Le 2 juin 2016, la section administrative de la Cour Suprême du Mali a examiné l’affaire qui oppose la société de télécommunications Orange-Mali SA à l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications et des Postes (AMRTP). Il s’agissait pour la Cour, à cette audience, de donner lecture de son rapport et de recevoir les observations orales des avocats, les mémoires écrits ayant déjà été échangés. A la lecture du rapport par le juge Samba Lamine Koité, les conseils d’Orange (Maître Ousmane Mama Traoré et la société civile Doumbia-Tounkara) se sont déclarés satisfaits, estimant que le rapport prenait en compte leurs préoccupations. En revanche, les conseils de l’AMRTP, Maître Cheick Oumar Konaré et Maître Maliki Ibrahim, ont émis de véhémentes objections. Selon Maître Ibrahim, le rapport a escamoté les moyens de défense produits par l’AMRTP alors qu’il a fidèlement mentionné tous les arguments d’Orange-Mali. « Cela ne pourra que biaiser le verdict », s’est inquiété l’avocat. Quant à Maître Konaré, il a mis en garde la Cour contre toute décision tendant à conforter les positions d’Orange-Mali qui se comporte au Mali comme en terrain conquis et traite de mépris les injonctions de l’AMRTP, régulateur exclusif du secteur des télécommunications. « A défaut d’arguments juridiquement pertinents, Orange-Mali s’abrite derrière la diplomatie française pour commettre au Mali ce que l’Etat français lui-même ne tolérerait pas: il appartient donc à la Cour de faire prévaloir le droit sur toute combine néocolonialiste », a pesté l’avocat.
L’affaire fut mise en délibré pour le 9 juin 2016 par une formation de la Cour présidée par Sory Diakité assisté des juges Koité et Bouaré. Le 9 juin, le délibéré fut prorogé au 16 et ce à cette date, la Cour a annulé la décision de sanction n°14-054/MENIC/AMRTP-DG du 22 mai 2014 par laquelle l’AMRTP avait infligé à Orange-Mali une sanction financière de 6. 856. 844. 990 FCFA. Cet Arrêt n’est cependant pas exécutoire; ses effets seront suspendus par le recours en révision que l’AMRTP entend introduire. Il serait fastidieux, pour nos lecteurs non-juristes, de revenir en détails sur les aspects juridiques de ce dossier très technique. En somme, les arguments des parties se ramènent aux points suivants:
* Orange-Mali prétend que la sanction prononcée par l’AMRTP est nulle car intervenue hors du délai légal d’un mois qui courait à compter de la demande d’autorisation d’un produit téléphonique appelé « Douba ». Quant à l’AMRTP, elle estime avoir agi dans le délai légal pour avoir interdit le produit quatre jours seulement après en avoir reçu la demande d’autorisation. L’AMRTP verse, à cet égard, la lettre n°075 du 20 mai 2013 par laquelle Orange sollicite l’autorisation de son offre « Douba » et la lettre-décision n°021/MPNT-AMRTP/DG du 24 mai 2013 par laquelle l’AMRTP met en demeure de cesser la commercialisation de « Douba » et de retirer les affiches publicitaires y relatives. L’AMRTP a également produit des exploits d’huissier montrant qu’Orange-Mali avait même déjà entamé la commercialisation de « Douba » avant toute demande d’autorisation adressée à l’autorité de régulation.
* Orange assure que la direction de l’AMRTP était mal composée, un des membres n’ayant pas été désigné à la date de la sanction. A quoi l’AMRTP répond que c’est dans sa composition actuelle que l’AMRTP a toujours reçu ou rejeté les demandes et même accordé une licence d’exploitation à Orange-Mali.
Orange-Mali affirme que la loi malienne est muette sur les « modalités d’exécution des sanctions » infligées à un opérateur téléphonique. A quoi l’AMRTP répond qu’il y a une différence entre la sanction et ses modalités d’exécution: la loi prévoit clairement les causes et le quantum des sanctions, même si elle reste muette sur les modalités de recouvrement des sommes objet de la sanction. Par conséquent, selon l’AMRTP, la sanction prise l’a été valablement en application de dispositions précises de la loi contre un opérateur qui a délibérément ignoré les injonctions du régulateur.
Orange-Mali semble très consciente de sa faute: son directeur général à l’époque des faits, monsieur Jean Luc Bohé, a été discrètement relevé de ses fonctions.
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