Depuis deux ans, le secteur souffre d’une baisse de fréquentation sans précédent. Mauvaise campagne de presse selon les uns, insécurité dans les principales zones touristiques selon les autres. Un coup dur pour une activité qui après l’or et le coton était une autre source de devises pour le Mali.
«Je travaille dans le tourisme depuis des années. Mais ce que j’ai vu en 2011, c’est la désolation. Il n y a personne dans les hôtels», confiait à Slate Afrique, Moussa Diallo, le directeur de l’Office malien du Tourisme et de l’Hôtellerie (Omatho).
Les pertes enregistrées dans le secteur ces deux dernières années atteignent plus de 50 milliards de francs CFA (environ 76 millions d’euros). Certains chiffres évoquent près de 50% de visiteurs en moins. Plus de 8000 personnes vivant directement ou indirectement du tourisme ont également perdu leur emploi dans les zones touristiques.
Le Mali victime d’Aqmi
Pour Moussa Diallo, le Mali est la cible d’une mauvaise campagne médiatique dont on a du mal à saisir toutes les raisons. D’après le directeur, omniprésent sur le terrain, la réalité ne justifie pas les mesures de restriction dont le Mali fait l’objet.
La bande sahélo-saharienne qui comprend le Nord du Mali et une grande partie du Niger et de la Mauritanie est le théâtre depuis 2010 d’opérations menées par Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Une situation embarrassante qui a conduit les autorités françaises à «déconseiller fortement» à ses ressortissants de voyager dans la région. Cette sanction est d’autant plus significative que la France reste le plus important pourvoyeur de touristes du Mali.
Le directeur de l’Office malien du Tourisme reconnaît que la dégradation de la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne dessert le Mali. Moussa Diallo estime par ailleurs que des discussions dans le cadre d’un partenariat entre la France et le Mali seraient plus judicieuses.
Selon lui, les «autorités occidentales sont dans leur rôle de protection de leurs citoyens», mais seules des mesures conjointes de sécurité seront efficaces. La solution au problème touristique devrait être politique d’après le directeur.
Les guides touristiques en perdition
Au premier rang des victimes de cette crise figurent les guides qui vivent essentiellement de cette activité.
«La situation est alarmante», selon Amadou Maïga, le président de l’Association des guides touristiques du Mali (AGTM).
Mais les 499 guides officiellement recensés par son association ne sont pas les seuls à souffrir de la situation. Il faut aussi compter les familles qu’ils soutiennent et toutes les activités connexes au tourisme comme le sont, entre autres, l’artisanat, le transport ou l’hôtellerie.
Non sans amertume, Amadou Maïga assure que la saison touristique 2011-2012 est déjà compromise. Sur les raisons de la crise actuelle, il estime que la réalité sur le terrain ne correspond pourtant pas à une situation d’insécurité.
«Le Mali fait les frais de son refus de signer les accords sur l’immigration», a-t-il déclaré, invitant les autorités maliennes à prendre les initiatives nécessaires afin de sortir au plus vite de cette crise.
Entre résignation et optimisme, Ibrahima Guindo qui est guide depuis des années, avoue qu’il n’a «pas travaillé depuis le mois de février 2011». Ce dernier dont le tourisme est l’unique activité, affirme que lorsque la saison est bonne, il peut gagner:
«Jusqu’à 5.000.000 de francs CFA (près de 7.000 euros)».
Cependant, compte tenu de la situation actuelle, il craint de ne plus pouvoir faire face à ses dépenses. A titre personnel, Ibrahima Guindo compte entreprendre des campagnes de sensibilisation à travers notamment les réseaux sociaux
«Seuls les touristes peuvent juger et constater qu’il n y a pas d’insécurité», assure-t-il.
Ibrahima Guindo pense que la situation a été si exagérée par les médias qu’à l’inverse de leur intention ils ont fait de la publicité à al-Qaida. En conséquence, ce dernier invite les autorités à agir dans le cadre d’un partenariat sous-régional plus développé.
Le cri du cœur du président
La chute de la fréquentation touristique a conduit le président du Mali, Amadou Toumani Touré, à se déplacer dans la capitale française. A l’occasion du vernissage de l’exposition au musée du quai Branly consacré aux dogons, le président Touré a lancé un appel solennel aux touristes.
«Si vous n’allez pas aux dogons, les dogons viendront à vous», avait-il déclaré.
Dans son discours, le président malien avait tenu à rappeler que «le tourisme représente l’essentiel de l’activité économique et fait vivre la majorité de la population dans ces zones touristiques». Faisant allusion à la décision des autorités françaises d’interdire à leurs ressortissants le voyage dans les zones du Sahel dont le Mali, le président a ajouté:
«Nous comprenons la mesure même s’il nous apparaît tout aussi important d’attirer l’attention sur ses conséquences préjudiciables sur les populations du bassin touristique du Mali: Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal.»
Le président Touré a tenu à rassurer ses interlocuteurs. Il s’est d’abord félicité des efforts déployés par les Etats concernés avec la mise en place d’un état major opérationnel à Tamanrasset, en Algerie.
«J’ai la conviction que le tout sécuritaire n’était pas la solution». Tout en ajoutant que la solution aux problèmes de la bande sahélo-saharienne réside dans «la combinaison intelligente du binôme sécurité-développement».
Car pour le président malien la pauvreté reste le terreau le plus favorable au terrorisme.
Investir dans la sécurité
Parallèlement aux stratégies sous-régionales, le Mali a lancé le 9 août 2011, le Programme spécial pour la paix et la sécurité au Nord. Un fond de 31 milliards de francs CFA (environ 48 millions d’euros) mis en place avec l’aide des partenaires au développement et destiné à développer les infrastructures socio-économiques et à renforcer la présence de l’Etat dans le Nord du Mali.
Toujours dans le cadre des réponses à la crise du tourisme, le gouvernement malien a décidé de prendre certaines mesures concrètes: un allègement d’impôts pour les opérateurs du secteur et le renforcement des mesures de sécurité au Nord. Dans le cadre des mesures entreprises, les autorités misent également sur la diversification des zones touristiques du Mali. A ce titre, les autorités se sont empressées d’ajouter:
«Il ne s’agit pas de mettre derrière chaque touriste un agent de sécurité. Il est important qu’ils continuent d’être libres de leurs mouvements», a déclaré le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed el Moctar.
Si le départ de Mouammar Kadhafi ancien soutien des groupes rebelles du Sahel est «une bonne nouvelle pour l’Afrique», le Mali et tous les pays voisins devront au plus vite en tirer les conséquences pour rétablir la sécurité dans la région et ainsi rétablir la confiance et assurer
le retour des touristes