Le Vérificateur Général a initié la vérification de la gestion des ressources destinées à l’entretien routier au cours des exercices 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013. Les travaux ont porté sur les redevances d’usage routier, les contributions des organismes publics, les dépenses d’entretien routier et les dépenses de fonctionnement. Les irrégularités financières s’élèvent à 11.775.742.910 FCFA. Lisez la communication produite à cet effet par le Végal !
OBJET DE LA MISSION
L’Autorité Routière (l’AR) évolue dans un cadre institutionnel composé de sept partenaires parmi lesquels quatre ont été effectivement concernés par les activités de la présente mission. Il s’agit de : – l’Agence d’Exécution des travaux d’entretien Routier (AGEROUTE), pour la maîtrise d’ouvrage déléguée dans l’exécution des travaux d’entretien routier ; – la Direction Générale des Douanes (DGD), pour la collecte de la redevance d’usage routier sur les produits pétroliers (essence ordinaire, super carburant et gasoil) ; – la Direction Nationale des Transports Terrestres, Maritimes et Fluviaux et ses structures régionales et subrégionales, pour la collecte de la redevance d’usage routier sur la charge à l’essieu ; – la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DNTCP) et ses structures régionales et subrégionales, pour la collecte et l’encaissement des fonds des redevances sur les produits pétroliers et la charge à l’essieu et leur reversement dans le compte de l’AR.
PERTINENCE
Le Mali n’ayant pas de débouché direct sur la mer, l’approvisionnement régulier et à moindre coût de sa population en biens et services est fortement tributaire du niveau d’entretien de son réseau routier. Le désenclavement intérieur, notamment l’accès des zones rurales aux zones urbaines est une préoccupation majeure des plus hautes autorités du pays. C’est ainsi que depuis 1953, un Fonds destiné au financement de l’entretien routier fut institué. Ce fonds alimenté par des prélèvements sur les produits pétroliers (essence- tourisme, gasoil) servait de cadre de financement des investissements et de l’entretien routier jusqu’au début des années 1990. Ledit fonds a été intégré par la suite au budget d’Etat. Le diagnostic de la situation de l’entretien routier a fait ressortir, comme handicaps majeurs, la faiblesse des ressources destinées à l’entretien routier et l’inadaptation des procédures de mise en place desdites ressources. De 1996 à 2000, le déficit de couverture des besoins de financement de l’entretien routier est passé de 4 à plus de 6 milliards de FCFA. La création de l’AR procède de la mise en place d’un mécanisme de financement pérenne et suffisant de l’entretien routier. Subséquemment, des ressources substantielles, constituées principalement de redevances d’usage routier, ont été instituées et sont mobilisées par l’Autorité Routière. Durant la période sous revue, l’AR a bénéficié de ressources importantes de l’ordre de 102,68 milliards de FCFA et les dépenses effectuées totalisent 98,12 milliards de FCFA.
INSUFFISANCES
L’AR et l’AGEROUTE ont exécuté des contrats de marché ne portant pas la preuve du paiement de la redevance de régulation, en violation des dispositions des textes fixant les modalités de recouvrement et de mise à la disposition de l’Autorité de Régulation des marchés publics et des délégations de service public. En effet, sur 25 marchés analysés à l’AR, trois ne portent pas le cachet de la redevance de régulation sur les marchés publics et des délégations de service public. La même violation
a été observée à l’AGEROUTE pour 25 contrats. L’absence de cachet prouve le non-paiement de la redevance de régulation sur les contrats de marché. Les Agents Comptables de l’AR et de l’AGEROUTE ont payé des factures non certifiées par leur Comptable-matières. 25 contrats simplifiés, concernant les exercices 2012 et 2013, n’ont pas été certifiés par le Comptable-matières de l’AR. Il en est de même pour
l’AGEROUTE concernant 10 factures payées. La non-certification des factures accroît le risque de dépenses fictives.
L’AR n’a pas procédé à la mise en concurrence pour 20 opérations d’acquisition de biens et services de montant inférieur aux seuils de passation des marchés publics conformément aux dispositions des textes. La DNTCP a pris une lettre circulaire qui viole l’Instruction interministérielle relative aux procédures de recouvrement et de mise à la disposition de l’Autorité Routière du produit de la redevance d’usage routier sur les produits pétroliers.
Le non-respect des procédures expose les deniers publics à des manipulations frauduleuses. Le Directeur Général de l’AGEROUTE a irrégulièrement attribué un marché de travaux en violation des dispositions du point 5 des Données Particulières de l’Appel d’Offres (DPAO).
