La rocambolesque affaire de l’attribution de la 3ème licence de téléphonie globale orchestrée par la Transition continue de faire l’objet de débats au sein du gouvernement. Car certains ministres n’entendent pas cautionner le maintien de cette licence dont l’attribution a violé toutes les règles en la matière. En témoigne les preuves d’irrégularité décelées par le Bureau du vérificateur général dans ce dossier.
Apollinaire Compaoré, l’adjudicateur actuel de ladite licence, ne dort plus que d’un seul œil. Pour cause, l’annulation de sa licence pour entorse aux textes est sur la table du gouvernement. Paniqué, il hésite de lancer les activités d’installation de sa société au Mali, précédemment annoncé pour la semaine dernière. Il est à la recherche d’un protecteur dans la sphère du nouveau pouvoir pour avoir une idée claire sur la suite à donner à ce dossier. Dans cette tentative de connexion avec le nouveau régime, il est entré en contact avec le milliardaire opérateur économique malien, Babou Yara. Ce dernier, faut-il le rappeler, ne doit pas cette sollicitation qu’à son pouvoir financier, mais aussi parce qu’il est l’un des bailleurs de fonds dans le financement des campagnes du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta. Connu pour sa proximité avec ce dernier et sa volonté à tout faire pour gagner de l’argent, le pétrolier malien a ainsi répondu favorablement à la sollicitation du patron de Planor International, Apollinaire Compaoré. Mais à la condition qu’il ait sa part dans le gâteau, c’est-à-dire, qu’il détienne une partie des actions de Planor International. Toute chose à laquelle le Burkinabé ne semble pas d’ailleurs opposé. Ainsi, le marché a été conclu.
Dès lors, Babou Yara, qui n’est pas en odeur de sainteté dans notre pays, a entamé une intoxication médiatique. Dans cette logique, il a été annoncé que l’adjudicateur de la 3ème licence lancera ses activités la semaine dernière. Certains médias sont allés jusqu’à dire que le ministre de la Communication, Jean-Marie Sangaré, a déclaré que le débat sur ce dossier est désormais clos. Alors que, invité du Forum hebdomadaire des directeurs de Publications, ce dernier a reconnu les irrégularités qui ont entaché l’attribution de ladite licence. A cette occasion, le Ministre Sangaré a affirmé que seule une décision politique peut remettre en cause la 3ème licence. Et c’est ce scenario qui est en marche. En outre, le lancement des activités d’installation pour l’exploitation de la licence a été démenti par des sources proches du dossier. Par la suite, cela a été confirmé car, en termes d’investissement, rien n’a été fait jusque là. M. Compaoré attend toujours d’être rassuré.
La balle est donc dans le camp de Babou Yara pour exploiter sa proximité avec le Président de la République afin que l’affaire de la 3ème licence ne fasse plus débat au sein du gouvernement. Après avoir échoué sur le plan de la communication, ce dernier semble déterminé à récupérer les sous injectes dans la campagne d’IBK. Il a ainsi mis actuellement toutes ses relations en branle pour que l’attribution de la 3ème licence ne soit pas annulée.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est que les démarches entamées par Babou Yara s’annoncent difficiles à garantir son nouveau complice. Car les transgressions des textes, mentionnées dans le rapport de conformité du vérificateur général, sont tangibles à telle enseigne que le Président IBK, qui a décrété 2014 comme année de la lutte contre la corruption, avalisera difficilement cette mafia.
Babou Yara, une épine dans le pied d’IBK
Faut-il le rappeler, les irrégularités mentionnées dans le dernier rapport de conformité du Vérificateur général sont accablantes. Il s’agit entre autres de la négligence de la caution bancaire par les autorités chargées de la question ; la concussion dans le recrutement du Cabinet-conseil pour l’octroi de la troisième licence. Sans avis de manifestation d’intérêt préalable, le gouvernement de la transition a attribué ce marché de 1,733 milliard de FCFA au cabinet d’expertise dirigé par l’un des fils d’un ancien Président sénégalais. Pire, l’enregistrement du contrat au service des impôts, qui devrait être un préalable au paiement de ladite somme pour que le Mali recouvre son dû de 3% du montant, a été occulté. Alors qu’au même moment, les opérateurs économiques maliens enregistrent leurs contrats avant tout contrat afin d’être payé par le Trésor public. L’autre hic dans cette affaire, c’est la violation des principes fondamentaux des marchés publics. Le rapport du Vegal affirme que le ministère de la Poste et des nouvelles technologies a, dans ce dossier, élaboré des propositions violant les principes fondamentaux des marchés publics en son article 3.1 du décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et règlement des marchés publics et délégations de service public. Ces manquements ne sont qu’une infime partie des irrégularités que nous vous avons relatées dans nos précédentes parutions.
Ce qui est sûr, c’est que dans sa logique de lutte contre la corruption et la délinquance financière, le Président de la République, dit-on, tient au respect des procédures de passation des marchés publics, même s’il faut revenir sur l’attribution de la 3ème licence.
Oumar KONATE