Si l’information se confirme et l’initiative voit le jour, le Mali fonce droit vers une catastrophe irréfutable dans le domaine des télécommunications, donc de ses finances et de son économie. En effet, un projet de surtaxe sur le trafic international entrant serait dans les coulisses de l’Assemblée nationale pour adoption. En plus d’être contraire au droit international, une telle mesure va également à l’encontre des intérêts de l’Etat, des opérateurs et des consommateurs. Et puis, est-ce le moment d’embarrasser la France, vraie amie du Mali et dont les investissements dans le pays, notamment dans la téléphonie mobile, sont colossaux ?
Au moment où certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Sénégal abandonnent cette pratique qui s’est avérée être cauchemardesque pour eux et leurs populations, le Mali s’apprêterait à tenter l’aventure (la mésaventure ?) d’appliquer la surtaxe sur les appels internationaux entrants, aux conséquences incalculables.
Le gouvernement malien oserait-il poser un acte qui plongerait les finances et l’économie du pays dans un état de déliquescence ? Peut-il endosser la responsabilité de neutraliser des milliers d’emplois directs et indirects ? Irait-il jusqu’à agir contre les intérêts de la France, représentés dans le domaine des télécom par Orange Mali ?
Nous pensons, sincèrement, que NON. Et que les autorités vont, rapidement, reconsidérer leur position d’introduire des taxes sur les appels internationaux entrants. Nous leur fournissons ici les preuves qu’un tel projet est de nature à faire couler un Etat et ses citoyens à l’intérieur et à l’extérieur.
D’abord, en quoi consiste cette mesure, décriée et très impopulaire ?
La surtaxe sur les appels internationaux entrants (Saie) se présente sous la forme d’un montant forfaitaire que les opérateurs doivent facturer pour l’aboutissement des appels internationaux entrants, et dont le gouvernement définit la valeur. Pour ce faire, le gouvernement fait appel à un organisme privé pour mesurer le nombre de minutes de communications internationales entrantes acheminées par chaque opérateur et facture les opérateurs en conséquence. Les sommes ainsi prélevées sont ensuite partagées avec l’organisme privé chargé d’effectuer les mesures. En clair, le système se limite à contrôler le trafic international entrant, et a pour unique objectif de générer des revenus considérables en appliquant une lourde taxe sur le prix des appels internationaux entrants.
Le premier inconvénient majeur de la Saie est lié à ses graves répercussions sur les intérêts de l’Etat et ceux des opérateurs.
En effet, en renchérissant le coût de terminaison, cette surtaxe provoque une augmentation de la fraude, et une diminution du volume de trafic international entrant, du chiffre d’affaires des opérateurs et des recettes fiscales.
Le système appauvrira, dans de courts délais, les opérateurs du Mali qui se verront dans l’impossibilité de soutenir le développement et d’effectuer de nouveaux investissements au détriment de l’économie et de la population.
A terme, des revenus vont s’évaporer, des emplois disparaître et des recettes fiscales de l’Etat dégringoler. Cela est d’autant plus réel que la quote-part de l’Etat est dans les impôts prélevés sur les activités des opérateurs qui supportent seuls la charge des investissements nécessaires au développement du secteur.
Qu’en est-il des consommateurs locaux ? Ils seront, à leur tour, victimes d’un renchérissement des tarifs du trafic international sortant du Mali vers l’étranger. Parce qu’en réaction à la surtaxe, les opérateurs distants appliqueront la réciprocité en procédant à l’augmentation des tarifs se rapportant au trafic sortant du Mali.
Au titre de la consommation, les Maliens de la diaspora (à compter par millions) seront les plus durement frappés par l’application de la surtaxe. Cela va entraîner une baisse drastique du trafic international qui se traduit par (on ne le dira jamais assez) une baisse du chiffre d’affaires et par conséquent une baisse des taxes perçues par l’Etat. Le cas du Sénégal est frappant : en moins de quatre mois d’application de la surtaxe, le trafic international entrant pris isolément a chuté de 15% en volume et de 10% en valeur. Venu au pouvoir, le président Macky Sall a mis fin au système, en mai dernier. Plusieurs autres pays, qui ont mis en place ce système, reviennent sagement sur la mesure. Aujourd’hui, il n’y a plus que des pays « voyous » qui appliquent la surtaxe.
Autre conséquence très néfaste de cette mesure, elle pourrait engendrer une baisse considérable du volume de l’argent que la diaspora malienne est capable d’envoyer aux parents ici et estimé à des milliards de FCFA.
En outre, la Saie est une mesure en porte à faux avec le Règlement des télécommunications internationales et avec les traités de l’Uemoa et de la Cedeao auxquels le Mali est partie.
Les autorités de référence en matière de télécommunication, telles que la Ctoa (Conférence des télécommunications de l’ouest africain), estiment que cette surtaxe va à contre-courant des tendances baissières sur le marché avec des effets destructeurs sur le secteur.
Dernier effet, non moins préjudiciable de la Saie, la mesure est attentatoire aux libertés et à la vie privée des citoyens, car le dispositif viole le secret des correspondances.
Dans le domaine de la (télé) communication, l’Etat a déjà commis deux bévues irréparables, à savoir la libéralisation totale et entière de la presse parlée et écrite (les fréquences radios et les récépissés de création de journaux sont distribués à tour de main) et le bradage récent de la troisième licence de téléphonie mobile.
Il ne commettra, sans doute, pas une troisième erreur fatale en adoptant la Saie. Nous l’espérons bien. Pour son bien. Et pour le bien des populations maliennes.
Sékou Tamboura
Cette pratique a effectivement été un échec au sénégal
Votre passage suivant en dit long sur votre compréhension du rôle de l’état et surtout sur votre appréciation juste des mesures prises par le gouvernement:” l’Etat a déjà commis deux bévues irréparables, à savoir la libéralisation totale et entière de la presse parlée et écrite”. Si cette libéralisation n’était pas venue, vous n’aurez pas pu publier votre torchon qui vous sert d’article.
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