Les administrations douanières du Mali et de la Guinée se sont rencontrées, le jeudi 22 décembre à Kourémalé, à la frontière entre les deux pays. Les deux délégations étaient conduites par les Directeurs généraux des douanes, à savoir le Colonel Modibo Maïga pour le Mali et le Colonel Toumany Sangaré pour la Guinée. L’objectif visé par cette rencontre, première du genre, est de débattre sans tabou des difficultés auxquelles les usagers de cet axe routier sont confrontés en vue de faciliter la libre circulation des personnes et des biens et surtout booster le niveau de fréquentation par les opérateurs économiques maliens du Port de Conakry, qui est plus proche de Bamako que tous les autres ports de la sous-région.
Cette rencontre fait suite à la volonté exprimée par les Directeurs généraux des douanes du Mali et de la Guinée de renforcer leur coopération et ce, conformément aux recommandations de la 7ème session de la Grande commission mixte de coopération tenue à Conakry, les 26 et 27 avril 2010. Pour cette première rencontre inédite, les Colonels Modibo Maïga et Toumany Sangaré étaient accompagnés par une forte délégation de douaniers.
La cérémonie a eu lieu en présence des autorités politiques, administratives et coutumières de Kourémalé, ainsi que les populations très enthousiastes de voir les douanes de leurs deux pays se rencontrer.
En effet, Maliens et Guinéens, appartiennent au même peuple, le Mandé, qui les lie tant par l’histoire que par la culture. Malgré le fait qu’ils soient séparés par les vicissitudes de l’histoire coloniale avec des frontières artificielles, les deux peuples ont le même destin. Après avoir remercié les autorités maliennes pour l’accueil réservé à sa délégation, le Colonel Toumani Sangaré, le Directeur général des douanes guinéennes, a affirmé que le fait de venir à la rencontre de Kourémalé, loin des bureaux climatisés des deux capitales, est la manifestation d’une volonté de poser des actes concrets pour le bien être des deux peuples. Il a rappelé que cette rencontre s’inscrit parfaitement dans le cadre du thème retenu par l’Organisation mondiale de la douane (OMD) pour célébrer la prochaine journée internationale des douanes, le 26 janvier 2012, à savoir : ” Les frontières séparent, les douanes rapprochent “.
Le Directeur général des douanes du Mali a indiqué que la coopération douanière entre les deux pays est en deçà des légitimes attentes des populations avant de souligner que les administrations douanières doivent nécessairement hisser leur coopération au niveau de la coopération politique et économique qui existe entre les deux pays. Il a insisté sur la nécessité d’imaginer les meilleurs instruments de coopération en vue de faciliter les échanges commerciaux entre opérateurs économiques et transformer ainsi en avantage l’atout naturel de la proximité du port de Conakry.
Cette rencontre a été ainsi l’occasion pour les deux délégations de débattre plusieurs points inscrits à l’ordre du jour, tels l’exécution des tâches assignées par la dernière session de la grande commission mixte de coopération, la révision de la convention d’assistance administrative mutuelle et le protocole d’accord sur les facilités réciproques en matière de transit signé entre les deux gouvernements en novembre 1987, l’implantation d’une représentation des douanes du Mali au port autonome de Conakry, la lutte contre la fraude et la criminalité transfrontalière, les échanges d’informations sur les Bureaux de contrôle juxtaposés de Kourémalé.
Des mesures concrètes adoptées
Les discussions autour de ces thématiques ont permis aux deux parties d’adopter et de signer le rapport final de la rencontre. Suivant ce document, les parties ont convenu que pour la révision de la convention d’assistance administrative mutuelle, un avant-projet de convention révisé sera élaboré par la partie guinéenne d’ici le 20 janvier 2012 et pour le protocole d’accord sur les facilités réciproques en matière de transit un avant-projet sera élaboré par le Mali d’ici le 10 janvier.
Par rapport à l’implantation d’une représentation des douanes du Mali au port de Conakry, la partie guinéenne a fait savoir son entière disponibilité et transmettra son avis formel sur la question par courrier après consultation des autorités de tutelle.
S’agissant de la question cruciale de la lutte contre la fraude et la criminalité transfrontalière, les deux parties ont convenu de se communiquer mutuellement un relevé périodique des marchandises exportées, de désigner avant le 31 décembre prochain les points focaux chargés de recevoir et de transmettre les renseignements sur la fraude et enfin instituer une rencontre périodique entre les responsables des administrations douanières aux niveaux régional et local.
En ce qui concerne les bureaux de contrôle juxtaposés, les parties ont constaté leur coût exorbitant et sont convaincues qu’ils ne constituent plus la principale mesure de facilitation et de sécurisation du commerce international.
Les préoccupations des deux parties
C’est pourquoi, elles ont identifiées de nouvelles mesures comme l’interconnexion des systèmes informatisés douaniers dans le cadre du TRIE unique, le suivi électronique des marchandises en transit, l’utilisation des moyens de contrôle non intrusifs (scanning) et le guichet unique. La rencontre a recommandé la réorientation des ressources dédiées à la construction des bureaux de contrôle juxtaposés de Kourémalé à l’acquisition de ces nouveaux moyens.
Au niveau des divers, la partie malienne a soumis à la réunion les difficultés rencontrées par les Maliens ayant formulé des demandes d’agrément en qualité de commissionnaire en douane en Guinée et les formalités du laisser passer auxquelles sont soumis, à l’entrée du territoire guinéen, les véhicules de transport de marchandises immatriculés au Mali. Pour le premier sujet, le Directeur général des douanes guinéennes a souligné que le retard dans l’obtention de l’agrément est une mesure d’ordre général prise pour assainir la profession. Pour le second point, il a précisé que les véhicules de transport du Mali ne sont soumis à aucune formalité de ce genre et que les dispositions seront prises pour y mettre fin.
La partie guinéenne a soulevé des questions comme les difficultés rencontrées par les véhicules de tourisme immatriculés en Guinée à l’entrée du territoire malien et la multitude de points de contrôle entre Kourémalé et Bamako et les surcoûts engendrés.
Pour le premier point, le Colonel Modibo Maîga a rappelé que les véhicules de tourisme destinés au Mali sont soumis à la formalité de la consignation des droits et taxes, mais que cette mesure ne s’applique pas aux véhicules des résidents guinéens désirant effectuer un séjour temporaire au Mali. Mais il se trouve que dans la mise en œuvre de cette procédure, le bureau de Kourémalé fait face à un véritable réseau de fraude. Et que l’impératif de lutter contre ce courant explique en partie la grande rigueur observée dans la délivrance dudit document. Cependant, il a été instruit aux deux chefs de bureaux frontalièrs de travailler en synergie pour ne pas pénaliser les opérations licites. Quant aux postes de contrôle, il a précisé que tout ceci ne relève pas de la douane.
Au cours de la rencontre, la partie guinéenne a informé sur les mesures prises par leurs autorités en vue d’améliorer la compétitivité du Port de Conakry. Il s’agit de la mise en place du fonds de garantie en lieu et place du droit de transit, de la simplification de la procédure d’obtention de documents de transit de marchandises (ordre de mission), l’arrêt du scanning au port des marchandises en transit à destination du Mali.
Les deux parties, qui ont convenu d’une institutionnalisation de cette rencontre de façon annuelle, ont exprimé leur engagement sans faille de traduire en actes les décisions prises.
Youssouf CAMARA
Envoyé spécial