Les raisons sont multiples et, mêmes les organisateurs s’y perdent. Beaucoup de points tournent autour d’Adama Sangaré, Maire du District de Bamako et presque dissident de l’ADEMA. Il est accusé de vouloir moderniser le marché de Médine au profit des gros bonnets qui seront, au finish des travaux, seuls à pouvoir s’y procurer un stand. Certains lui en veulent d’avoir rehaussé le prix de location des boutiques au Dabanani et au Dibida, d’autres parce qu’il a l’intention de vendre tous les terrains vides dans le District. Un petit groupe l’accuse de… vouloir trahir l’ADEMA. Bref une grève, dont les arguments sont faits de bric et de broc, où l’on retrouve aussi bien le commercial que le politique. Une grève néanmoins bien suivie, parce que chacun avait quelque chose à reprocher à la mairie du District et à son chef. Mais une grève dont les victimes ne sont pas les cibles initiales, mais bien d’honnêtes innocents.
En effet Adama Sangaré et ses collègues riches, n’ont même pas remarqué, que les boutiques et les commerces étaient fermés en ce lundi. Ils ont pour des années de provisions qui pourrissent dans leurs magasins. Ils ne donnent le prix de condiment qu’une fois tous les cinq ans Ils ne savent ni quand ni où le marché s’ouvre ou se referme. Ils considèrent les Sotrama comme un détail banal sur la voie publique, et, vu tout le retard que ces monstres verts leur fait accuser quand ils sont pressés pour leurs rendez-vous, ils se réjouissent qu’une grève les en débarrasse. Voilà pourquoi comme le dit Corneille, nos malheurs ne les touchent que faiblement. Les premières victimes de la grève sont bien nous, pauvres hères, contraints de chercher les trois normaux du lendemain ce jour-ci. Nous qui survivons, au jour le jour et qui regardons chaque lever du soleil comme un défi de plus. La vieille jardinière n’a pu écouler ses maigres légumes sur le marché, car point de transport sur les 20 kilomètres qui la séparent de ses clients. Le brave ouvrier, pioche et pelle à la main ne bénéficiera pas des 1000francs CFA qui lui permettront de tenir jusqu’au lendemain. La pauvre écolière s’est blottie au côté de maman à piler poivre et fenouil, parce que point de SOTRAMA jusqu’à Dame Ecole. La secrétaire et le planton, déjà martyrisés par les coups de gueules de Monsieur Le Directeur, sont restés à savourer le thé parce que les belles vertes ont disparu des circuits habituels.
Le pays a perdu beaucoup d’argent, beaucoup de temps, mais Adama et ses complices, qui ont mis en colère les grévistes, s’en aperçoivent à peine. Tout ce gâchis démontre combien ceux qui sont nos élus ne sont pas élus par nous. Ils en font à leur tête et décident sans nous, des réformes qui nous concernent. Ils « volent nos esprits » pour un temps et nous assènent le coup de grâce le lendemain. Ils nous chassaient du rail-daa, hier avec l’argument de nous envoyer ailleurs et planifient notre disparition la semaine d’après. Ils nous tuent, tuent nos commerces, détruisent notre gagne-pain, nous enlèvent notre dignité et nous envoient sur les chantiers de l’oisiveté et de la criminalité. Nous ne sommes pas dans leurs solutions mais nous sommes leur principal problème. Comme si nous n’avons pas le droit d’être pauvres, d’avoir des commerces moyens et des moyens juste pour ne pas mourir. Leur Mali c’est le Mali des riches, celui de l’indifférence où la commisération est synonyme de faiblesse. Ce ne sont pas nos élus, parce qu’ils ne nous connaissent pas, ils ne connaissent pas nos problèmes, voilà pourquoi nous disons que nous sommes la majorité et qu’ils doivent s’en aller. Celui qui ne nous écoute point, qui n’écoute point nos cris, qui se moque quand nous avons peur et rit quand nous l’appelons au secours, celui-là pourra-t-il être notre chef ?
Karim FOMBA