Aujourd’hui, la nécessité de pérenniser l’axe ferroviaire Dakar-Bamako doit, au-delà de la complexité du mécanisme de gestion, amener les Etats à répondre favorablement à l’appel de la direction qui a trop longtemps tiré la sonnette d’alarme et qui a fini par donner un coup d’accélérateur au processus de sortie de crise à travers la mise en œuvre du Plan Horizon 2020.
Le chemin de fer est, à n’en pas douter, un outil de développement économique. Il offre au Mali une voie d’accès théoriquement très concurrentielle de Dakar vers Bamako, pour le transport d’hydrocarbures, de conteneurs de diverses marchandises conventionnelles pondérales. Actuellement, la société TRANSRAIL qui assure cette liaison entre Dakar et Bamako souffre de la vétusté des voies ferrées qui datent de l’époque coloniale, de l’absence ou de l’insuffisance de subventions des Etats concédants et de l’absence d’une politique de recyclage et de renforcement des capacités du personnel technique et administratif.
La non reconstitution d’un fonds de roulement engendrant tensions de trésorerie entraîne TRANSRAIL dans la spirale infernale de la baisse du chiffre d’affaires. Ainsi, ce bel outil de production est insuffisamment entretenu et sa capacité de transport baisse alors que certaines charges augmentent anormalement du fait de cette dégradation et du défaut d’investissement dans des mesures correctrices (formation, contrôle, logiciel de gestion…). L’arrêt de l’activité ferroviaire sur l’axe Dakar-Bamako va entraîner la suppression de quelque 3 000 emplois directs sans oublier les emplois créés auprès des fournisseurs.
Il n’est point besoin d’être un spécialiste, pour comprendre que l’affaiblissement de la capacité d’évacuation sur le corridor va freiner la croissance attendue du Produit intérieur brut malien. Ce qui pourrait avoir des conséquences sur les prévisions budgétaires de notre pays pour les prochains exercices.
Cette situation difficile de TRANSRAIL s’explique également par le non-respect des engagements pris par les Etats. Malgré cette situation, les efforts ont été déployés pour une réduction des charges afin d’économiser tout au plus un milliard cinq cent millions de francs Cfa par an. Or, la société est confrontée depuis le démarrage de ses activités à un déficit structurel de près de trois milliards.
Volets indispensables à la bonne marche de l’activité ferroviaire
Pour sortir de cette situation, la direction générale de TRANSRAIL a conçu un Plan Horizon 2020. Ce plan de restructuration très fiable, selon les spécialistes, prend en compte tous les volets indispensables à la bonne marche de l’activité ferroviaire. Il s’agit là de résoudre les difficultés que la société TRANSRAIL traverse. A travers la conception de ce plan, la direction de TRANSRAIL s’inscrit dans une perspective d’avenir.
Dans ce plan, Transrail se fixe des objectifs qui sont, entre autres, la revalorisation de ses infrastructures ferroviaires et le renforcement de sa logistique. Pour ce faire, TRANSRAIL compte reconstruire le réseau ferroviaire. Et cela en tenant compte des normes internationales. D’autre part, TRANSRAIL envisage l’obtention de nouveaux matériels roulants (locomotives, wagons, rames) et la construction de nouveaux dépôts d’hydrocarbures de grandes capacités, le long des axes ferroviaires. Les secteurs d’activité de la société sont axés sur les transports des produits suivants : hydrocarbures, conteneurs, coton, ciment et matériaux de construction, engrais, produits de premières nécessité et produits alimentaires, marchandises générales, attapulgite. Transrail va faire d’énormes progrès opérationnels (respect des procédures de sécurité, communication préalable des informations de changement, etc.…). Conscient de l’importance stratégique du trafic conteneurisé, Transrail tentera de mettre l’accent sur la régularité des rames (trains blocks). L’acquisition de nouveaux matériels remorqués va orienter vers les plateformes, sans oublier la constitution d’une flotte privée de conteneurs 20 (récusation de transit par chargement porte à porte) appartenant soit à Transrail, soit à certains grands clients conventionnés ayant un volume de trafic justifiant cet investissement. Cette organisation permettra également de fidéliser le client en lui garantissant une capacité de chargement dédiée. Cette restructuration qui s’impose à l’entreprise implique forcément une forte adhésion de tout le personnel, condition sine qua non de sa survie.
Manque de volonté politique des Etats pour la mobilisation des moyens
Avec ce plan, la société va se relancer en offrant des possibilités de transport de masse de personnes et de marchandises dans de meilleures conditions tarifaires.
Les perspectives commerciales sur l’axe Dakar-Bamako demeurent bonnes. Malgré des difficultés, Transrail continue d’être sollicité par certains gros importateurs d’hydrocarbures disposés à considérer le transport par rail de leurs produits comme fiable. Pendant la crise ivoirienne, Dakar s’est affirmé comme le corridor d’exportation par excellence, avec près de 36% des exportations totales de coton du Mali. En 2009, TRANSRAIL a transporté 12,900 Mt de marchandises générales dont approximativement 80% à destination de Bamako et 20% vers Kayes.
Dans le cadre de l’ouverture prochaine de la cimenterie de Diamou, Transrail qui dispose d’un partenaire pouvant significativement influencer les volumes à transporter, peut jouer un grand rôle dans le transport des réserves calcaires. La remise en service de la voie ferrée vers Koulikoro pourrait également motiver le client à dévier une grosse partie de son trafic.
Le défaut de mobilisation de crédits d’investissements hypothèque les perspectives à moyen et long termes de la société.
Sans la volonté des deux Etats de mobiliser des moyens nouveaux pour assurer ces investissements, tous les efforts consentis par les partenaires sociaux et les actionnaires eux-mêmes seront nuls. La mise en œuvre de ce pPan Horizon 2020 nécessite des décisions «courageuses » de la part des partenaires financiers, des Etats et des acteurs sociaux. Aujourd’hui, la situation est telle que les Etats doivent respecter les engagements pris. Cela aura l’avantage de permettre à la Banque ouest-africaine de développement (Boad) de reprendre ses financements jusque-là gelés, en attendant que les Etats jouent leur partition.
Gaoussou Madani Traoré