Pour une tragédie, ç’en est vraiment une. Le crash du vol AH 5017 d’Air Algérie avec comme théâtre le sol malien, vient s’ajouter, s’il en était besoin, à la longue liste des catastrophes aériennes, souvent jamais élucidées, signe que l’univers se montre par moment très jaloux de ses secrets qu’il faille plus que la science et la technique pou en démêler l’écheveau.
L’érection d’une stèle sur le site du crash, solennellement débitée par François Hollande en hommage aux victimes du crash d’Air Algérie , même si elle ne donne pas au Mali en ces instants lugubres l’occasion de s’en enorgueillir permettra à toutes fins utiles de rappeler que la communauté de destin qui est la notre et partagée avec le Burkina Faso et l’Algérie est loin d’être une formule creuse. Hier seulement acteurs privilégiés dans la résolution de la crise malienne, aujourd’hui par un subtil coup du sort, ils se retrouvent cette fois ci aux premières loges d’une projection d’images d’apocalypse, arborant ensemble le deuil du damné. A l’origine, une routinière desserte d’air Algérie suivant l’axe Ouaga-Alger qui finit infailliblement sa course au panthéon de Gossi.
Pourtant marquée au fer rouge par l’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) comme étant l’une des zones les plus instables au monde en raison de ses activités atmosphériques très vicieuses, cette bande spatiale couvrant la frontière Mali-Burkina et théâtre de cette tragédie vient une fois de plus renvoyer les éminents météorologues à leurs chères études. N’est-ce pas, à la lisière de cette même zone mortifère qu’il eut en janvier 1985 le crash de l’avion transportant le fondateur du Rallye Paris-Dakar en l’occurrence Therry Sabine. En ces lieux, les nuages annonciateurs des tornades avoisinent 1 500 tonnes et sont constamment contrebalancés par des vents contraires, ce qui explique la délicatesse du pilotage. Dans le meilleur des cas, l’avion se déroute en changeant de cap, donc de direction, où alors, il aborde de manière frontale le nuage en le percutant de plein fouet, auquel cas, l’avion transpercera un flot de grêlons à même d’endommager considérablement la structure de l’appareil. Ce d’autant qu’en raison des forts écarts de température, la partie supérieure du nuage demeure glaciale alors que la partie inférieure se présente beaucoup plus chaude. Pour ce vol d’Air Algérie, il est aujourd’hui établi que le pilote espagnol avait demandé au contrôleur aérien burkinabé de le dérouter en raison de l’imminence d’un orage.
Au stade actuel des enquêtes, seules les fameuses boites noires qui sont en réalité de couleur orange, peuvent percer d’autres mystères. Toutefois, il est bon de savoir que la première boite noire enregistre les paramètres de vol comme la vitesse ou l’altitude de l’avion, alors que la deuxième boite met sur bande les différentes conversations et autres éléments sonores émanant du coté des passagers ainsi que les multiples communications dans la cabine de pilotage. Pour sûr, dans quelques semaines, des éléments de réponses seront apportés à bien d’interrogations, surtout que ces précieuses boites ont été acheminées pour analyse en France par les soins de l’Etat malien via le directeur adjoint de la gendarmerie nationale.
Toute chose qui affirme le leadership du Mali dans cette enquête qui comprend outre le Mali, l’Algérie, le Burkina Faso, l’Espagne, la France et probablement les Etats Unis constructeur de l’Avion. On comprend dès lors le brio avec lequel le département de l’Equipement des transports et du désenclavement du Mali sous la houlette du Ministre Mamadou Hachim Koumaré mène les opérations. Une commission d’enquête indépendante présidée par M. Faly Cissé expert national a été mise en place. Elle doit faire sienne endéans les 12 jours et conformément aux normes aéronautiques internationales, le rapport de première enquête à livrer par l’Agence Nationale de l’Aviation civile. A ce séjour, cette tâche hautement délicate a été accomplie grâce aux compétences avérées des agents de ce service de l’Etat sous la conduite éclairée de son directeur général Issa Saley Maïga. Au de-là de cet imbroglio technico scientifique se noue un autre drame. Celui d’une population pastorale qui voient et un ciel et un avion s’abattre sur leurs têtes. Réveillés en sursaut dans la nuit du drame , mes oncles peulhs, et mes cousins bellahs, seuls à s’aventurer avec leur cheptel dans la steppe d’Eghaye , lieu du sinistre situé à une vingtaine de kilomètres du village de Teberemt relevant de l’arrondissement de Gossi , ont vécu des instants cauchemardesques. Ils virent par cette nuit de tornade un avion tout flamme déchirer, de loin, le ciel avant de s’écraser au sol dans un fracas d’enfer, projetant ses débris à des centaines de mètres.
La profondeur du point d’impact, plus d’un mètre témoigne de l’ampleur du choc surtout pour un appareil de près de 40 mètres d’envergure contenant 116 passagers et piquant à la verticale à une vitesse, on l’imagine avoisinant 500 km/h. Suite donc à ce bruit assourdissant qui a retenti dans tout le Gourma et la lueur des hautes flammes émanant de l’épave de l’avion en pleine combustion, c’est le sauve qui peut général. Hommes et animaux s’entrechoquèrent à la recherche de gîtes fiables. Si les hommes s’en sont sortis quelques heures plutard présentant des états traumatiques apparents, ce n’est pas le cas du bétail complètement déboussolé. Des centaines de bovidés et de petits ruminants sont à ce jours portés disparus. Venant ainsi exacerber une précarité déjà mise à mal par une mauvaise pluviométrie à laquelle ces pauvres éleveurs pensaient s’en soustraire un tant soit peu. Un véritable drame humain donc qui, on l’espère ne sera pas occulté par les experts réunis autour des boites noires, objet de tous les enjeux. Car excepté le Mali, tous les autres acteurs associés à l’enquête pourraient être marqués du sceau de la culpabilité , mettant ainsi en branle et compagnies d’assurance et cabinets d’avocats. Ce qui induit indubitablement une large ouverture du porte feuille pour parer aux indemnisations des victimes directes et pourquoi pas des victimes collatérales comme ces populations vulnérable à souhait, scrutant chaque matin des enclos désespérément vides. Seule consolation peut être pour elles, la gamme des notes adoucissantes et dorlotantes des meuglements et des bêlements résonnant encore dans leurs têtes en souvenir de leurs chers compagnons, les animaux peut être perdus à jamais.
Amadou SANGHO