Pour contourner la grève illimitée de son personnel malien : Air France débarque des agents à Bamako en violation du Code du travail et de la convention du BIT

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La compagnie Air France vient de prouver son comportement discriminatoire et de mépris à l’égard de son personnel malien, voire de la nation malienne. En effet, pour contourner la grève illimitée de ses agents de Bamako, Air France s’est permis d’amener trois de ses agents de Paris pour travailler à leur place. Un comportement qui jure avec la législation sur le travail et la convention internationale du BIT et qui atteste la mauvaise foi du Directeur régional d’Air France de trouver une solution aux revendications du personnel de Bamako dont la grève a perturbé le départ du vol du mercredi qui a quitté Sénou à 2 heures du matin au lieu de 22 heures 40.

Mme Delattre Emmanuelle, M. Gagnard Jening et Maillefer Jean-Louis sont les trois agents amenés de Paris par le Directeur régional d’Air France,  Jean Raoul Tauzin, basé à Dakar avec compétence sur l’escale, malienne. Ce dernier, venu expressément  de Dakar pour prendre langue avec le comité syndical du personnel du Mali dirigé par Mme Diallo Augustine Sangaré a formulé des propositions jugées  insignifiantes par rapport aux points de revendications. En effet, le personnel malien exige un alignement, pur et simple sur le même niveau que leurs homologues du Sénégal, les conditions du déroulement de leur carrière, des primes et au régime indemnitaire et des avantages sociaux. Il faut signaler que les personnels de Dakar et de Bamako relèvent de la direction régionale,  ils ont pratiquement le même volume de travail avec un vol chaque jour, les mêmes niveaux de diplôme et de responsabilité. Les deux pays ont pratiquement le même niveau de vie, appartiennent à la même zone monétaire. Cependant, pour des raisons que la raison elle-même ignore, Air France trouve le moyen de fixer le point de la grille indiciaire de Dakar à 1030 (où elle emploie 144 agents) alors qu’ à Bamako l’indice est  à 970 (pour ses 30 agents). Aussi un 14ème mois est accordé aux agents de Dakar et rien à ceux de Bamako.

En terme de prime de panier,  4 000 FCFA sont accordés aux travailleurs de Dakar, contre 1500 FCFA à ceux de  Bamako, une prime locale annuelle de 400 000 FCFA est donnée à Dakar contre 90 000 FCFA pour Bamako. Une indemnité de départ à la retraite d’un million de FCFA est payée aux agents de Dakar alors que ceux du Mali ne reçoivent rien du tout à ce titre.

Voilà des écarts discriminatoires parmi tant d’autres qui motivent la grève illimitée du personnel de notre pays contre leur employeur Air France. Celui-ci, à travers son Directeur régional, au cours d’une rencontre avec les représentants du ministère des transports et de la direction nationale du travail, s’est permis de dire que ce niveau de salaire est déjà le plus élevé du secteur au Mali et que ses agents n’ont pas à prendre Dakar comme référence. Comme si le Sénégal faisait partie de la France. Acculé, il a proposé aux syndicalistes une augmentation de 10% de la prime de panier (soit 150 F CFA  de plus par  jour) et de 10% de la prime locale annuelle.  Et cela, avec effet à compter d’octobre prochain. Des propositions jugées dérisoires et rejetées en bloc par la partie malienne. Devant les mêmes officiels, le responsable d’Air France ne s’est pas empêché de dire que sa compagnie a dépêché trois agents de Paris pour venir travailler en lieu et place du personnel malien. Curieusement, ces officiels représentants de l’Etat malien n’ont pas réagi à cette violation de la législation malienne sur le travail et même de   l’article 87 de la convention du BIT.  Ces agents ci-dessus cités sont arrivés le mardi soir et la police spéciale de l’aéroport avait reçu instruction de les laisser travailler. Le mercredi, premier jour de la grève, le syndicat avait commis un huissier de justice pour constater à l’aéroport de Bamako Sénou cette violation flagrante de la loi. Sur place, Me Hamadoun Sangaré de l’étude de Me Moussa Sidibé ainsi que notre équipe de reportage ont constaté, avec les grévistes, que les trois étrangers n’étaient pas à l’aéroport pour procéder  à l’enregistrement des passagers convoqués à 18 h 30 pour un le départ de l’avion à 22 h 40. Cependant, le chef d’escale d’Air France, Frédéric De Marty a bien confirmé que les trois personnes sont à Bamako et qu’elles sont logées dans un hôtel Laïco, mais qu’elles doivent retourner le jeudi soir. Il a ajouté qu’elles n’ont pas travaillé pour ne pas envenimer la situation. En fait, c’est sous la pression du syndicat  que le chef d’escale a eu peur d’amener ces agents à l’aéroport.

Par contre les responsables du syndicat de rétorquer qu’une fois ces trois agents à Bamako, ils n’ont pas besoin de se rendre physiquement à l’aéroport pour travailler. Depuis leur hôtel avec un ordinateur portable doté du système internet d’Air France, ils peuvent enregistrer les passagers. Un fait qu’on pouvait constater à l’aéroport où les passagers n’avaient qu’à déposer leurs bagages et recevoir leurs tickets d’embarquement. 

Pour accélérer ce processus, le chef d’escale avait fait appel aux agents de la société Assistance aéroportuaire du Mali (ASAM) même à ceux qui étaient en repos ce mercredi. Voila un ensemble de dispositif mis en place par Air France en violation de la loi. Des passagers d’Air France du mercredi dernier informés par les grévistes ont été sensibles à leur combat et l’ont trouvé juste. 

Certaines indiscrétions révèlent même que la direction d’Air France a étendue les compétences des agences de voyage pour effectuer le travail de son personnel et que le schéma envisagé est de licencier encore des agents maliens et de les faire remplacer par des sénégalais qui sont bien payés pour moins de travail. En fait, Air France sait qu’il lui sera plus facile de  se débarrasser des Maliens que des Sénégalais. Cette situation interpelle les plus hautes autorités de notre pays qui doivent soutenir leurs concitoyens dans ce combat qui peut se retourner contre les agents de toutes les sociétés françaises au Mali.

En tout cas, les grévistes n’entendent pas lâcher facilement prise ils sont décidés à aller, cette fois-ci, jusqu’au bout.

Youssouf CAMARA

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