Les infrastructures de transport sont un levier essentiel du développement économique et de l’édification nationale. Elles facilitent la circulation des personnes et des biens, réduisent les coûts de production et élargissent l’accès aux marchés internationaux. À titre d’exemple, un simple regard sur les infrastructures des Émirats Arabes Unis montre comment les routes, ports et chemins de fer attirent les investissements, accélèrent la croissance et favorisent l’unification des nations.
Depuis l’Antiquité, les plus grands empires ont bâti leur prospérité sur l’extension et l’efficacité de leurs réseaux de transports. Il suffit d’observer l’Europe, qui conserve encore les vestiges des routes pavées qui sillonnaient l’Empire romain il y a 2000 ans. Ces infrastructures robustes ont facilité la circulation des marchandises et de l’armée romaine entre des régions éloignées, permettant ainsi l’unification de l’Empire. Dans la même lignée, l’Empire britannique a assis son hégémonie sur le développement de ses infrastructures maritimes. Comme le rappelle le chant patriotique «Rule Britannia!», la Grande-Bretagne a régné sur les mers pendant près de trois siècles, maintenant la mainmise sur ses colonies grâce à sa flotte. Par le contrôle des routes commerciales, elle a pu s’enrichir en imposant un monopole sur le négoce des épices, des textiles, du sucre et du pétrole.
Défi de la souveraineté- À l’heure actuelle, le Mali, dont le tracé territorial évoque l’étendue des empires de nos ancêtres, vit une renaissance. Il est crucial de réfléchir aux leviers de sa puissance. L’exemple des empires romain et britannique montre que deux de ces leviers – à savoir la maîtrise du territoire et l’influence extérieure d’une Nation – reposent largement sur l’efficience de ses infrastructures de transport. L’allusion à la «maîtrise du territoire» renvoie aux notions de souveraineté territoriale et politique, qui ont connu de grandes avancées au Mali, depuis 2020. La sécurisation du territoire et le contrôle accru des ressources naturelles y sont une réalité indéniable, tout comme l’indépendance des décisions politiques et l’arrêt du processus de fragmentation interne. Toutefois, pour assurer la durabilité de ces acquis, la maîtrise physique du pays et le renforcement de la cohésion nationale doivent impérativement s’appuyer sur le développement d’infrastructures de transport performantes.
Dans cette optique, pour prétendre à une autonomie réelle, l’État doit également garantir son indépendance économique, afin de ne pas être vulnérable aux pressions externes. La souveraineté économique repose sur la capacité de l’État à favoriser l’augmentation des richesses nationales, tout en limitant leur fuite, notamment par le maintien d’une balance commerciale excédentaire. En effet, sans une telle accumulation intérieure, l’État devient dépendant des capitaux étrangers, ce qui le contraint souvent à céder le contrôle sur des secteurs stratégiques de l’économie, comme les mines et l’énergie.
Pour réussir, l’établissement durable d’une balance commerciale excédentaire exige que le pays produise une part importante des biens nécessaires à sa consommation interne – tels que les produits alimentaires, l’énergie, ou les matériaux de construction – et exporte une gamme diversifiée de biens et services vers les marchés internationaux. Dans une économie globalisée, cela exige qu’un pays émergent possède une agriculture et une industrie capables de produire à bas coût. Cette capacité dépend largement de l’efficacité des infrastructures de transport, qui permettent de réduire les coûts d’approvisionnement des intrants, et d’acheminement de la production vers les marchés cibles.
Vecteur essentiel- Pour un pays de l’hinterland comme le Mali, le décollage de la production agricole et industrielle intérieures– condition sine qua non de la souveraineté économique– passe nécessairement par la mise en œuvre d’infrastructures de transport lourd. Ces infrastructures doivent être capables de faire transiter efficacement des quantités importantes de marchandises entre les régions du pays, et vers les marchés internationaux. Vu la géographie du pays et la répartition de ses ressources, la colonne vertébrale de ce réseau d’infrastructures devra nécessairement prendre la forme d’une ligne de chemin de fer traversant le pays du nord-est (Gao, Tombouctou) au sud-ouest (Bamako), avant de rejoindre un port de la sous-région (Dakar, Conakry, Abidjan, ou Lomé). En réduisant les coûts grâce aux économies d’échelle possibles avec des volumes de marchandises importants, ce réseau ferroviaire permettra de stimuler la production céréalière et de développer les ressources minières industrielles du pays (fer, bauxite, manganèse, phosphate, lithium). Il contribuera ainsi à la création de nouveaux pôles de développement à travers le pays, et à l’intégration accrue des régions du Nord dans l’économie malienne, renforçant ainsi la cohésion nationale.
Le cas du canal Érié- L’exemple du canal Érié, dans l’État de New York, illustre parfaitement l’impact des infrastructures de transport sur le développement de l’hinterland. Ce canal, creusé entre 1817 et 1825, relie les Grands Lacs et la rivière Hudson, établissant une voie de navigation fluviale entre le Midwest américain et l’océan Atlantique, via le port de New York. Sa mise en service a considérablement réduit le coût du transport des marchandises entre le Midwest et la côte. Cela a favorisé l’essor de la production céréalière dans la région, et stimulé le développement d’une importante activité minière autour des Grands Lacs. L’amélioration de l’accessibilité vers l’intérieur du pays a également accéléré la migration vers l’Ouest et renforcé l’interdépendance des régions. Enfin, les flux de marchandises générés ont accéléré la croissance des villes situées le long du canal, telles que Buffalo, Rochester et Syracuse, et ont contribué à faire de New York le principal port et premier centre commercial des États-Unis, devant Philadelphie et Boston.
Ainsi, pour conclure, le développement d’un réseau ferroviaire structurant accélèrera le développement économique des régions du Mali, facilitera l’implantation durable de l’État sur l’ensemble du territoire, et renforcera la cohésion nationale. Il jouera un rôle clé dans la consolidation de notre souveraineté territoriale, politique et économique. Au vu de l’impact des grandes infrastructures de transport sur des villes telles que New York, Shanghai ou San Francisco, la nouvelle ligne ferroviaire propulsera également le port auquel il sera relié au rang de première métropole de la sous-région, grâce au flux de marchandises générés.
C’est pourquoi le Mali doit explorer toutes les options quant à la connection portuaire de son réseau ferroviaire, en impliquant les parties prenantes concernées (concessionnaires portuaires, compagnies maritimes, industriels, États partenaires). Son financement passera vraisemblablement par un consortium privé, opérant sous un modèle de concession BOT d’une durée de 30-40 ans, en partenariat avec le Mali et le pays côtier impliqué (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, ou Togo). Ce projet, vital pour la souveraineté économique du Mali, est parfaitement à la portée de notre nation. Il nécessite une volonté politique forte, et le soutien actif des industries nationales, pour garantir son succès.
Pierre Louis SANGARÉ
Ingénieur polytechnicien
Avec les dizaines d’experts commentant sur ce site, avec les dizaines de milliers d’ingénieurs et de techniciens en place au Mali…..😁😁 On se demande à quoi servent ces gens .
Les promesses ont encore de très beaux jours devant elles et les lamentations avec
Il eut été plus simple de dire que vous ne savez même pas fabriquer une brosse à dents, ni de la pâte à dent……alors quant à parler d’un train et de son réseau 😅😅😅
😁😁😁😁