Face à la situation extrêmement difficile de Transrail, le Collectif des Syndicats interpelle les présidents Amadou Toumani Touré et Abdoulaye Wade à agir rapidement pour activer le Plan d’Extrême d’Urgence. Et cela dans l’intérêt bien compris du Mali et du Sénégal mais aussi des 1 500 agents de Transrail.
La société ferroviaire Transrail qui exploite le corridor Dakar – Bamako, traverse une crise extrêmement difficile. Face à cette situation, les travailleurs sont plus que jamais inquiets. Ainsi, tous les syndicats (3 au Sénégal et 4 au Mali) qui défendent les intérêts des cheminots ont décidé de former un ensemble cohérent. Il s’agit du Collectif des Syndicats de Transrail.
Pour ne pas laisser leur entreprise, manifestement laissée pour compte, mourir de sa belle mort, le Collectif a opté de démarcher les autorités des deux pays. Il s’agit, selon Mahamane Djenta, secrétaire général du Collectif, d’aller vers ceux qui ont toujours décidé du sort de la société ferroviaire pour leur expliquer la situation catastrophique qu’est devenue la sienne. Dans ce cadre, une forte délégation de ce collectif, composée essentiellement des responsables syndicaux du Mali et du Sénégal, a rencontré successivement la semaine dernière les ministres de l’Equipement et du Transport, de l’Economie et des finances ainsi que son homologue délégué en charge du Budget.
C’est donc pour faire la restitution de ces différentes rencontres que les responsables du Collectif ont animé, le 31 mars dernier, une conférence de presse au siège du Sytrail, à Ouolofobougou.
Transrail, très malade !
Selon le secrétaire général du Collectif des syndicats, Transrail traverse une crise terrible. La société, ajoute Mahamane Djenta, ‘’est à la croisée des chemins, car elle est menacée dans son existence. Transrail est très malade mais elle n’est pas encore morte…car les trains circulent sur le sang des cheminots. ’’
Sur les échanges avec les différents responsables du Mali, Mahamane Djenta affiche un optimiste mesuré. ‘’ Ce que on a entendu est rassurant mais pas suffisant. Transrail a besoin du concret’’, a-t-il souligné. A l’en croire, l’objectif est de faire tout pour assurer la pérennité de la société. ‘’Il faut que les Etats se manifestent pour sauver les emplois. Nous voulons que les Etats s’investissent urgemment pour sauver Transrail. C’est un cri de cœur, de détresse. Aujourd’hui, les cheminots ne dorment plus.’’, a-t-il plaidé. Tout en reconnaissant les efforts déployés par les présidents Amadou Toumani Touré et Me Abdoulaye Wade, Mahamane Djenta estime qu’ils doivent faire encore plus. ‘’Les Etats doivent aller vite dans la mise en œuvre de l’option institutionnelle.’’, a-t-il conclu.
Pour Oumar Cissé, porte-parole du collectif, le moment est venu pour les Etats de passer à l’action. ‘’Nous n’avons plus besoin de parole. Il faut que des actes soient posés le plus rapidement possible. Si rien n’est fait, nous allons tous partir. Nous voulons que les Etats respectent les engagements pris en mai 2010 à Dakar. Les Etats doivent payer leurs dettes et appliquer les annexes de la convention. Faire une concession ne veut pas dire abandon ou oubli. Nous nous sentons abandonnés’’, a enfin affirmé Oumar Cissé.
’’On a raison d’avoir peur’’
Depuis 2003, date de la concession du corridor Dakar – Bamako, constate Abdoulaye Berthé, ce sont des difficultés de jour en jour en plus grandes. Aujourd’hui, souligne-t-il, 1500 agents et les populations riveraines, des gares traversées sont menacées par l’arrêt des activités de Transrail. ’On a raison d’avoir peur. On a raison d’alerter l’opinion publique nationale et internationale.’’, a-t-il souligné. ‘’Nous interpellons les Etats sur le respect de leur propre engagement. Il faut protéger les emplois et pérenniser le corridor.’’, a fait savoir Berthé.
