Doucement mais très assurément, le train voyageur Bamako-Kayes a repris les rails. Cela sous l’impulsion du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita à travers son ministre des Transports et du Désenclavement, Moulaye Ahmed Boubacar Haïdara et grâce au concours de l’organe de gestion de la phase transitoire des chemins de fer du Mali et du Sénégal, DBF (Dakar-Bamako Ferroviaire). Lundi, le ministre accompagné de ses proches collaborateurs et de la presse s’est rendu sur le terrain. Reportage.
Lundi 12 février, comme au bon vieux temps, des taxis rangés de l’entrée à la sortie de la gare, les marchands de sacs de voyage et les vendeurs de café entourés des clients, des dizaines de voyageurs en rang vers les guichets….. Une fois sur le quai, on peut apercevoir le long de la rame (6 wagons et deux locomotives) des va-et-vien des agents de sécurité et du DBF (ancien Transrail). La joie sur le visage, à partir des fenêtres, des passagers donnent au revoir à leurs accompagnateurs. Tout cela sous le vrombissement des machines. Eh oui ! la gare ferroviaire de Bamako a retrouvé son ambiance d’antan.
7h 15 mn : au niveau de l’entrée secondaire, le ministre des Transports et du Désenclavement est accueilli par les responsables du DBF, au pas de charge, il se dirige vers le wagon VIP bleu-ciel, collé à un autre wagon climatisé d’une capacité de 56 places avec des sièges confortables, réservé à la presse et autres invités de marque. Deux coups de sifflet, tout est fin prêt pour permettre à la géante locomotive (CC 2205) de fabrication canadienne de quitter la gare en tractant 8wagons dont 2 VIP.
Deux femmes pour mener la locomotive !
7H45mn : arrivée à la gare de Kati. Sur place, la principale attraction a été le fait de voir deux femmes, aides mécaniciennes conduire le train. Pour leur rendre honneur, le ministre Moulaye Ahmed Boubacar, profitant de l’escale de Kati, s’est personnellement rendu dans leur cabine de pilotage.
Elles s’appellent Mme Maïga Maïmouna Kéita et Mme Diarra Alima Koura Mariko. La première plus petite de taille que l’autre et la deuxième plus claire que de teint que la première, mais toutes les deux animées d’une seule passion : conduire le train. Souriantes et ouvertes aux questions des journalistes, elles s’affirment en stagiaires. Mais au regard de leur dévouement et leur conduite exemplaire comme un train sur les rails, tout laisse croire que ces deux atypiques cheminotes ont un bel avenir devant elles. Toutes deux mères de deux enfants et jouissant de la confiance de leurs conjoints et responsables, elles se livrent à cœur joie dans leur métier avec sérieux. Techniciennes en électromécaniques sorties de l’ECICA (Mme Diarra Alima Koura Mariko) et du CTM (Mme Maïga Maïmouna Kéita) elles ont intégré le chemin de fer par voie de concours sur plus de 2000 postulants en 2006. La passion seule peut-elle suffire ?
La réponse à cette question est bien non. Car bien avant elles, de nombreux conducteurs de train animés de la passion des rails, après des dizaines d’années de loyaux services, sous le poids de la pesanteur sociale sont morts dans l’indifférence totale. D’autres, avec l’espoir que le chemin de fer ne mourra jamais exercent dans des difficultés énormes. Notamment, sans assistance sociale et des mois d’arriérés de salaire.
Des cheminots, le cœur meurtri à l’ouvrage !
Mamadou Bassirou Diakité et Boubacar Diawara, deux vieux conducteurs de train, heureux de la reprise du trafic ferroviaire du train voyageur sur la ligne Bamako-Kayes, mais dubitatif sur le sort des travailleurs du DBF.
« J’ai 35 ans et 6mois de carrière, la reprise du trafic du train voyageur nous glorifie, mais cela fait six mois qu’on n’a pas de salaire », lance Mamadou Bassirou Diakité. Même son de cloche chez Boubacar Diawara : « j’ai 37 ans de carrière, nous sommes une trentaine de conducteurs de train. Notre souhait est que cette reprise soit pérennisée et que les plus hautes autorités songent aux conditions de travail et de vie des agents. Après plus de cinq mois sans salaire, il n’est pas facile de tenir ». Ces deux vieux cheminots en chœur ont le même refrain : « ça marchera !».
