Tombouctou : Le tourisme en déshérence

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Le secteur souffre de l’insécurité et de la mauvaise campagne médiatique ménée par la presse occidentale.

Jadis, Tombouctou constituait le pôle plus important de l’activité touristique au Mali. Elle était aussi l’une des premières destinations du pays. Elle générait d’importantes ressources financières pour la population et de l’emploi pour toutes les catégories d’âges et de sexes confondues. Elle nourrissait en somme plus 68 % de la population. Des efforts et des investissements avaient même été faits pour mettre la région au diapason du tourisme mondial. De 2 hôtels vers les années 80 (hôtels Bouctou et Azalaï), aujourd’hui la ville compte 25 hôtels et auberges, 10 restaurants, 5 espaces de loisirs, 7 associations de guides touristiques et chameliers, 4 agences de voyages et 1 maison des artisans, dont un grand nombre ont reçu une formation pour améliorer la qualité de leurs produits.

Depuis 2008, la destination Tombouctou connaît d’énormes difficultés sans cesse croissant au fil des années. Elles proviennent pour l’essentiel de l’insécurité dans la bande sahelo-saharienne que notre pays partage avec la Mauritanie, l’Algérie et le Niger. Cette situation déplorable a fait chuter vertigineusement le nombre de visiteurs à Tom­bouctou passant de 45 000 arrivées en 2006 à 6 000 visiteurs en 2009 pour tomber, au premier trimestre de l’année 2011, à 492 arrivées. Cette baisse considérable a mis à genou l’économie de la ville de Tombouctou et, par ricochet, d’autres secteurs d’activités. En effet, la crise n’a pas affecté que les hôtels. Même les boulangères du” Kara Konno” et du “Kara Ber Ber”, qui fabriquaient le pain artisanal, ont senti les contrecoups de la désaffection des touristes. Le développement, à peine amorcé dans la région, s’est quelque peu estompé, aggravant ainsi la pauvreté dans de nombreux foyers. La question qui taraude les esprits à Tombouctou est la suivante : “Qu’avons-nous fait pour mériter un tel sort ?”. Chez Hervé Panzani un expatrié français, promoteur de l’hôtel la Palmeraie de Tombouctou, c’est l’inactivité depuis la rentrée Son un hôtel est vide au point que le réceptionniste ne trouve rien de mieux que s’affaisser sur une banquette gardant un œil légèrement ouvert. Son patron, plein d’humour, affiche cependant le visage d’un homme totalement désemparé et découragé. D’un air révoltant, il crie à la catastrophique. Selon lui, « son entreprise ne marche pas. C’est pareil pour tous à Tombouctou. Même le commerçant qui est au marché ressent cette crise Les employés qui ne sont pas encore licenciés sont payés avec d’autres fonds ». Hervé Panzani ne comprend pas qu’”au Maroc, il y a eu un attentat dans un restaurant faisant des victimes et même des morts dont la plupart des Français et un qu’un tel pays est conseillé aux touristes. Alors qu’à Tombouctou où on n’a jamais inquiété un touriste, est déconseillée aux voyageurs occidentaux par leur pays ». Pour lui, « le terrorisme est un phénomène mondial qui peut frapper n’importe où et n’importe quand sur tous les continents. Ailleurs, conclut-il, il a été inventé beaucoup de choses. Mais, le Mali reste le pays de la gentillesse, de l’amour, de la chaleur humaine et celui qui n’a pas vu Tombouctou n’a pas vu le Mali ».

PAS DE CLIENTS- A l’hôtel “Hondé” Mali, appartenant à un expatrié, le spectacle est le même : pas un seul client, les tables et chaises sont superposées les unes sur les autres dans la salle de restauration. Les insectes et margouillats en sont les nouveaux locataires. Là-bas, le gardien incapable de répondre à nos questions se contente de signaler que « l’hôtel est fermé.

