Depuis que le Mali a été déclaré zone rouge par les occidentaux, les régions du nord qui sont concernées par cette décision, avaient eu peur. Aujourd’hui, il faut aller delà de cette peur, pour voir les réalités sur le terrain, surtout dans les grandes villes comme Tombouctou dont 80% des activités sont liées au tourisme : guides de touristes, objets artisanaux, aliments et même transport. Dans la ville des 333 Saints, l’aspect le plus visible est l’état des hôtels, où les quelques rares personnes qui y descendent ne sont pas des touristes.
A notre arrivée à l’hôtel Bouctou, Boubacar Touré, gérant et promoteur, avait les deux pieds sur une table, avec un gros cure- dents, en train de scruter le ciel. L’homme, bien que désespéré, nous a reçu, pour parler de la situation actuelle dans laquelle se trouvent les hôteliers. Pour lui plusieurs actions ont été menées par les autorités locales et nationales, mais rien à faire : les touristes blancs ont décidé de ne pas venir. Si au Bouctou l’entretien et le service minimum existent, ce n’est pas le cas dans d’autres hôtels de la ville où les personnels ont abandonné les lieux. Les guides ont changé de profession. Certains ont été recrutés par AQMI, dit-on dans la région. D’autres ont préféré se reconvertir dans d’autres métiers. Le Bouctou tient parce que son promoteur a entrepris d’autres activités, comme l’élevage, l’agriculture et le commerce. Aux dires de Touré, son personnel lui est resté fidèle, malgré les difficultés. Mais quand il y a un petit marché, il leur paye leur salaire en premier lieu, avant toute autre dépense.
Le fait que les touristes occidentaux ne viennent plus à Tombouctou a plongé la ville dans une difficulté terrible : chômage, banditisme et vols. Certains agents vont jusqu’à enlever les tableaux et objets de valeur des hôtels pour les vendre. Mais les hôteliers ne sont pas restés les bras croisés. Ils ont interpellé le président de la République, qui a demandé au service des impôts d’être clément avec eux. Ce qui fait que les hôtels continuent d’être ouverts.
Qu’à cela ne tienne, les hôteliers des régions du nord attendent la promesse du président de la République, qui selon Boubacar Touré, a décidé de leur venir en aide afin qu’ils puissent tirer leur épingle du jeu. Un jeu d’ailleurs devenu flou car les services, dans les hôtels, ne sont plus bons. Les hôtels sont en état de délabrement, les toilettes, cuisines et réfectoires en mauvais état. ‘
«Notre salut aujourd’hui c’est l’agriculture. Nous prions Dieu pour une bonne pluviométrie, pour qu’on ait une bonne récolté de riz. Le commerce va petit à petit. Avec cette reconversion, je peux encore tenir étant sûr qu’au fil des années, nous trouverons une solution. L’élevage des moutons et l’aviculture promettent beaucoup aussi», confesse Boubacar Touré, le promoteur de l’hôtel Bouctou, qui en nous recevant était content d’avoir des gens dans son hôtel, même si c’était pour une nuitée. Cela permet de réduire les arriérés de salaire du personnel.
Tout porte à croire que la grande majorité des travailleurs des hôtels de Tombouctou sont dans le chômage et leur famille souffre de cette situation. En tout cas, on ne va pas dire à un Tombouctien qu’il ne sait pas à quel saint se vouer, les 333 étant largement suffisants.
Kassim TRAORE