13H30mn : la locomotive verte s’immobilise à la gare de Kita. Cela après les étapes de Dio, de Néguela, de Kassaro, de Sébékoro et de Badingo. A chacune de ces escales, le ministre des Transports et du Désenclavement et sa délégation furent accueillis par une liesse populaire des populations amassées sur les deux cotés des rails. Sous des belles mélodies kassonké un seul slogan était dans toutes les bouches : « Vive le train ! Merci IBK ! ».
Comme dans les autres localités, le ministre Moulaye Ahmed Boubacar a procédé à la salutation des autorités administratives, locales et coutumières avant de visiter les locaux de la gare ferroviaire de Kita. Après les explications du chef de gare de Kita, Idrissa Bagayoko sur l’état des lieux de son service et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, la réponse du ministre ne s’est pas fait attendre. « Je connais tous les problèmes qui vous affectent aujourd’hui. Nous allons faire de notre mieux, notre souci c’est de gommer tous ceci, mais avec votre soutien. Cela commence par rendre vos locaux salubres. Il n’est pas possible de bien travailler dans un bureau couvert de poussière comme c’est le cas ici » a lancé le ministre avant de regagner son wagon pour la suite du trajet.
Toukoto, la survie liée aux rails !
Amara Sissoko, 60 ans, père de 9 enfants, ancien maire (2004-2009) élu municipal actuellement et originaire de Toukoto, est le chef de la gare ferroviaire de Toukoto. Comme lui la vie de la majorité de la population de cette ville est inséparable au train. D’aucuns soutiennent même que cette localité fut fondée par des cheminots. Mais ce qui reste dans la mémoire de tous les férus du train voyageur (autorail Kayes Bamako), c’est bien la qualité des repas vendus à Toukoto. « Il y’avait ici deux célèbres garrottes, tenues par une sénégalaise feue Hady M’Baye et la vieille Iya Diaby. Tous les passagers s’empressaient d’arriver ici pour déguster les plats servis à Toukoto. Mais à cause de l’arrêt des activités du train voyageur ces restaurants ont été fermés » déplore Amara Sissoko tout en exprimant le vœu que cette reprise soit le démarrage pour de bon, du train voyageur.
L’enthousiasme et la ferveur suscités par la reprise des activités du train voyageur étaient bien réels chez les populations de Toukoto. Pour se frayer un chemin au milieu de cette foule immense manifestant sa joie, le ministre et sa délégation ont passé des dizaines de minutes. Du coup, la visite du pont de Oualia (à une vingtaine de kilomètres de Toukoto), réparé grâce aux subventions de l’Etat à hauteur de 200 millions, n’a pas été possible. Cependant dans le village de Soukoutaly, malgré la pénombre, les villageois sont sortis nombreux obligeant le train à faire une halte de quelques minutes avant de faire cap sur le cercle de Mahina, via le village de Badumbé. Partout c’était la joie et l’allégresse.
Les assurances du ministre Moulaye Ahmed Boubacar !
La gestion du chemin de fer Mali-Sénégal est en phase transitoire, entre les mains d’un organe de gestion : Dakar-Bamako Ferroviaire qui attend un nouveau programme de financement pour mieux faire à ses missions ; dont les plus urgentes se déclinent en trois points : la régularisation des salaires du personnel, l’acquisition de nouvelles locomotives et la réparation de la voie ferrée.
Ces trois points cruciaux sont aussi une préoccupation majeure du Gouvernement.
Par rapport à la question des arriérés de salaire, le ministre des Transports et du Désenclavement a dit ceci : « l’Etat a conscience des difficultés que traversent les employés. Et on ne peut pas les obliger à atteindre un résultat sans les mettre dans de meilleures conditions de travail ». Il a rappelé qu’avec la subvention de l’Etat au DBF, une partie du salaire a été payé, avec la reprise, que les choses vont s’améliorer.
Concernant l’acquisition de nouvelles locomotives, il a évoqué les initiatives entreprises à ce sujet, notamment les pourparlers en cours avec des partenaires. Tout cela sous la clairvoyance du président Ibrahim Boubacar Kéita.
4H 45mn : le train arrive à destination. A la gare de Kayes, les personnes à l’accueil n’ont pas fermé l’œil la nuit. C’est sous les belles mélodies de la musique d’orchestre des griots de Kayes que le ministre Moulaye Ahmed Boubacar et sa délégation ont été accueillis dans la cité des rails. Ce voyage était le 25ème du genre depuis la reprise du train voyageur. Sur une banderole de la coordination régionale de la voix du peuple de Kayes on pouvait voir écrire en gros caractère : « Ca y est ! Toutes les gares et tous les haltes disent merci au président IBK ». La raison est connue : Kayes a réentendu le train sifflé.
Moustapha Diawara, envoyé spécial