C’est une affaire qui a cinq ans d’âge et dont on entrevoit sans doute le dénouement. Le processus de privatisation de la Société des télécommunications du Mali (Sotelma), effectif depuis 2009, prévoyait un désengagement partiel de l’Etat de l’entreprise alors publique et la cession par lui de la majorité des actions (51%) à un partenaire stratégique. La privatisation incluait aussi une part de capital – 10% des actions – à réserver à l’actionnariat salarié. Cette part revenait aux travailleurs de la société lesquels avaient vu 610 de leurs collègues quitter l’entreprise dans le cadre d’un plan social. Il était consigné dans le rapport d’option sur les stratégies de privatisation que les travailleurs entreraient en possession de leurs actions immédiatement après la vente des 51% au partenaire stratégique. Par ailleurs, 19% des actions devaient être cédés à des particuliers et l’Etat ne devait en garder que 20%.
L’engagement de l’Etat en faveur des travailleurs de l’entreprise des télécommunications ne s’est pas concrétisé jusqu’ici. D’où la réaction du Syndicat national des postes et télécommunications (Synapostel) qui se dit décidé à réclamer la part des travailleurs par toutes les voies légales. Les syndicalistes avaient même fait saisir les comptes de l’entreprise des télécommunications le 25 avril dernier. Mais un jugement du tribunal administratif de Bamako a levé la saisine le 12 mai passé pour éviter la paralysie de la Sotelma.
Pour, aussi bien, procéder à une première prise de contact que pour rassurer sur la volonté de l’Etat de respecter ses engagements, le ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, Mahamadou Camara, a rencontré les syndicalistes mercredi au département. Ont pris part à la rencontre le secrétaire général du Synapostel, Seydou Diarra, et le premier secrétaire aux revendications de l’Union nationale des travailleurs (UNTM) et secrétaire général adjoint du Synapostel, Daouda Traoré. L’entretien s’est déroulé à huis clos et d’après les informations qui ont filtré des échanges, le Synapostel a insisté sur le respect du modus operandi fixé pour l’établissement de l’actionnariat salarié. Les travailleurs devraient apporter immédiatement 5% de la valeur totale de leur part d’actions. L’entreprise devrait contribuer à hauteur de 20% sous forme de prêts remboursables par des retenues sur les salaires. Les 75% restant de la valeur totale de la part des travailleurs devraient être payés par l’Etat sous forme également de prêts à rembourser par les travailleurs de l’entreprise sur un délai de 10 ans.
Il faut rappeler que Maroc Télécom est devenu actionnaire majoritaire le 31 juillet 2009 et que l’Etat a procédé à une réévaluation de l’entreprise en 2011 en apportant la réserve dans le capital. Cette augmentation a permis de passer d’un capital de 8,9 milliards de Fcfa à un peu plus de 12,4 milliards de Fcfa. Après cette réévaluation, les actions doivent être cédées à 35 000 Fcfa l’unité aux particuliers. Pour les travailleurs, il a été proposé une cession à 30 000 Fcfa l’action, valeur jugée excessive par les syndicalistes. Les discussions devraient donc porter aussi bien sur la libération de l’actionnariat salarié que sur les coûts d’acquisition des actions par les travailleurs.
D’après ce que nous avons appris, le ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication a expliqué aux syndicalistes son désir de discuter franchement avec eux du dossier et de les assurer que l’Etat respectera ses engagements vis-à-vis des travailleurs de la Sotelma. Mahamadou Camara a également promis de se retrouver ultérieurement avec les syndicalistes pour évaluer et discuter des modalités de l’opération avant de préciser que les travailleurs entreront prochainement en possession de leurs actions.
Le secrétaire général du Synapostel a souligné que les attentes des travailleurs sont très pressantes. Pour Seydou Diarra, les discussions avec la tutelle permettront de définir ensemble les contours de l’actionnariat salarié et de préciser certaines procédures. Les syndicalistes se réjouissent de la rencontre avec le ministre, mais expliquent qu’ils restent attachés à l’exécution des recommandations consignées dans le rapport d’option sur les stratégies de privatisation. Le secrétaire général adjoint a expliqué que ses militants et lui n’ont aucune raison de douter de la bonne foi des nouvelles autorités en charge du dossier.
Le ministre et ses interlocuteurs semblent donc s’inscrire dans la même dynamique de concertation positive. Les futures rencontres entre les deux parties permettront certainement de donner un coup d’accélérateur au processus d’acquisition des actions par les travailleurs.
B. DOUMBIA
L’Etat doit généraliser l’actionnariat salarié qui selon des nombreuses études en occident est un facteur positif pour la bonne gouvernance dans les sociétés commerciales. En effet, les salariés contrairement aux investisseurs, sont plus attachés à la pérennité de leurs emplois donc de leur entreprise. Par conséquent, en tant que actionnaires également, ils inscrivent l’orientation stratégique de leur entreprise dans le long terme. Le court-termisme (volonté des actionnaires dominants, des investisseurs institutionnels c’est à dire notamment les fonds de pensions, les OPVCM, les banques …d’engranger le maximum de profits dans un laps de temps (entre 3 à 6 mois voire moins) serait l’une des principales raisons à l’origine de la grave crise économique et financière que connait l’occident depuis 2008 connue sous le nom de “la crise des subprimes”. Donc oui à l’émergence l’actionnariat-salarié au Mali.
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