A la loupe : Course contre la montre

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La synthèse de la médiation est finalement arrivée hier dans la soirée à Alger
Cérémonie de signature de l’engagement d’Alger

L’espoir post-traumatique né du paraphe par le gouvernement, la médiation internationale et des groupes d’autodéfense du projet d’accord pour la paix et la réconciliation nationale aura été de courte durée. L’espoir a été étranglé quand la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a demandé un délai lui permettant de consulter ses bases, et assassiné lorsqu’elle a tout simplement refusé de parapher, ressuscitant de vieilles revendications remisées par les autres parties. Paradoxalement, ce refus des mouvements rebelles touareg a eu des conséquences heureuses pour le gouvernement malien.

Tout d’abord, il a servi à diaboliser les rebelles touaregs, les faisant passer pour les ennemis de la paix et de la réconciliation nationale. Si, en effet, dans un premier temps, les  raisons du délai qu’ils avaient demandé étaient fondées, parce que représentant des populations au nom desquelles ils ne pouvaient s’engager sans les consulter, leur rejet en l’état actuel du document n’a pas été du goût de tout le monde. Malgré leur hypocrisie et leur duplicité, certains fragments de la communauté internationale pouvaient difficilement comprendre que la CMA refuse de parapher ce qu’eux ont proposé et approuvé. Ici donc au Mali et aux yeux de l’extérieur, les mouvements armés de l’Azawad ont plus que jamais mérité l’appellation d’irrédentistes jusqu’au-boutistes, apatrides, potentiellement dangereux pour toute la sous-région.

Exercice litigieux inter-politicien

Les mêmes qualificatifs ont été attribués, malencontreusement, il est vrai, par des irresponsables politiques peu avisés, aveuglés par une soif pathologique de domination et un manque total de discernement à des responsables de l’opposition qui ont le courage de désapprouver publiquement le projet d’accord. Pour autant, le citoyen lambda a perçu cet échange de « bons » comme un exercice politicien dont ne se lassera jamais les animateurs de l’opposition et de la majorité.

Ensuite, le refus de la CMA de parapher le projet d’accord pour la paix et la réconciliation nationale a permis au gouvernement de lancer une grande campagne d’explication du document. Très souvent par procuration. Ainsi, des partis, mouvements et associations politiques, des groupes d’autodéfense –appelés péjorativement milices par quelques esprits pervers- sont montés au créneau pour commenter et défendre le document,  expliquer pourquoi le gouvernement a pris la lourde décision, contre vents de l’opposition politique et marées de la société civile de parapher un document qui lui a été imposé par une médiation désireuse de se débarrasser au plus vite de l’encombrant dossier malien. Par associations, mouvements et partis politiques, le gouvernement a donc joué sa partition pour rallier à sa cause les récalcitrants.

Mais les mouvements armés de l’Azawad ne sont toujours pas pressés de céder à la pression nationale de leurs frères du nord et internationale de leurs toujours alliés. Or, contrairement à ce qu’ils croient, le temps ne joue pas en leur faveur. Au contraire, ils risquent de perdre les nombreuses concessions que le gouvernement a consenties en leur faveur. Car même s’ils n’ont pas arraché aux négociateurs un statut spécial, politique et juridique pour les régions du nord, même si l’appellation Azawad n’a que valeur « historique et mémorielle », le projet d’accord pour la paix et la réconciliation nationale ne met pas les régions de Tombouctou, de Gao et de Kidal sur le même pied que les autres régions du pays.

Requiem pour la République

De fait, elles ont un statut spécial qui les différentie des autres et en fait des zones privilégiées. D’où le courroux dans certains cercles du reste du pays, qui décèlent une administration et un développement à double vitesse, d’une perte de laïcité. Selon eux, le projet d’accord sème les germes de la partition du pays. Et si le temps joue contre les mouvements rebelles et terroristes, il ne joue pas forcément en  faveur du gouvernement. Pour les mêmes raisons. Parce que l’administration Kéita a eu, grâce au refus de la CMA de parapher le projet d’accord, le temps de faire comprendre le document aux populations, celles-ci, sous l’éclairage de l’opposition ont également eu le temps de comprendre un document qui, s’il peut apporter la paix et la réconciliation à court terme, peut également être à la base de la division, du clivage, de la partition d’un pays.

Mais avant d’en arriver là, il est sûr et certains que les uns et les autres n’auront aucune envie de faire l’économie d’une guerre civile à l’issue prévisible. Le temps joue donc contre chacune des parties et il est temps que l’horloge sonne les douze coups d’un nouveau jour d’entente, de réalisme et de courage. A défaut, les médiateurs et observateurs internationaux devraient s’apprêter à sonner un requiem en la mémoire d’une grande nation tombée sur le champ de la bêtise humaine.

Cheick TANDINA

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