Nouvelles Taxes adoptées par le Gouvernement : Regards croisés d’un ancien ministre et de deux jeunes acteurs politiques

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Lors de sa session ordinaire du 5 février, le Conseil des ministres a adopté certaines mesures visant à introduire des nouvelles taxes sur le réseau des télécoms, les boissons alcoolisées et les transactions de mobile money.

Mamadou Ismaïla Konaté, Avocat, ancien ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

« L’impact négatif des trois textes sur l’économie, le développement et la croissance est évident »

Deux mots de réplique aux propos de M. le Ministre des Finances du Mali, introduisant trois textes dont l’impact négatif sur l’économie, le développement et la croissance est évident.

L’affirmation du ministre des Finances, bien qu’articulée et argumentée, présente cependant plusieurs angles contestables. Voici quelques réfutations possibles :

  1. Sur le point relatif à la TARTOP et ses implications économiques :
  2. le Ministre mentionne, au sujet de la hausse de la TARTOP de 5 % à 7 %, que celle-ci “ne déséquilibrera pas fondamentalement le fonctionnement normal des entreprises”. Cependant, cet argument repose a priori sur une hypothèse fragile, car il s’abstient de fournir des données concrètes et actuelles, notamment sur les marges bénéficiaires ou la santé financière des sociétés de téléphonie. Même si ces dernières pouvaient être florissantes, ce qui n’est pas le cas, elles évoluent dans un environnement difficile, marqué par la crise économique et le contexte de terrorisme. Toutes les sociétés de téléphonie ont dû renforcer considérablement la sécurité de leurs installations contre les attaques et les dégradations terroristes. Même une hausse “modérée” peut engendrer des répercussions inattendues, notamment une augmentation des coûts pour le consommateur final ou une dégradation de l’accessibilité aux services télécoms. À plus forte raison, une hausse de 7 % pourrait avoir des effets encore plus néfastes. Les entreprises concernées pourraient transférer la charge fiscale découlant de cette taxation sur leurs clients, ce qui irait à l’encontre de l’idée d’accessibilité aux services pour la population. Une fois encore, le gouvernement, aux abois, aggrave l’état de précarité des populations en instituant des taxes mal pensées, mal réfléchies et forcément injustes et inégalitaires.
  3. Sur la contribution spéciale de solidarité : Le ministre affirme qu’il s’agit d’une contribution mineure, puisque le prélèvement ne dépasse pas 0,5 %, applicable sur le chiffre d’affaires des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. Cependant, il convient de noter que les entreprises formelles assujetties à cet impôt ne sont pas légion au Mali. De plus, ce type de taxe, basé sur le chiffre d’affaires plutôt que sur les bénéfices, pénalise particulièrement les entreprises à faible marge bénéficiaire, exacerbant les difficultés de nombreuses PME qui pourraient déjà fonctionner à perte. Certaines entreprises préfèrent même liquider leurs anciens stocks à perte pour disposer d’une petite trésorerie leur permettant d’économiser sur les charges, notamment les loyers des entrepôts. L’institution de cette taxe pourrait provoquer des rachats ou des fermetures d’entreprises, réduisant ainsi la diversité économique et, à long terme, les recettes fiscales.
  4. Sur la taxe spéciale sur les boissons alcoolisées pour des raisons de santé publique : Il est curieux d’associer une augmentation des taxes sur les boissons alcoolisées uniquement à des “questions de santé publique”. Cette justification est une simplification inacceptable. Les taxes ne garantissent pas systématiquement une baisse de la consommation d’alcool, comme l’ont montré des expériences dans d’autres contextes et pays. C’est un peu comme si l’on recommandait d’instaurer la peine de mort pour juguler le crime. Une hausse des prix pourrait entraîner une augmentation du marché noir, la prolifération de bars clandestins dans des zones peu sûres ou encore l’achat de produits de qualité inférieure, augmentant les risques pour la santé publique au lieu de les réduire.
  5. Sur l’impact budgétaire des mesures proposées : M. le Ministre prévoit des recettes supplémentaires de 60 milliards de FCFA par an grâce aux mesures préconisées. Cependant, cette projection semble optimiste et manque de précisions quant aux mécanismes de mise en œuvre et de recouvrement. Une collecte inefficace, associée à une évasion ou une rétention fiscale accrue, pourrait conduire à des résultats bien en deçà des prévisions.
  6. Sur l’intérêt et l’engagement des citoyens pour la formalisation des contributions: Comme l’a indiqué le ministre, si l’engagement volontaire des citoyens maliens est effectivement louable, la formalisation de ces contributions via un fonds réglementé pourrait susciter une forme de lassitude ou de méfiance envers l’administration. Les contributions volontaires risquent d’être perçues comme des obligations supplémentaires, ce qui pourrait réduire l’élan initial.

En conclusion, bien que les mesures présentées aient une logique apparente en termes de renforcement des ressources de l’État, leur mise en œuvre et leurs impacts réels méritent d’être remis en question sous les angles économique, social et administratif.

La première opposition à la transition !

Le lundi 10 février 2025, s’est tenu à la Primature un point de presse co-animé par le chef du gouvernement, Général de Division Abdoulaye Maïga et le ministre de l’Économie et des Finances, Alousséni Sanou, en vue d’expliquer des mesures qui font grincer les dents. D’autres membres du gouvernement y étaient aussi présents

Le conseil des ministres du mercredi 5 février a adopté trois textes   qui ne sont pas passés inaperçus. Ils sont relatifs à l’instauration de la taxe sur l’accès au réseau des télécommunications payée par les opérateurs, de la taxe sur les boissons alcoolisées fabriquées localement ou importées et de la contribution sur les recharges et sur les transactions de mobile money.

Ces taxes semblent être un point de discorde entre transition et une partie de la population dont elle avait jusque-là l’accompagnement et le soutien. Pour de nombreux Maliens, le gouvernement ferait mieux de renoncer à ces mesures et songer plutôt à réduire les budgets des institutions. D’autres renchérissent que le bon exemple doit venir des leaders d’abord.

Reste que les projets ont été adoptés et que le gouvernement est autorisé à les mettre en œuvre. Toutefois, il peut aussi mettre la balle dans le camp du CNT, en soumettant les textes désapprouvés à son vote.

Passeront? Passeront pas ? Le moins que l’on puisse constater est que ces nouvelles taxes et redevances font déjà grincer les dents. On nous dit que la souveraineté d’un pays, c’est aussi sa capacité à lever plus d’impôts et taxes sur ses citoyens, afin de se soustraire de l’aide extérieure ; et qu’on ne saurait faire d’omelettes sans casser des œufs, mais encore faut-il savoir ménager la poule pondeuse. Pousse- pousse s’arrête au mur.

Ousmane Tangara

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