En intégrant le Conseil d’administration de l’Union postale universelle (UPU) pour la première fois de l’histoire, depuis que le Mali a rejoint l’organisation postale mondiale, La Poste du Mali, en plein renouveau au plan national, marque ainsi son grand retour sur la scène internationale. Mais se rendre plus visible ne suffit pas, La Poste du Mali doit mieux affûter ses armes pour survivre dans un environnement devenu très concurrentiel. Ce qui nécessite le soutien et l’appui des plus hautes autorités du Mali.
Du 9 au 27 août 2021, la Côte d’Ivoire a accueilli le 27ème Congrès postal universel organisé chaque quatre (4) ans par l’Union postale universelle (UPU), la seconde plus ancienne institution du système des Nations Unies. Les plénipotentiaires des 192 Pays-membres de l’Union se sont rassemblés pour préparer l’avenir du secteur postal. Cet événement majeur pour la communauté postale mondiale a réuni des représentants de gouvernements, opérateurs désignés, régulateurs et unions restreintes des Pays-membres de l’UPU, ainsi que des responsables d’organisations onusiennes et internationales. Au cours du Congrès, les Pays-membres ont élu les nouveaux directeur général et vice-directeur général du Bureau international, ainsi que les membres du Conseil d’exploitation postale et du Conseil d’administration pour le cycle 2021-2024. Le Mali est élu au Conseil d’administration.
Il est bon de préciser que, Covid19 oblige, le Congrès d’Abidjan est le tout premier à se dérouler dans un format hybride car plus de 1000 participants ayant pris part aux réunions à distance du 9 au 27 août. Il y a été examiné plus de 200 propositions sur un éventail de questions visant à améliorer l’efficacité et l’efficience des services postaux internationaux et des opérations de l’UPU. En effet, les Pays-membres réunis à Abidjan ont pris des décisions clés sur l’ouverture de l’UPU aux acteurs du secteur postal élargi, la définition d’un nouveau système de rémunération et l’amélioration du développement postal.
Le Congrès a adopté à l’unanimité une proposition selon laquelle une démarche d’ouverture par étapes sera présentée à un Congrès extraordinaire qui se tiendra en 2023.
Dans un premier temps, le Congrès a approuvé des changements immédiats pour renforcer le Comité consultatif de l’UPU, un organe de l’UPU favorisant la participation des acteurs du secteur postal élargi. Le Congrès a aussi approuvé un nouveau système de rémunération intégrée, jetant ainsi les bases d’un système de rémunération postale plus intégré, moderne et tourné vers l’avenir. Le système entrera en vigueur en janvier 2022.
Quel intérêt pour le Mali ?
Le développement postal, qui est au cœur de la mission de l’UPU, a aussi constitué un point clé de l’ordre du jour du Congrès. Les Pays-membres ont adopté une nouvelle politique de développement pour la période 2022-2025 qui permettra à l’UPU de s’engager dans des projets de plus grande envergure qui seront intégrés dans les politiques nationales de développement.
Au regard de la situation de renouveau dans laquelle se trouve plongé le secteur postal malien, l’on comprend aisément toute l’importance que les autorités de la Transition en générale et la Direction générale de La Poste du Mali ont accordé à ces assises où des questions fondamentales liées à l’avenir du service postal ont été discutées et impacteront, à coup sûr, l’élan des réformes en cours au Mali, visant à redorer le blason de La Poste, terni par des années d’obsolescence aux plans réglementaire et structurel (conformité aux lois et règlements…) ; du développement stratégique (infrastructures, Ressources humaines, TIC, plan de réforme…) et de la méconnaissance du marché postal et de son potentiel, puisqu’il a évolué aussi bien de façon quantitative que qualitative, mais en plus, il devient trop concurrentiel à cause de la mutation des offres de services et l’arrivée de concurrents dont beaucoup interviennent tout en restant dans l’informel et en violation des lois et règlements régissant le secteur d’activités.
