A propos de … L’école, des syndicats et du gouvernement

0




Le Premier ministre est sorti, après une rencontre avec les syndicats enseignants, pour faire miroiter des lendemains meilleurs aux élèves et étudiants, et à leurs parents, à propos du bras de fer qui oppose depuis deux mois les Syndicats de l’enseignement supérieur et le gouvernement.

Le chef du gouvernement semble avoir trouvé un terrain d’entente avec les syndicalistes. S’il a des raisons d’être optimiste et de compter sur un début de sortie de crise, il aura tort de trop se réjouir et de baisser la garde. Les enseignants, à tous les niveaux, sont, depuis quelques années, de plus en plus exigeants et boulimiques en revendications. Heures supplémentaires, indemnités de logement, alignement des salaires sur les autres pays de la sous-région, hiérarchisation, intégration des contractuels, tout y passe, les enseignants ne se refusent rien et sont prêts à n’importe quel extrémisme et radicalisme. Ces messieurs (et dames), irréprochables à tous égards, qui n’hésitent pas à déclencher une grève illimitée pour pouvoir donner des cours privés à leurs propres élèves et étudiants dans les salles de classes qu’ils sont censés bouder, qui n’hésitent pas à brandir le sceptre de l’année blanche contre leurs propres enfants, handicapant du coup l’avenir de ceux-ci, qui n’hésitent pas à vendre des brochures contenant les cours qu’ils refusent de donner normalement, qui n’hésitent pas à vendre des notes de classe et d’examen aux pires des cancres, ces messieurs (et dames) sont-ils fiables ? Loin s’en faut, selon les observateurs du milieu scolaire et universitaire. Si la qualité des participants au Forum national sur l’éducation a prouvé que tout le monde est concerné par la question de l’école, il faut convenir, avant tout, que cette école n’a que deux principaux ennemis : d’une part, le personnel enseignant, d’autre part, les élèves et étudiants. Depuis le début de la décennie 1990, les deux catégories ont réinventé l’alternance. A tour de rôle, ils concourent, et excellent, dans les sorties intempestives, les débrayages spontanés, les congés indus, les revendications maximalistes, les négociations forcenées, les arrangements de façade. Ce qui fait dire à certains, notamment les parents d’élèves et étudiants, qui ne comprennent pas pourquoi leur progéniture et leurs enseignants font la course dans l’occupation de la rue, que les syndicats enseignants et estudiantins agissent selon leur saute d’humeur, que leurs actions n’ont rien de prémédité ou de mûri. Ils (ces parents d’élèves et étudiants) ont raison et tort à la fois. Ils ont raison parce que la plupart des élèves, étudiants et enseignants ne font que suivre un mouvement décidé et déclenché par d’autres. C’est généralement quand tout est en place pour le débrayage que la grande majorité est informée et priée de s’exécuter sans plainte ni murmures.

Quid des décideurs, les vrais grévistes ?

Le syndicat estudiantin et scolaire, c’est connu depuis longtemps, est en grande partie noyauté et manipulé par une certaine partie de la classe politique qui voit, là, les moyens de participer à l’œuvre de déstabilisation nationale, à la déconstruction du peu de structure qui existe encore. Ceux qui tirent les ficelles sont très loin des vraies préoccupations des élèves et étudiants et ne roulent que pour des intérêts politiciens particulier. Après avoir eu raison de deux Premiers ministres, sous le règne d’Alpha Oumar Konaré, ils croient déraisonnable de s’arrêter en si bon chemin. Et, régulièrement, ils remettent ça, avec le même bonheur et autant de réussite puisque les ministres en charge de l’école se suivent et ne se ressemblent guère.

Concernant les syndicats des enseignants, le cas est encore plus complexe. S’ils répondent également à des sollicitations et impératifs politiciens, même si leurs revendications ont tous les aspects de l’action syndicale, les enseignants, depuis quelques années, se sont lancés dans une sorte de compétition à qui revendiquera le plus, à qui aura le plus de succès. Les plus avertis ont, certainement déjà, compris qu’il s’agit de l’antagonisme profond et de la grande rivalité qui existe entre la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM) et l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), plus précisément entre la fédération de l’éducation nationale (FEN), la Coordination des syndicats de l’enseignement secondaire (COSES) et le Syndicat national de l’enseignement supérieur, d’une part, et le syndicat national de l’éducation et de la culture (SNEC), d’autre part. Ces différents syndicats, qui, il y a quelques années seulement, ne faisait qu’un, se sont retranchés chacun dans une des deux confédérations syndicales et se vouent la seule haine qui ne peut être engendrée que par les questions de personne, la rancune et les rancœurs. Chacun est décidé à la jouer en solo, avec une litanie de revendications très souvent invraisemblables, dans le seul espoir de damer le pion au grand rival, au détriment de la profession, de l’école, des élèves et étudiants, de la nation. Au détriment de l’avenir. Mais ces enseignants dévoyés, syndicalistes insouciants et piètres politiciens n’en n’ont cure. Quitte à enfoncer encore plus l’école, ils ne sont intéressés que par leur vendetta personnelle mais hautement négative.

Alors, le Premier ministre et, partant, tout le gouvernement seraient mieux inspirés de convoquer tout le monde, surtout « les frères ennemis », à la même table pour discuter, définitivement, de tous les problèmes. Par ailleurs, le gouvernement se doit également de ne s’engager que sur un terrain sûr. Autrement dit, ne faire que des promesses qu’il peut tenir.

Cheick Tandina

 

Commentaires via Facebook :