Ségou, la Cité des Balanzans, a abrité le week-end dernier (18-19 mars 2016) les travaux de la 6ème édition de la traditionnelle rencontre banques/presse privée malienne. La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de l’Économie et des Finances, Dr. Boubou Cissé. Cette année, les échanges ont porté sur «le financement des projets structurants pour une croissance économique soutenue et durable : Agriculture, Énergie et Infrastructures».
Au Mali, pour définitivement tourner la page de la crise qui se secoue le pays depuis janvier 2012, «des actions d’envergure s’imposent pour une véritable relance économique avec le secteur privé comme moteur. Pour y parvenir, l’Etat se doit de réunir certaines conditions préalables», analyse Moussa Alassane Diallo, PDG de la BNDA, non moins président de l’APBEF, dans sa communication à l’occasion de la 6ème édition de la rencontre banques et presse privée du Mali à Ségou.
Et, ajoute-t-il : «Les banques maliennes ont incontestablement leur partition à jouer dans cette reconstruction du pays et doivent contribuer aux réflexions stratégiques sur le financement de ces projets structurants et créateurs d’emplois». D’où la pertinence du thème débattu : «Financement des projets structurants pour une croissance économique durable : Agriculture-Energie-Infrastructures».
Pour Moussa A. Diallo, les projets structurants se caractérisent par leur capacité à provoquer un effet multiplicateur et durable sur le développement économique et social ; à induire des transformations structurelles profondes au regard de leurs effets d’entraînement ; à avoir un effet transversal sur plusieurs secteurs de développement, y compris la santé, l’éducation, le tourisme, l’agriculture et les services ; à résorber le chômage des jeunes par la création d’emplois durables.
Le président de l’APBEF énumère précisément les barrages hydro-électriques, les aménagements hydro-agricoles, les routes, les ponts et chaussées, les centrales électriques… «La réalisation de ces projets nécessite des ressources financières longues et importantes et le retour sur investissements peut s’étendre sur plusieurs années», dévoile le PDG de la BNDA.
Dans la brillante communication présentée par Moussa Alassane Diallo, nous avons surtout retenu la clarté de sa vision par rapport au développement par l’agriculture. Un secteur d’autant important qu’au Mali, les activités agricoles occupent environ 75 % des populations actives ; procurent au pays 40% de son PIB et les exportations de produits agricoles et représentent une part importante des recettes d’exportation.
Comme l’a si bien rappelé le président de l’APBEF, l’agriculture a donné naissance à un nombre important d’entreprises agro-industrielles dans le domaine du textile et de l’alimentation d’une part, et de petites et moyennes entreprises installées en milieu rural (forgerons, cliniques vétérinaires, transformation), d’autre part. Mais, déplore M. Diallo, «l’agriculture au Mali demeure tributaire des aléas climatiques. Il en est de même de l’élevage soumis à ces mêmes aléas. Dans ces conditions de précarité, il est difficile de bâtir sur le long terme une politique agricole économiquement fiable et financièrement rentable».
Et si la mobilisation de lignes de crédit spécifiques auprès des Institutions financières internationales et d’autres bailleurs de fonds s’avère nécessaire pour asseoir toute politique de développement rural durable, ces fonds doivent répondre à des priorités absolues. La valorisation du potentiel hydro-agricole est l’une d’entre elles. «La valorisation de l’important potentiel hydro-agricole du Mali doit constituer l’un des axes majeurs du développement rural de notre pays», a fait ressortir l’éminent banquier.
Il ajoute : «Les travaux d’aménagements hydro-agricoles sont consommateurs de ressources financières importantes et longues. Mais ils sont créateurs d’emplois à moyen et long termes pour leur réalisation et par la suite constituent un gage d’atteinte de la sécurité alimentaire du pays et de développement des cultures à l’exportation. Ces grands travaux permettent de maintenir les bras valides dans les villages et freinent considérablement l’émigration des jeunes ruraux vers d’autres contrées».
Intelligemment conçues, ces réalisations peuvent permettre à notre pays de redevenir le grenier à céréales (riz, mil, maïs) de toute la sous-région. Ce qui est une volonté politique réaffirmée par les autorités maliennes depuis l’indépendance.
Ces investissements doivent aussi contribuer à la restauration et au maintien de la fertilité des sols ainsi que la protection de l’environnement. Dans le contexte malien, la dégradation des ressources naturelles, et plus particulièrement de la fertilité des sols, s’est traduite entre autres par une progression du processus de désertification et une accélération de l’érosion éolienne et hydrique.
Ce qui fait que, d’une manière générale, les systèmes de production extensifs et les pratiques agro-sylvo-pastorales ne sont plus en adéquation avec les conditions agro-écologiques du milieu et ne permettent plus la reconstitution du potentiel de production en l’absence de fumure minérale et organique. D’où la nécessité de mettre en place «un financement destiné à la restauration des sols et à la préservation de l’environnement», conseille Moussa A. Diallo.
