Partout en Afrique, la rumeur prend de l’ampleur. Le franc CFA sera dévalué au 1er janvier 2012. Information ou campagne d’intoxication ? Cette rumeur sur la dévaluation du franc CFA est liée, selon certains, aux difficultés financières et économiques que rencontrent de nombreux pays de l’Union européenne (UE), dévaluation déjà programmée pour le 1er janvier 2012, à en croire les détracteurs. Pour la France, « c’est une question absurde qui relève d’une pure manipulation » car il n’y a aucun groupe de travail spécifique sur le sujet. En attendant, le conseil des ministres de l’UEMOA planchera sur la question en janvier prochain de même que la réunion de la zone franc prévue à Bamako au Mali en avril 2012.
La dévaluation intervient en période crise généralement pour relancer l’économie ou pour protéger une économie naissante. Dans un débat télévisé, avant-hier, sur les antennes de l’ORTM, le ministre malien de l’Economie et des finances a été formel : « Aucune information sérieuse d’aucune structure sérieuse n’a évoqué le problème ». Lassine Bouaré, puisqu’il s’agit de lui, a dit que les rumeurs n’ont pas d’origine, mais ont leur vie. A ce titre, il a rassuré en tant que futur président du conseil des ministres de l’UEMOA que « la dette est maîtrisée dans l’espace UEMOA et qu’on ne dévalue pas une monnaie qui connaît une croissance ».
Mais le nœud du problème, aujourd’hui, est de savoir si la parité fixe qui lie l’euro à la monnaie africaine (1 pour 655,957) se justifie dans une conjoncture économique marquée par un net ralentissement de l’activité en Europe et par de sérieux doutes sur l’avenir de la monnaie unique de ce continent. C’est toute la question, selon les spécialistes. Les partisans d’une dévaluation estiment qu’elle permettrait d’augmenter les exportations africaines à destination de l’Europe, mais aussi de la zone dollar.
En dévaluant le franc CFA, on lui permet d’être moins pénalisé par la vigueur, certes relative, de l’euro par rapport au billet vert américain. A l’inverse, ses adversaires estiment qu’une telle opération ne se justifie pas. Pour eux, la situation économique et financière des six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et des huit pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) – ces deux zones monétaires utilisant le franc CFA – est bonne, contrairement à la dévaluation de 1994. Beaucoup pensent que le CFA a un bon niveau d’équilibre et n’est pas surévalué. Mieux, l’UEMOA a des réserves de change équivalentes à sept mois d’importations de biens et services.
C’est la déclaration du ministre d’Etat ivoirien du Plan et du Développement, Mabri Albert Toikeusse, le 24 novembre dernier, qui a attisé les inquiétudes : «La dévaluation n’est pas une catastrophe». « Elle pourrait même générer des milliards (de francs CFA) si elle est anticipée» a-t-il ajouté. Car selon lui, cette dévaluation anticipée donnerait «plus de valeur aux produits d’exportation entre les pays membres<em style=”_0mso-bidi-font-style:
» de la zone CFA.
Des économistes africains sont partisans d’une modification du statut actuel du franc CFA. Il s’agira pour eux, de faire évoluer le régime de change vers quelque chose de plus flexible, ce qui pourrait se traduire en une perte de valeur par rapport à l’euro ou au dollar. Pour les tenants de cette tendance, il est possible d’obtenir les effets d’une dévaluation sans dévaluer le franc CFA lui-même. Faut-il, dans ce cas, introduire de monnaies complémentaires au franc CFA ? Des panels ou groupes de pression entendent faire la promotion de monnaies complémentaires régionales en Afrique de l’Ouest en vue du développement local. Il s’agira de la création d’une monnaie locale, moyen d’échanges à l’échelle locale pour des populations n’ayant pas droit au crédit. Toute chose qui peut stimuler les économies localestout en évitant la dévaluation.
Le risque d’émiettement de la zone euro peut aussi être à l’origine de la dévaluation. Cela est d’autant plus vrai que le franc CFA bénéficie de la garantie de convertibilité du Trésor français. La France a-t-elle peur de l’autonomie monétaire des pays de l’UEMOA ?
En attendant, personne ne sait si le sommet d’avril de Bamako se tiendra après la dévaluation du FCFA. Si tel n’est pas le cas, le Mali est souvent le centre de certaines grandes prises de décisions, il nous loisible de croire que la bataille du « pour » ou « contre » la évaluation a commencé.
Oumar Ouattara