L’administration, dit-on, est une continuité. Cette continuité sera fatale dans les prochains jours à la société Transrail -SA. L’ancien ministre de l’Equipement et des Transports, Ahmed Diané Séméga, avait depuis 2010 posé les jalons de la liquidation de Transrail.
Pour mettre son plan en exécution, Ahmed Diané Séméga et la partie sénégalaise ont sollicité les services du cabinet AXELCIUM pour une consultation dont les honoraires ont été fixés à 270 millions de francs CFA, payable avant mi- novembre 2012.
Le ministre Abdoulaye Koumaré, chargé des Transports et des Infrastructures routières, hérite donc d’un dossier brûlant à Transrail.
Il existe chez les cheminots, trois syndicats coriaces (Sytrail, Syltrail, Synachem) qui n’entendent point assister à la liquidation de leur société au profit d’une nouvelle dont l’issue reste incertaine. C’est ainsi qu’ils ont mis en place l’Union syndicale des rails (USYTRAIL) qui a tenu une assemblée générale d’information le vendredi dernier dans les locaux de ladite société. Elle a été animée par les trois secrétaires généraux de Transrail : Abdoulaye Berthé, Modibo Fofana et Dramane Touré. Ils ont échangé avec leurs syndiqués sur le proche avenir douloureux que les nouvelles autorités maliennes leur réservent.
Entre les syndicats et le ministre Koumaré, c’est la langue d’Esope. Le ministre Koumaré poursuit l’œuvre chaotique de son prédécesseur, Ahmed Diané Séméga, en prenant part à Dakar à la réunion du comité ad hoc, chargé de mettre en œuvre la reforme institutionnelle de la concession du Chemin de fer Dakar- Bamako sans consulter les différents syndicats.
La délégation malienne, conduite par le ministre, comprenait : Alkaidi Amar Touré, Modibo Massaman Traoré, Soussourou Dembélé, Tiémoko Yoro Koné, Samba Sidibé. Celle de Transrail était composée de: Yvan Barailler, Djibril Naman Keita, Alexandre Aly Beye et Thierry Martinetti. Mais la messe était déjà dite sur la prochaine liquidation de Transrail. Et les mots pour exprimer leurs aspirations sont clairs.
«Suite à des études réalisées en 2010, un schéma de réforme institutionnelle a été retenu la :
– création d’une société binationale de patrimoine ;
– création d’une société privée d’exploitation ;
– création d’un organe de régulation».
L’union syndicale des rails (USYTRAIL) a tenu le vendredi dernier dans ses locaux une assemblée générale d’information. Au menu, le compte rendu des conclusions de la réunion des ministres en charge des Transports ferroviaires sur la concession du chemin de fer Dakar- Bamako tenu le 5 octobre 2012 à Dakar. C’était l’occasion pour les responsables syndicaux de dénoncer fermement le plan mercantile des autorités .Ce fut un vrai déballage sur les différentes tractations menées par le département.
Les syndicalistes, Abdoulaye Berthé et Modibo Fofana, ont dressé la liste des performances de leur société : baisse des déraillements, baisse des détresses, remise de 9 locomotives, amélioration des conditions de travail et le paiement des salaires à date échue.
Le ministre- colonel, Abdoulaye Koumaré, aura du mal à atténuer l’ardeur des cheminots car il hérite d’un dossier explosif. Pire, les cheminots garderaient un mauvais souvenir des porteurs d’uniforme dans la gestion de leur société. Et pour cause ? Un colonel de l’armée malienne, nommé président directeur général de la Régie des chemins de fer a été chassé par les cheminots.
Présentation de Transrail –SA
C’est une société concessionnaire qui a démarré ses activités le 1er octobre 2003. Elle emploie 763 agents sénégalais et 763 agents maliens. Les deux Etats (Sénégal et Mali) sont représentés à hauteur de 10% chacun dans le capital de la Société, les travailleurs de chaque pays détiennent 4,5%, les privés de chaque Etat ont 10% et Transrail détient 51%.