Développement de l’économie par une croissance soutenue passe par la diversification de la filière agricole
«L’objectif d’accroissement des disponibilités agricoles et agro-alimentaires n’est possible que si des variétés sélectionnées sont utilisées. Il s’agit d’améliorer les variétés locales susceptibles de relever le niveau des rendements. C’est pourquoi des programmes de recherches agronomiques doivent bénéficier d’une attention particulière et d’un financement conséquent», a défendu le PDG de la banque spécialisée dans le développement agricole au Mali. Il a réussi à faire aujourd’hui de la BNDA une référence africaine par ses acquis.
Déjà, a précisé le président de l’APBEF, la recherche au Mali pour le croisement des espèces et l’amélioration des rendements est engagée depuis des années. Mais, assure-t-il, qui parle «de recherche et développement, parle inévitablement de ressources adéquates car le retour sur investissement peut prendre beaucoup de temps». La communication fait aussi de la vulgarisation des techniques et technologies intensives et appropriées l’une des priorités des politiques d’investissements dans le secteur agricole malien. En la matière, les besoins en techniques et technologies intensives du monde rural sont multiples et très diversifiés à cause des acteurs en présence.
Il est constaté aussi que les producteurs souffrent de l’insuffisance d’information, de communication et de vulgarisation pour satisfaire efficacement leurs besoins en techniques et technologies de production adaptées aux conditions agro-écologiques.
Dans ces conditions, rappelle M. Diallo, «le financement des programmes d’appui à la professionnalisation des producteurs paraît indispensable. Il s’agit de renforcer les capacités techniques, organisationnelles et de négociation des producteurs et des exportateurs de produits agricoles».
De l’avis du spécialiste, l’Etat doit favoriser la création d’une grande banque publique d’investissements destinée à soutenir le financement du secteur productif et à soutenir les grands travaux qu’il va entreprendre pour une croissance économique soutenue et durable à travers l’agriculture, les énergies et les infrastructures.
«Il est vrai que le paysage bancaire malien est riche de quatorze banques et de trois établissements financiers, mais aucune d’entre elles n’est spécialisée dans ce domaine vu les contraintes de disponibilité de ressources longues très importantes», a justifié Moussa Alassane Diallo.
Un cadre idéal de réflexion pour baliser le développement socio-économique
Ce banquier réputé pour sa compétence n’a pas manqué de rappeler que «la réussite et la viabilité de toute politique de financement des infrastructures demeurent subordonnées à certains facteurs clefs». Il s’agit, entre autres, de l’existence d’un cadre macro-économique stable et favorable à la promotion des entreprises ; l’identification de projets économiquement fiables ; l’existence d’un cadre règlementaire et d’un système judiciaire fiable ; la structuration des marchés intérieurs et sous-régionaux permettant une meilleure intégration économique ; la bonne gouvernance et la solidité des banques.
«Lorsque ces questions sont réunies, alors le financement des infrastructures peut être un puissant levier pour accélérer une croissance économique soutenue et durable», assure le professionnel des banques. Et si l’Etat décidait d’affecter 500 milliards de Fcfa sur 5 ans à chacun des secteurs, précisément l’agriculture, l’énergie et les infrastructures, c’est-à-dire 100 milliards de Fcfa par an ? Pour l’APBEF, cette situation conduirait à une allocation budgétaire de 300 milliards de Fcfa par an, soit 15 % du budget total. Globalement, il s’agit d’allouer 1.500 milliards de Fcfa aux infrastructures pendant 5 ans.
L’événement a aussi été marqué des débats sur «l’appui de la presse aux investissements» présenté par Mahamadou Camara, l’ancien ministre de la Communication, a développé au nom de la presse le thème. Même si on déplore de plus en plus l’absence de vrais journalistes spécialisés en économie à ces rencontres banques et presse privée malienne, force est de reconnaître qu’elles offrent le cadre idéal d’une réflexion approfondie sur les grandes préoccupations économiques et financières de notre pays et sur le climat des affaires.
Selon les organisateurs, de 2012 à 2015, tous les thèmes traités étaient liés à la relance économique du pays. Le ministre de l’Economie et des finances, Boubou Cissé, a logiquement salué cette initiative car convaincu qu’elle contribue à une meilleure information de la population sur les activités bancaires et financières à travers les hommes de média.
«Le gouvernement vous encourage à maintenir et à entretenir cet espace d’échange unique pour le bonheur de vos entreprises respectives et celui des populations pour lesquelles vous vous investissez tous les jours», a déclaré le ministre Boubou Cissé, dont la présence a été saluée par les banquiers et les confrères.
Les travaux de la 6e édition de la rencontre ont été sanctionnés par d’importantes recommandations dont la mise en œuvre ne peut qu’être bénéfique à la relance économique. Si elles ne sont pas bien sûr archivées dans les tiroirs !
Moussa BOLLY