Commerce, BTP, hôtellerie sont frappés de plein fouet par la crise. Certains ont réduit la voilure. D’autres ont mis la clé sous le paillasson.
Le monde des opérateurs économiques ploie sous les effets de la crise du Nord. D’aucuns plient mais ne rompent pas. A l’instar de Gaoussou, quincaillier au Dibida qui a réduit la voilure, le temps que l’orage passe : « Mon chiffre d’affaire a été divisé par douze depuis le déclenchement du conflit armé au Septentrion malien. L’instinct de survie m’a poussé à céder une partie du magasin dont le loyer devenait de moins en moins supportable. Auparavant, j’ai gelé tout investissement et concentré mes efforts sur l’alimentation familiale. » A un jet de pierre de là, Mamadou, commerçant d’appareils électroniques au Dabanani lui fait chorus : « Les cœurs ne sont plus à la fête. Les mini-chaînes qui se vendaient comme des petits pains sont enlevés au compte-gouttes. La même tendance est observée sur les panneaux solaires. Dès lors, j’ai révisé mes prétentions à la baisse. L’ouverture d’un second magasin est renvoyée aux calendes grecques. »
Les hôteliers tournent et retournent leur pouce. Les clients ont disparu des écrans radar. Faisant appel à une floraison d’initiatives de survie. Les chambres sont louées pendant une heure ou deux à des couples. Une activité qui secrète des ressources dédiées au fonctionnement courant : salaires des agents restés en poste après le dégraissage du personnel, factures d’eau et d’électricité, impôt, etc. Batoma, la ravissante lève à peine la tête pour dévisager le visiteur du jour. Le jeu de cartes sur ordinateur l’a absorbé. Ou peut-être, dans son for intérieur, elle est arrivée à la conclusion que les rayons du soleil n’ont pas suffisamment dardé la terre pour qu’un client se présente. Et surtout que celui-ci joue en solo. C’est-à-dire non accompagné. Néanmoins, Batoma est raffinée pour laisser patauger longtemps le visiteur dans des difficultés. Une fois loin des regards indiscrets, elle laisse échapper son angoisse :« Le mois a quarante cinq jours, parfois plus. Du temps où les affaires prospéraient, le volume des pourboires étaient tel qu’on pouvait éponger toutes les dépenses sans déduire quoique ce soit du salaire. Maintenant, rien presque, et l’on se met à espérer la tombée rapide du salaire. Parfois, on est au bord du découragement. Les touristes, jadis nombreux, se sont raréfiés. »
BTP doublement frappé
Le BTP bat de l’aile. Mais ici, la crise du Nord n’explique pas tout. La mesure gouvernementale d’arrêter toutes les opérations foncières est aussi passée par là. Du piroguier affecté à l’extraction de sable du fleuve au peintre, en passant par le maçon et carreleur, tous crient misère. Soungalo, briquetier témoigne : « Les temps sont vraiment durs. Le travail manque le plus. Et sans travail, point d’argent. Le poisson et la viande ont disparus des assiettes du ménage. Créant des tensions. Au point que madame me suspectait d’entretenir des copines. Parfois, elle pensait à de mauvais sorts jetés par des voisins ou des camarades de travail. »
Les géomètres sont très remontés contre la mesure gouvernementale. Qui crée un manque à gagner énorme. Beaucoup vivent aujourd’hui de leurs réserves. Entre autres, Moussa contraint d’abandonner la villa de Lafiabougou qui faisait office de bureau pour un deux pièces à Samé. Là aussi, on réduit la voilure. Issa n’a pas eu la même chance. Puisqu’il a mis la clé sous le paillasson : « Il a fallu beaucoup de gymnastique afin de payer quatre mois de loyer du bureau. Ensuite, les impôts étaient à mes trousses. Alors, j’ai rendu les clés du bureau. J’officie à présent dans la garde des engins à deux roues, en attendant des lendemains meilleurs. »
Issa, comme on le voit, a simplement changé de métier. En définitive, face à l’ampleur de la crise, des hommes et des femmes ont puisé dans leur tréfonds l’énergie d’adaptation. Ceux qui n’en sont point doués ont vu le dernier clou enfoncé dans le cercueil du maintien de leur activité.
Georges François Traoré