Il n’y a pas de cli­ents ». Pour Mohamed Alhassane Ag El Moctar dit Ahaliss, jeune guide promoteur d’Auberge, propriétaire de chameaux pour excursions, sa situation n’est pas meilleure que celle des autres. Il affirme que depuis 12 ans où il a commencé cette activité, il n’a jamais vu une situation pareille. Mê­me les années de la rébellion valaient mieux que ce qu’il subit actuellement. Du côté de l’opérateur Abdamane Al­pha, promoteur de l’hôtel “Hendrina Khan”, le découragement se me­sure au rythme avec laquelle il égrène son chapelet implorant Dieu. Avec amertume il regrette d’avoir « remercié des pères et mères de famille. Car, mes affaires ne tournent pas. Par conséquent je n’ai pas de quoi à les payer. Avec le temps, poursuit-il des personnes peuvent se retrouver dans des activités illicites. D’ores et déjà, des hôtels ont été vendus et transformés en galerie marchande. Les autres hôtels ne sont pas à l’abri si la crise continue ».

le désespoir- C’est le même son de cloche chez Ali Dicko, propriétaire d’une agence de voyage, Alassane Coulibaly, guide de la zone des lacs et Abaye Ag Mohamed Alher, artisan. Tous reconnaissent que la crise n’a que trop duré et que tous les secteurs vivant des retombées du tourisme se trouvent dans une situation d’agonie générale. Pour eux, c’est une injustice et trop d’acharnement contre la ville et la région de Tombouctou. Cherié Marc, un Français ayant son auberge à Abaradjou (un quartier de Tombouctou), « la situation de la ville n’est pas aussi alarmante comme le fait croire la presse occidentale. Il y’a certes des mouvements des terroristes, de AQMI au nord dans le désert. Mais, ils ne se sont ja­mais attaqués à une quelque per­sonne et les voies d’accès Tombouctou, Douentza, Gao, Mopti n’ont jamais enregistré d’enlèvement ou d’attaque ». En ce qui le concerne, il se promène sur les dunes chaque nuit jusqu’à des heures tardives, laissant sa voiture devant son auberge, qui, elle aussi, reste ouverte toute la nuit sans le moindre vol ou inquiétude. Certains acteurs, tel Boubacar Touré, président des hôteliers de Tombouctou, pensent que « la solution alternative est la délocalisation de certaines grandes rencontres nationales et internationales à Tombouctou. Que l’Etat délivre des bons d’hébergement pour les nombreux missionnaires qui arrivent dans la ville au lieu d’aller dans les chambres de passage des services ».

Pour Modibo Dicko, gérant de l’hôtel La Colombe, « c’est le désespoir total et le souci des chefs de famille que j’ai remerciés par manque de sous pour leur rémunération. le président de la République ATT a usé de tous ses moyens pour prouver à l’opinion nationale et internationale que la situation dans la région n’est pas comme le pensent certaines puissances occidentales ». Quant à Alhousseïny Ag Tajou, propriétaire de l’Auberge du Désert, il pense que les nouvelles dispositions et démarches qui sont en train d’être menées par le nouveau ministre des Affaires étrangères, Soumeïlou Boubèye Maïga changeront la situation les mois à venir. En tout cas, la mesure prise par les Occidentaux a fait beaucoup de mal à des hommes, des femmes et surtout des enfants qui rêvent d’un avenir radieux pour s’adonner à leur éducation.

Toutes les personnes rencontrées soutiennent les activités de la ville se résument essentiellement au moment où les fonctionnaires dépensent leur salaire. On se souvient, il y’a quel­ques mois, Mme Sidibé A­mi­nata Diallo, ex-ministre, présidente de la Commission nationale d’organisation du Forum africain du développement durable disait que la tenue du Forum national du développement à Tombouctou était dans le but de drainer les autorités en direction de Tom­bouctou pour resorber le manque à gagner pour les hôtels. Elle a plaidé au micro de nos confrères de l’Ortm en faveur des régions du Nord qui sont frappées de cette sorte d’embargo qui, selon elle, n’est pas tout à fait réel et juste. Sur un tout autre plan, nous avons rencontré il y’a environ quatre mois le commandant de zone de Tombouctou, le Colonel Gaston Damangio qui nous à parlé des dispositions et des mesures prises par la région militaire et les autorités au plus haut sommet de l’Etat pour sécuriser les personnes et leurs biens dans l’espace qui leur est confié, la région de Tombouctou. Entre autres dispositions, on peut noter la création de l’Echelon tactique inter armée (ETIA), regroupant les différentes armées, la garde nationale, la gendarmerie, possédant des moyens logistiques pour opérer rapidement et partout dans la région lorsque la paix et la sécurité se trouvent menacées. Malgré la campagne de désinformation, certaines rencontres, du genre Festival Essakane, se tiennent tous les ans, attirant des milliers de touristes pour savourer les spectacles en son et lumière, respirer l’air pur du désert et admirer les courses de chameaux et leurs parures.

lundi 3 octobre 2011

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