17.512 accidents, 9.427 décès et 31.608 blessés : le lourd bilan 2006 incrimine ceux qui conduisent, ceux qui encombrent les voies et ceux qui sont chargés de faire respecter la loi.
Le combat contre l”insécurité routière occupe actuellement une place centrale.
dans les préoccupations des pouvoirs publics. Dans une impressionnante unanimité, ils ont décidé de mener croisade contre ce phénomène qui atteint des proportions inquiétantes. Selon des statistiques fournies par Moussa Ben Deka Diabaté, le président de l”Association malienne pour la sensibilisation et l”indemnisation des victimes de la circulation routière (CAPRIVES), ont été enregistrés, en 2006 dans notre pays, 17.512 accidents qui ont occasionné 9.427 décès et 31.608 blessés.
Dans ce tableau très sombre et non exhaustif, le district de Bamako pointe en tête avec 5.523 accidents, 2.639 décès et 8.850 blessés. La capitale est suivie par Ségou qui totalise 3.502 accidents, 1.885 décès et 6.321 blessés. Koulikoro se classe 3è avec 2.977 accidents, 1.602 décès et 5.373 blessés.
MANQUE DE FERMETE.
Si l”insécurité se définit comme l”état de ce qui n”est pas sûr, nos routes répondent à cette définition. Le constat est patent car les accidents de la route constituent aujourd”hui le second facteur de mortalité dans notre pays, après le paludisme. Les victimes qui n”en meurent pas, traînent des séquelles, entraînant des handicaps partiels et même des invalidités permanentes.
Le nombre croissant des drames de la route est-il lié à l”amélioration du réseau routier de notre pays ? A en juger par la densité et le bon état des voies de la capitale, on est tenté de croire que ce facteur explique sa première place au hit parade des accidents. Mais Bamako ne se distingue pas seulement par la densité de son réseau routier : sa circulation routière est aussi la plus dense du pays. Cette donnée n”est pas non plus négligeable. A cela, il faut ajouter le laxisme dans l”octroi des permis de conduire. Du coup, des personnes n”ayant aucune notion du danger que représente le véhicule, circulent sur nos routes. Leur comportement frisant l”irresponsabilité, est à la base des nombreux accidents. Ces chauffards qui sèment des drames dans leur sillage, ne sont pas particulièrement inquiétés car le contrôle routier n”est pas assez rigoureux.
Le manque de fermeté fait également le lit des facteurs comme l”occupation anarchique des voies publiques de la ville par des étals de détaillants. Les vendeurs ambulants et les mendiants – souvent très jeunes – colonisent les abords des feux tricolores, entravant la fluidité de la circulation et s”exposant à des accidents.
Hassane Cissoko est l”un de ces vendeurs ambulants qui écument les environs des feux rouges pour proposer aux automobilistes des cigarettes, des mouchoirs et autres menus articles. Âgé d”à peine vingt ans, Hassane est natif de Marakacoungo. A celui qui lui fait remarquer qu”il se met en danger en obstruant la voie, le jeune homme répond qu”il cherche ainsi de quoi subvenir à ses besoins. Il se dit conscient du risque qu”il encourt en se glissant entre les voitures. "Je cherche ainsi mon pain, seul Dieu peut me protéger", indique Hassane en avouant avoir essayé beaucoup de petits métiers. En vendant ainsi des cigarettes, il pouvait, assure-t-il, économiser 1000 Fcfa par jour avant l”éclatement de la crise guinéenne. Il écoulait certainement des cigarettes introduites en contrebande de Guinée.
Adama Berthé, lui, a eu moins de chance. Il a été percuté par un automobiliste, il y a une dizaine d”années, alors qu”il proposait des articles sur la voie publique. Aujourd”hui, revendeur de journaux, il est installé près du Grand hôtel avec un genou gauche endommagé.
TORT PARTAGE.
Le sous-lieutenant Pascal Sangaré, commandant de la Brigade fluviale, a été témoin d”un accident provoqué par les vendeurs ambulants. L”attention d”un conducteur, à l”arrêt au feu rouge, avait été attirée par des articles brandis par un ambulant. Lorsque le feu est passé au vert, l”automobiliste a démarré au moment où un autre vendeur traversait la route pour regagner le trottoir. Fauché, le vendeur ambulant s”en est sorti avec une jambe cassée.
Moussa Kolon Coulibaly, conseiller technique au ministère de la Justice, explique que dans le cas d”espèce, l”automobiliste n”est pas innocent au regard de la loi. Même si le vendeur ambulant est coupable d”embarras de la voie publique et de traversée inconsidérée de la route. "Nous parlons de traversée inconsidérée quand il tente de traverser la route au mauvais moment et au mauvais endroit", souligne le juriste pour qui "on ne cogne pas quelqu”un parce qu”il a tort, mais parce qu”on n”a pas pu l”éviter". Le tort est ainsi partagé entre le piéton et l”automobiliste.
Selon Moussa Kolon Coulibaly, la mendicité est puni par le code pénal de 1962 et celui de 2002. Le directeur régional du développement social et de l”économie solidaire, Abdoulaye Alwalo Maïga, rappelle que la mendicité est due à la pauvreté. Le phénomène des vendeurs, dit-il, est le fait d”enfants en situation difficile. Pour y remédier, sa direction a initié un projet de réinsertion socio-économique des mendiants qui a démarré depuis 2004 et pris en charge 100 enfants mendiants dont 2 filles. Ces enfants se sont exercés dans plusieurs ateliers : menuiserie métallique, bois, soudure et mécanique. La formation a duré un an et a pris fin depuis 2005.
La deuxième phase du projet est celle de la réinsertion. Les enfants formés à la charge de l”État sont regroupés en société coopérative et reçoivent des équipements. Pour endiguer le phénomène des petits vendeurs jetés dans la rue, le directeur régional propose le renforcement et l”application des dispositions législatives en la matière. Prônant un appui à la prise en charge et à la réinsertion socio-économique des mendiants, il estime que la réussite de toutes ces actions est conditionnée à une bonne campagne de sensibilisation, d”information et d”éducation des enfants qui se sont retrouvés piégés par les circonstances.
S. KONATÉ
L”Essor du 15 Mai 2007
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