IRREGULARITES FINANCIERES
Le Receveur du Trésor auprès du Bureau National des Produits Pétroliers (BNPP) n’a pas reversé à l’AR des recettes recouvrées au titre de la redevance d’usage routier. Il résulte des travaux que, sur un montant total de 7,86 milliards de FCFA recouvré au titre de la RUR sur les produits pétroliers de quatre relevés de recettes, le Receveur du Trésor auprès du BNPP n’a pas reversé à l’AR un montant de 3,96 milliards de FCFA. Il n’a fourni aucun document justifiant ces manquants sur versement. L’Agent Comptable n’a pas reversé dans le compte de l’AR l’intégralité des montants reçus du Receveur du Trésor auprès du BNPP. En effet, sur un montant total de 2,52 milliards de FCFA reçu du Receveur du Trésor auprès du BNPP au titre de la RUR sur les produits pétroliers portant sur sept relevés de recette, l’Agent Comptable n’a pas pu justifier le versement à la banque du montant de 132,38 millions de FCFA. Des Chefs d’équipe n’ont pas versé à l’AR des recettes de péage et de pesage collectées. En effet, les travaux ont révélé que des recettes collectées, après déduction des dépenses effectuées, n’ont pas été reversées par des Chefs d’équipe. Sur un montant total collecté de 3,12 milliards de FCFA, des Chefs d’équipe des postes de péages manuels ont versé un montant de 2,71 milliards de FCFA après déduction des dépenses d’un montant de 290,97 millions de FCFA, soit un écart non justifié de 120,43 millions de FCFA. De même, des Chefs de poste de péages informatisés n’ont pas justifié un écart de 44,01 millions de FCFA correspondant à la différence entre les montants collectés, ceux versés et ceux dépensés. Des Chefs de poste de pesage n’ont pas reversé dans le compte bancaire de l’AR l’intégralité des recettes enregistrées dans le logiciel de gestion du pesage pour un montant de 1,32 milliard de FCFA. Le montant total des recettes collectées et non reversées par les Chefs des postes de péage/pesage des Régions de Koulikoro, Ségou, Sikasso et Kayes se chiffrent à 1,48 milliard de FCFA.
Le Directeur Général de l’AR a payé des dépenses non éligibles au titre des conventions de prestation de Maîtrise d’Ouvrage. En effet, de 2010 à 2013, l’AR a payé, notamment, des dépenses de publicité, de cérémonie et de matériels, au titre de la prestation de Maîtrise d’Ouvrage. Ces dépenses d’un montant de 165,55 millions de FCFA ne sont pas éligibles sur les ressources prévues par les Conventions de financement de l’entretien courant et périodique, selon lesquelles les dépenses éligibles incluent uniquement les frais relatifs aux travaux de la préparation du programme d’entretien routier de l’année, au suivi du réseau routier et de la visite des chantiers par le Service des Données Routières (SDR) ainsi que les Directions Régionales des Routes.
Le Directeur Général de l’AR a effectué des paiements de 4,10 milliards de FCFA au-delà des engagements pris par l’AGEROUTE qui ne sont pas justifiés. En 2010, l’AR a payé à l’AGEROUTE la somme de 3,17 milliards de FCFA au titre du reliquat des travaux effectués en 2009 qui était de 365 millions de FCFA. Le dépassement de 2,80 milliards de FCFA payé en plus du reliquat n’est pas justifié. En outre, l’avenant relatif à la convention de 2009 n’est pas authentique, les signatures y apposées étant falsifiées. De plus, l’Avenant n’est pas paraphé par l’une des parties. En 2011, un écart de 1,12 milliard de FCFA, correspondant à la différence entre les engagements de l’AGEROUTE et les montants versés par l’AR, n’a pas été justifié. De même, en 2012, l’AR a payé, à l’AGEROUTE en sus de ses engagements, un montant de 177,66 millions de FCFA.
Le Directeur Général de l’AR a irrégulièrement passé, exécuté et payé deux marchés relatifs à la construction, la fourniture et la pose d’équipements de péage/pesage aux postes de Labbézanga et Markala. En effet, le marché n°303/DGMP-DSP-2011 d’un montant de 884,34 millions de FCFA, signé le 28 décembre 2012 pour les travaux de construction du poste de péage/pesage de Labbezanga n’a pas été exécuté au seuil des 30% autorisés pour la signature d’un avenant qui, de plus, a porté un objet diffèrent. Cet avenant a été payé à hauteur de 829,44 millions de FCFA, soit un dépassement non justifié de 18,28 millions de FCFA. Par ailleurs, les travaux d’effectivité ont démontré que malgré ces paiements, le marché n’a été exécuté qu’à hauteur de 13,75 % tel qu’il ressort du procès-verbal de réunion de chantier n°1 du 4 mai 2014. Le total des paiements indus sur le marché n°303/DGMP-DSP-2011 et son avenant est de 209,80 millions de FCFA correspondant aux paiements indus de frais d’installation et de replis ainsi des dépassements sur les paiements effectués au titre de l’avenant au marché 303/DGMP-DSP-2011.
B.D. source Rapport 2014