Sans compter l’augmentation des rendements, qui sont passés de 900 kg à 1 017 kg à l’hectare en moyenne. L’on ne peut que saluer ces performances, qui sont, certes, le résultat d’une bonne gestion et d’une certaine remontée des cours de l’or blanc sur le marché international, entre autres facteurs. Mais cette embellie ne doit pas nous faire oublier la situation dramatique dans laquelle se débattait naguère la filière coton.
D’acquis du peuple et de fleuron de l’économie malienne, la CMDT s’était muée en fardeau. Le secteur cumulait déficit sur déficit et le géant malien de l’agro-industrie était poursuivi par une meute de créanciers, tous crocs dehors. Il était pratiquement porté à bout de bras par l’Etat.
Les facteurs incriminés étaient notamment la politique de subvention pratiquée par les pays occidentaux en faveur de leurs cotonculteurs, facteur qui faussait les règles du jeu de la libre concurrence, et la volatilité des cours de l’or blanc. A l’évidence, avec le secteur du coton, un secteur stratégique s’il en est, les années de vaches grasses et les années de vaches maigres se succèdent de façon cyclique.
Pour conjurer ces aléas, pourquoi ne pas chercher à transformer sur place le coton? D’autant que, à ce jour, moins de 2% du coton graine produit sont transformés au Mali. Une anomalie qui dure depuis des années et qu’aucun dirigeant ne cherche à inverser, alors qu’à terme ce sera tout bénéfice pour le pays, s’agissant de création d’emplois, de richesses et de plus values.
Ainsi, par exemple, le segment des tissus artisanaux. Modibo Kéïta, le père de l’Indépendance du Mali, le Président Sékou Touré, apparaissaient, lors des événements solennels et sur les photos officielles, bien drapés dans du «Niaga» bien de chez nous, tout en splendeur. Pourquoi nos princes du jour n’en feraient-ils pas autant pour promouvoir le «consommer national»? Ce serait à la fois un acte très patriotique, fort par son symbolisme, et un geste économique très porteur.
Au lieu de paraître engoncés dans des costumes à l’authenticité improbable. Assez près de nous, les Thomas Sankara et autre Jerry Rawlings n’ont-ils pas déjà montré la voie? Ce d’autant que notre pays a une forte tradition de tissage et jouit d’une forte capacité de création de motifs et dessins. S’y ajoutent, aujourd’hui, une visibilité accrue et un engouement général pour la mode africaine, plus la possibilité d’agrément des produits artisanaux à l’AGOA sur requête du gouvernement américain.
Début d’explication au statu quo, l’absence d’une vision stratégique claire du développement de l’ensemble de la filière coton. Et le fait que les exportations, à court terme, paraissent plus avantageuses pour les égreneurs, comme l’absence de prix préférentiels pour l’industrie locale, afin de stimuler la transformation.
C’est à l’Etat de prendre ses responsabilités, en se disant qu’à terme la vraie solution aux problèmes de la filière réside dans la transformation sur place de notre coton, ne serait-ce qu’à 10 ou 15%. Cela permettra du coup de créer de la richesse et des milliers d’emplois. Et évitera à nos jeunes d’aller finir leurs vies dans la gueule des poissons de la Méditerranée, comme on le voit malheureusement ces temps-ci.
Yaya Sidibé