La direction est basée au Mali et les services techniques sont au Sénégal. Dans la convention signée avec les gouvernements du Mali et du Sénégal, Transrail –SA s’occupe du trafic international marchandises entre les deux Etats. Elle a licencié 619 agents. L’Etat du Mali n’est pas représenté au sein de la direction de Transrail qui comprend deux expatriés et deux Sénégalais. Pourtant, la mise en concession est entrée en vigueur le 1er octobre 2003 tandis que le décret, portant approbation de la convention de concession de l’exploitation de l’activité ferroviaire sur le chemin de fer Dakar-Bamako et la décision portant création, attributions et organisation de l’organe de suivi de l’activité ferroviaire, a été signé le 22 octobre 2003 plus tard.
Il faut ensuite rappeler que le 4 décembre 2003 les députés ont interpellé le gouvernement à travers le département de l’Equipement et des Transports sur l’épineux problème de désenclavement intérieur et extérieur du Mali.
C’est à l’occasion de ce débat que le Parlement a attiré l’attention du gouvernement sur le fait accompli qui est le démarrage des activités de Transrail avec la participation de l’Etat sans l’autorisation de l’Assemblée nationale qui est la seule institution compétente en la matière au regard de la loi fondamentale de notre pays. En raison du sujet très sensible, les nouvelles autorités de la transition doivent reprendre les négociations en cours pour mieux apprécier les avantages et les inconvénients de la dissolution d’une entreprise aussi importante qu’est TRANSRAIL-SA.
Aucune «révision institutionnelle» ne saurait altérer la colère des cheminots. La société Transrail serait dissoute en décembre 2012, malgré sa performance : une question de vie ou de mort pour le ministre Koumaré, car tout est fin prêt du côté de la transition. «Le cabinet AXELCIUM doit, après certification des comptes de l’exercice 2011, rédiger un document précis sur le processus de reconstitution des fonds propres négatif de TRANSRAIL-SA (montant nécessaire à la remise à zéro des fonds propres, le montant nécessaire à la recapitalisation, le montant nécessaire pour la garantie du passif, le niveau de dépréciation des actifs, etc.) et proposer un coût d’acquisition de l’action de TRANSRAIL-SA.»
Voilà les termes de la dissolution consignés dans le rapport du comité ad hoc chargé de mettre en œuvre la reforme institutionnelle de la concession du chemin de fer Dakar- Bamako.
Comment en est-on arrivé à cette dissolution de la société Transrail
A la rencontre de Dakar, le 05 octobre, M. Keita, secrétaire général de Transrail, a présenté une communication sur l’état d’avancement du règlement préventif. Il a indiqué que la dette exigible au 31 décembre 2012 porte sur 4 milliards de F CFA, malgré un endettement total de plus de vingt un (21) milliards de F CFA. Les créances, au titre de l’exercice 2012, s’élèvent à 3,104 milliards de F CFA et le financement du programme d’investissement d’extrême urgence de deux (2) milliards de F CFA n’ont pas été débloqués jusqu’à présent par les deux Etats.
Interloqués par la tournure des choses, les syndicats sont allés voir le capitaine Amadou Haya Sanogo à Kati.
«La concession d’octobre 2003 est mal partie», soutiennent certains cadres proches du dossier. C’est pourquoi, les deux Etats ont jugé nécessaire de faire appel à un autre opérateur qui serait une société chinoise. Et cette nouvelle société chinoise aurait mis sur la table 3 milliards de francs CFA.
S’il y a une société qui a souffert de privatisation, c’est sans doute l’ex Régie des chemins de fer. Sa privatisation, commencée sous le mandat d’Alpha Oumar Konaré, s’est achevée sous ATT avec le vocable «concession». Un patrimoine estimé à 117 milliards de FCFA, à l’époque cédé à la société CANAC à 7 milliards de francs CFA payables sur sept (7) ans.
Le gouvernement devrait garantir auprès des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) un prêt de 14 milliards de francs CFA au profit de Transrail crée par CANAC. Bilan : 619 licenciements qui ont parfois touché de nombreuses familles.
Amy SANOGO