquis de notre souveraineté nationale et internationale. Mais, il est de moment où fêter devient tout simplement indécent. Aujourd’hui, compte tenu de certaines réalités du Mali, la fête confine à l’insolence. Pourquoi ? Parce qu’il est inacceptable de dilapider des fonds publics en agapes alors que le Septentrion malien fait face à une très grave crise alimentaire. J’ignore le type de rapports qu’on vous soumet et ce que l’on vous brosse comme situation réelle. La vérité est claire et limpide : le Nord du Mali a faim. Les ressortissants de Kidal à Bamako ont déjà mobilisé 99 millions pour venir en aide à leurs parents qui sont aussi les parents de tous le Mali.
Les organisateurs du Cinquantenaire peuvent vous demander la moitié des 7 milliards initiaux. Cela fait 3,5 milliards. Grossièrement, à 35 000 Cfa le riz de riz, cette somme peut servir à acheter 100 000 tonnes de riz. Aucun Malien doté de jugement et de bon sens ne peut comprendre que le Gouvernement de la République réunisse des bailleurs de fonds pour quémander quelques sous et une aide alimentaire d’urgence pendant que lui-même dilapide 3,5 milliards en festivités.
Monsieur le président de la République, ce qui se passe aujourd’hui à Kidal et ailleurs est grave. La nourriture manque, le cheptel meurt et les points d’eau se raréfient. Le rôle d’un chef est de prendre des décisions dures, justes et courageuses. La junte nigérienne a tout de suite compris le cynisme d’une parade grandiose alors que les ventres sont vides. Elle a annulé les festivités. Personne ne comprendra un étalage insolent de richesses et de bricoles quand la moitié du pays s’interroge sur ses besoins alimentaires. Les sécheresses des années 73 et 84, avec leur gestion calamiteuse, ont conduit à la rébellion tragique des années 90. C’est maintenant qu’il faut agir pour éviter que notre histoire ne soit un éternel recommencement. Allah Kama, laissez tomber le folklore et occupez-vous des besoins essentiels des enfants du Mali !
On aurait dû, on aurait pu, il fallait, ne sont que des expressions de regret et des signes d’imprévoyance. Quand il sera trop tard, ce sont les innocents qui paieront encore le plus lourd tribut. Et nous aurons sur la conscience, le destin tragique de milliers de personnes soumises à la violence, à l’errance ou à l’exil.
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