Cette situation a porté atteinte au développement de La Poste du Mali tombée malade, à telle enseigne que des esprits pessimistes n’hésitaient pas à engager un pronostic vital. Il fallait non seulement réagir, mais proagir pour permettre à La Poste du Mali, non seulement de se redresser, mais d’évoluer rapidement vers les cimes de la performance pour assurer, de façon efficace et rentable, le service postal universel. C’est pourquoi, la Loi N°2017-016-/Du 12 juin 2017 portant réglementation du secteur postal est tombée à pic pour non seulement corriger ces insuffisances, mais aussi créer les conditions nécessaires pour une saine et loyale concurrence dans le secteur postal.
Les fondements du renouveau postal au Mali
Comme dispositions contenues dans cette loi pour permettre à La Poste malienne de reprendre son envol, on peut d’abord évoquer l’amélioration de la densité du réseau postal et son élargissement aux zones rurales, le renforcement du rôle du secteur postal dans le développement économique et social du pays, la garantie d’une concurrence saine et loyale, l’amélioration de la compétitivité du secteur et le développement de l’innovation.
S’y ajoutent, comme autres dispositions : la consécration du principe de séparation entre les différents intervenants du secteur (le Ministère en charge de la poste, le régulateur et les opérateurs) ; la délimitation des contours du service postal universel, des services réservés et les services ouverts à la concurrence ; la détermination des périmètres des services postaux en adoptant une classification de ceux-ci selon des critères universels : services publics, services universels et services financiers, services réservés et services non réservés.
On peut aussi citer la définition des régimes juridiques d’exercice des activités postales à travers la distinction entre : le régime de la concession, celui de la licence simple et celui de la licence globale.
A quoi il faut ajouter : l’élargissement de la liste des services postaux aux services hybrides et modernes (essentiellement les services postaux innovants utilisant les technologies de l’information et de la communication) en plus de services postaux de paiements et les services traditionnels de base.
Sans compter : l’extension du service postal universel sur tout le territoire national ; l’identification de l’opérateur en charge du service postal universel et la précision des modalités de mise à jour et de financement.
Des avancées certes, qui ont permis à La Poste malienne de revenir de loin pour commencer à rayonner, grâce aussi aux prouesses managériales de l’actuel Pdg, Ibrahima Haïdara, qui a su mobiliser la grande famille postale pour relever les défis et aller vers les sommets de l’efficacité car, comme on le dit, “la meilleure façon d’échapper à la noyade est de s’accrocher aux cimes”.
Des lacunes à combler
Il est vrai que des améliorations sont attendues pour combler des lacunes de la Loi N°2017-016 du 12 juin 2017 portant réglementation du secteur postal.
En effet, malgré sa pertinence à saluer, ladite loi est silencieuse en ce qui concerne les dispositions spécifiques à l’inclusion financière des populations exclues du système bancaire ; les principes et le régime juridique régissant l’interopérabilité des réseaux postaux et les conditions dans lesquelles les opérateurs privés peuvent exploiter les infrastructures de distribution de l’opérateur historique qu’est La Poste du Mali ; le principe de liberté de tarification des services non réservés synonyme d’une libéralisation de ce pan d’activités postales…
Nous croyons bien que l’attention manifestée par les plus hautes autorités du Mali pour soutenir La Poste du Mali qui a pu se hisser au poste combien stratégique et prestigieux de membre du Conseil d’administration de l’UPU, cet élan de soutien, disons-nous, sera certainement mis en œuvre pour la prise de mesures réglementaires qui vont compléter rapidement les dispositions de la Loi N°2017-016 du 12 juin 2017 portant réglementation du secteur postal afin de permettre à La Poste du Mali, opérateur en charge du service postal universel actuellement lancé sur la rampe du renouveau, de mieux s’adapter aux mutations en cours dans son domaine d’activités, notamment par un mixage de la logique de service public (où il est question d’usager) à la logique commerciale qui appelle une proactivité pour rester en phase avec les besoins évolutifs de la clientèle.
Amadou Bamba NIANG