A quelques jours de la date butoir du 31 décembre 2007, l’Union Européenne panique et brandit des menaces de représailles pour casser la dynamique unitaire de rejet des Accords de partenariat économique (Ape). Des discours discordants commencent à s’élever sur le continent et les pays de la Cedeao se voient aujourd’hui lâchés par la Côte d’ivoire et le Ghana qui ont déjà signé des accords intérimaires avec l’Ue. Un pacte avec le diable.
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rn Au moment où, à l’instar du Mali, des pays africains se lancent dans une lutte ardue contre la pauvreté, il reste évident que les opposants aux Ape devraient trouver une oreille attentive en ce sens que lesdits accords constituent une négation pure et simple des objectifs d’éradication de la pauvreté dans les pays Acp, tels que proclamés par l’Union Européenne à travers l’Accord de Cotonou. De la même manière, les intentions d’aide au développement durable sont balayées au nom d’un libéralisme sauvage qui ne ferait qu’achever le processus de paupérisation du continent africain.
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rnFace à la réaction énergique des pays africains qui ont rejeté en bloc les Ape, l’Union Européenne opte désormais pour l’approche bilatérale, en traitant les pays au cas par cas, y imprimant au passage une dose de menace de représailles. En refusant toute concession, l’Union Européenne s’arroge, en contrepartie, l’outrecuidance d’exercer de lourdes pressions économiques et politiques sur les pays Acp pour forcer leurs décisions.
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rnLa résistance africaine semble pourtant payer, car le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré a vigoureusement dénoncé, à Lisbonne, le « forcing » des Européens dans les pourparlers avec les pays Acp. Dès lors, cherchant à endormir les Etats africains afin de faire passer des accords dits intérimaires pour échapper au fiasco au 1er janvier 2008, José Manuel Barroso a menacé ouvertement les pays africains, au détour d’un rappel : les accords préférentiels ne seront plus applicables à partir du premier jour de l’année 2008. Une menace à peine voilée à laquelle il ajoute : « Il faut nous doter d’accords intérimaires pour éviter de perturber le commerce ». Question de dire aux Africains : vous n’avez pas le choix. Gare au pays africain frondeur. C’est inadmissible comme procédé !
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rnLes Ape devraient régir, à compter du 1er janvier 2008, les relations commerciales entre les pays d’Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique et l’Union Européenne. C’est en réalité pour mettre fin au régime préférentiel dont bénéficient les pays africains sur le marché européen. Un régime préférentiel devenant caduque au 1er janvier 2008 et dénoncé par l’Europe au nom des principes de l’Omc. C’est à croire que pour d’autres questions importantes comme les subventions qui dérèglent les cours mondiaux – le coton par exemple- l’Omc part tout simplement en congé.
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rnSituation inquiétante
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rnIl faut noter que les arguments de l’Union européenne ne résistent pas à l’analyse, car l’article 24 du Gatt, ancêtre de l’Omc, régit les accords commerciaux régionaux. Par conséquent, l’Union Européenne pouvait bien se passer des Ape et demander l’introduction d’une clause spécifique dans cet article pour prendre en charge les relations commerciales entre pays en voie de développement et pays développés. Si l’on sait l’influence que l’Ue pourrait exercer sur l’Omc, cette innovation serait passée sans peine.
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rnMais l’Europe, eu égard à l’avancée de l’influence chinoise sur le continent, veut précipiter les choses en mettant en péril les économies africaines encore trop jeunes pour supporter une suppression de leurs barrières douanières face à une Europe vorace et dévastatrice. C’est d’autant plus vrai que les économies africaines ne sont pas compétitives au plan international : moins de 2 % du commerce mondial et les échanges entre pays africains ne s’établissent qu’à 7% du commerce extérieur.
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rnLa position solitaire de la Côte d’Ivoire qui a signé les accords intérimaires a entraîné le Ghana dans ce sillage, soumettant à rude épreuve le processus d’intégration sous-régionale. L’Afrique de l’Ouest dont le processus d’intégration est souvent cité en exemple, est aujourd’hui frappée de plein fouet par des discours discordants : d’un côté le Ghana et la Côte d’Ivoire, d’un autre le Sénégal qui entend diriger un front des opposants irréductibles, notamment avec la proposition d’Accords de partenariat pour le développement de Wade, sans compter le gros du lot dont une bonne partie, sans trop se faire voir, serait prête à signer les accords intérimaires selon des sources de l’Union européenne. Est-ce un bluff pour briser la résistance africaine ou un constat d’inconstance des pays africains ? Il reste évident que la discordance risque de perdre les Etats de l’Afrique de l’ouest si, au sortir de la rencontre qui se tient présentement à Ouagadougou, on ne parvient pas à harmoniser les positions.
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rnDe toute façon, le Secrétaire exécutif de la Cedeao a demandé une période de négociation complémentaire d’un an pour permettre à la Cedeao de mieux se préparer. Mais au vu de l’intransigeance de l’Union européenne qui use du forceps pour obtenir la signature des Etats africains, ici et maintenant, l’usure du temps risque d’agacer les uns et les autres et surtout effriter les rangs des frondeurs. La Cedeao par la voix de son secrétaire exécutif a effectué un virement spectaculaire en appelant les pays membres à accélérer les négociations pour conclure vite des accords avec l’Ue.
rnLa situation est d’autant plus inquiétante que l’Uemoa aussi en appelle à « agir de concert avec les autorités ivoiriennes, en vue d’assurer la cohérence de leur démarche » dans le processus des négociations. En langage plus simple, ne s’agirait-il pas d’une incitation des autres pays de l’Uemoa à rejoindre la position de la Côte d’Ivoire qui a déjà dit oui aux Ape ?
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rnSi l’on sait qu’en Afrique centrale c’est le même problème car le géant camerounais a abdiqué. Dans ces conditions, où va l’Afrique.
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