Pour sa part, Dramane Touré, qui n’a pas pu retenir ses larmes, estime qu’ils ont été abandonnés par les Etats. ‘’D’un côté, on dit qu’il n’y aura pas de licenciement. De l’autre côté, on ne veut pas aider la société à se maintenir. C’est pour nous dire que nous allons mourir avec le chemin de fer. De grâce, que les Etats viennent honorer leurs engagements pris. Nous sommes des laissés pour compte. Mais nous n’allons pas nous laisser faire.’’, a précisé le syndicaliste. Il ajoute que ‘’le Mali et le Sénégal ne se développeront jamais sans le chemin de fer.’’
Chemin de fer : le grand oublié du Pdes et de l’Alternance !
A en croire Madiodio Diagne les Etats, dès le début de la concession, ont été défaillants. ‘’Le transport ferroviaire est une alternative au transport terrestre. Le chemin de fer est un outil de développement national.’’, a-t-il affirmé. Madiodio Diagne a fait savoir que le chemin de fer n’a rien bénéficié des réalisations faites durant 10 ans de l’Alternance qui a conduit Abdoulaye Wade au pouvoir en 2000.
Selon Modibo Fofana, la faute est commune. Mais dit-il, depuis la concession, Transrail est en train de tanguer. Les ‘’larmes du doyen’’, souligne-t-il, ne sont pas des larmes de crocodile. Pour Modibo Fofana, le transport ferroviaire a été un grand oublié du Projet pour le développement économique et social (Pdes) du président ATT. ‘’Nous interpellons les deux présidents afin que nos familles puissent dormir.’’, a lancé Modibo Fofana. ‘’L’heure’’ affirme Amadou N’Diaye ‘’est grave’’. ‘’Nous sommes déçus par le comportement de nos Etats. Encore que c’est une situation provoquée par les Etats eux -mêmes.’’, ajoute-t-il.
Aux dires des conférenciers, la concession du chemin de fer en 2003, une volonté politique des Etats qui mérite d’être respectée, a été un échec total. Selon eux, cet échec est dû à la défaillance des Etats et du concessionnaire. « Les bailleurs de fonds sont prêts à financer à condition que les Etats acceptent de s’engager » C’est pourquoi, les gouvernements malien et sénégalais ont décidé d’aller vers une nouvelle option qui est la création, en décembre 2011, d’une Société de Patrimoine.
En mai 2010, ils se sont engagés à Dakar à mettre en œuvre un Plan d’Extrême Urgence pour sauver les activités ferroviaires sur le corridor Dakar – Bamako. Ils s’étaient engagés à mettre à la disposition de Transrail environ 4 milliards de nos francs pour gérer la période transitoire. Selon Mahamane Djenta, l’objectif est la sauvegarde des emplois qui passe par le maintien de Transrail. ‘’On ne veut pas que le corridor s’arrête’’ a-t-il déclaré. Pour sa part, Oumar Cissé dira que les bailleurs de fonds sont prêts à financer à condition que les Etats acceptent de s’engager. Dans les jours à venir, les responsables du Collectif comptent se rendre au Sénégal pour plaider la cause de Transrail auprès des autorités avec le même message. Il faut tout faire pour sauver l’activité ferroviaire.
Le compte à rebours a commencé !
Pour le Collectif des Syndicats du Transrail, le compte à rebours a commencé pour la société dont le sort est lié à la décision du tribunal de commerce de Bamako. L’expert judiciaire a déjà déposé son rapport au tribunal de commerce de Bamako sur la demande de règlement préventif. Le jugement, qui était prévu le 23 mars dernier, a été reporté à une date ultérieure. Pour se maintenir, Transrail a nécessairement et rapidement besoin du soutien des Etats sénégalais et malien. A l’heure actuelle, Transrail a besoin de 176 milliards de nos francs pour renouveler la voie de Bamako à Dakar, des investissements sur 1250 km et garantis pour des dizaines d’années (alors que l’autoroute Bamako – Ségou devrait coûter environ 186 milliards pour quelque 240 km seulement de bitume, dont la durée est du reste sujette à caution). Car, contrairement à la route qui se dégrade rapidement, les infrastructures ferroviaires ont une durée de vie de 50 à 100 ans.
Selon Abdoulaye Berthé, Transrail est incapable de répondre aux aspirations de ses clients compte tenu de l’état vétuste du matériel ferroviaire. Il y a des milliers de tonnes de marchandises qui dorment au port de Dakar.
Chiaka Doumbia & Drissa Togola