Plus de 1300 camions sont bloqués au niveau de la frontière, avec plusieurs centaines de milliers de personnes abandonnées à leur sort dans les conditions précaires. Elles vivent dans un dénouement total. Selon un syndicaliste sénégalais : « c’est le Sénégal qui est le premier perdant. Et les pertes sont chiffrables en milliards de nos francs. Aujourd’hui, si on perd ce fret malien qui représente 4 millions de tonnes par an, il faudrait mesurer l’impact. C’est tout un désastre économique qui est en train de s’installer », avertit-il.
Les Transporteurs sont les principales victimes des sanctions que la CEDEAO a infligées au Mali.
Pour ces transporteurs, les décisions politiques prises par la CEDEAO impactent négativement sur leurs activités économiques.
Le Corridor Dakar-Bamako va-t-il en pâtir de la décision de la CEDEAO de fermer les frontières terrestres et aériennes et de l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les autres pays membres et le Mali ? S’il est très tôt de répondre par l’affirmative, on peut cependant nourrir quelques craintes. En effet, la crise politico-sociale malienne survient dans un contexte où les réflexions convergent vers l’élaboration de stratégies de relance des économies et la levée progressive des mesures restrictives, dues au coronavirus. La fermeture des frontières est, sans doute, un sacré coup aux économies de la CEDEAO, particulièrement celle du Sénégal. Ces deux pays ont réussi à bâtir l’un des corridors les plus achevés de l’espace communautaire, un symbole de l’intégration. Au regard de sa position géographique et de la place stratégique du Mali sur la carte des échanges commerciaux du Sénégal, une politique d’isolement constituerait un coup dur pour ces deux économies. Les deux pays n’ont pas fini de panser totalement les maux créés par la pandémie de la Covid-19 et la CEDEAO en rajoute une autre couche.
Le Mali est un partenaire commercial privilégié du Sénégal eu égard au volume des marchandises qui y sont exportées, à la diversité des accords économiques signés entre les deux États depuis plusieurs décennies… Le dynamisme du secteur des transports terrestre et aérien entre les deux pays suffit pour se rendre compte de l’intensité de leurs relations commerciales et économiques. Quid de l’avenir de ces opérateurs, propriétaires de véhicules fret gros porteurs communément appelés « camions ou bus maliens », qui font désormais partie du décor du parc automobile sénégalais ?
Le Mali reste un passage obligé pour la plupart des compagnies aériennes en provenance du Sénégal. Et s’il existe un secteur qui va certainement ressentir les contrecoups de la fermeture des frontières, c’est, bien sûr, le Port autonome de Dakar qui reste un partenaire de premier choix parce qu’étant le lieu de transit de la quasi-totalité des marchandises maliennes. Bref, c’est toute la chaîne d’approvisionnement, de commerce et d’industrie du corridor Dakar-Bamako qui risque de subir les contrecoups de cette décision de la CEDEAO relative à la fermeture des frontières.
La position du Mali dans l’expédition des marchandises sénégalaises est stratégique et une perturbation de cet axe constituerait une réelle menace pour le Sénégal. Si l’on prend exemple sur les exportations du Sénégal, elles sont estimées à 38,6 milliards de FCfa au mois de juin 2020 contre 30,9 milliards au mois de mai de la même année, soit une hausse de 7,7 milliards, selon la dernière note de conjoncture de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee). Elles ont ainsi représenté 24,7 % de la valeur totale des exportations de marchandises du Sénégal durant le mois de juin 2020. S’agissant des produits expédiés, le ciment reste le principal produit exporté vers le Mali. Plonger le Mali dans une autarcie forcée et le suspendre de tous les organes de décision garantit-il un retour rapide à la normale ? Mystère et boule de gomme. Quoi qu’il en soit, il est impératif de trouver des solutions rapides et durables pour sauver les deux économies durement touchées par la Covid-19 et épargner le peuple malien d’une asphyxie.
Cette décision de l’institution communautaire vient s’ajouter à une situation économique déjà morose et complexe due à la crise sécuritaire et sanitaire qui a frappé de plein fouet l’économie malienne.
M. Yattara