REDUCTION DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES: Les Africains dénoncent de nombreuses lacunes

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Les pays les plus pauvres, essentiellement africains, ont dénoncé, le 18 septembre dernier, les lacunes de l’initiative internationale qui a abouti cette année à l’allègement de leurs dettes auprès de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de la Banque africaine de développement (Bad).
 
« Il ne faut pas se faire d’illusion, même si on annule la totalité de sa dette, il faudra des ressources additionnelles pour financer son développement » ! Cette confession est de Ali Lamine Zeine, le ministre des Finances du Niger, en marge des assemblées annuelles des deux institutions financières de Brettons Wood à Singapour.
Le Nigérien est président du groupe des ministres de l’Economie et des Finances des pays pauvres très endettés, essentiellement africains, bénéficiaires de l’initiative PPTE. Les deux institutions multinationales, ainsi que la Banque africaine de développement, ont accepté d’effacer près de 50 milliards de dollars de dette d’une quarantaine de pays pauvres très endettés en 2005. Mais, les pays bénéficiaires, dont le Mali, se sont vu imposer des conditions strictes sur la manière dont ils peuvent dépenser les fonds ainsi dégagés. Une rigueur néanmoins comprise par la société civile qui craint que les fonds PPTE ne servent à renflouer les comptes à l’étranger d’une poignée de dignitaires au lieu d’être investis dans le développement social. Cette crainte est d’autant fondée que les scandales, à l’image de celui qui vient d’éclater au grand jour au Niger, sont courants au niveau des projets d’éducation et de santé sur le continent
N’empêche que, dans leur bilan du résultat d’une année d’allègement, les ministres ont relevé plusieurs lacunes : les ressources supplémentaires promises pour favoriser le développement n’arrivent pas et les critères pour obtenir des allègements supplémentaires sont jugés « trop sévères ». Pour le ministre ghanéen des Finances, Kwadwo Baah Wirendu, « si vous voulez vraiment réduire le cycle de pauvreté, il faut trouver de l’argent pour l’électricité, les infrastructures, les écoles… Vous devez donc à nouveau emprunter », a expliqué le ministre des finances du Ghana. Ce qui confine l’endettement dans son statut de cercle vicieux duquel les pays pauvres sont loin de s’affranchir.
Il a précisé que même si son pays avait obtenu un allègement total de 4 milliards de dollars des trois institutions financières multilatérales, pour la Banque mondiale l’allègement s’étend sur 40 ans ce qui pour 2006 ne se traduit que par une économie de 28 millions de dollars. Et presque tous les pays bénéficiaires de l’initiative PPTE sont dans ce cas de figure.
Les ministres ont également critiqué la décision de la Banque mondiale de fixer la date-butoir pour l’éligibilité à l’allègement à décembre 2003 alors que l’initiative n’entrait en vigueur que le 1er juillet 2006. Toute la dette accumulée entre ces deux dates n’entre ainsi pas en compte dans cet allègement. Ils ont aussi déploré que la Banque interaméricaine de développement n’ait toujours pas formellement décidé de se joindre à l’initiative.
Autre grief cité, la multiplication des offres des « marchands d’illusions », selon les termes du ministre du Niger. Il faisait certainement allusion aux créanciers privés qui proposent des prêts à la suite de l’allègement de la dette multilatérale. « Mais, grâce à la vigilance des autorités au Niger, nous avons évité soigneusement d’y recourir », a-t-il assuré. Ce n’est pas forcement le cas de beaucoup d’autres Etats. Enfin, les ministres ont souligné la vulnérabilité de leurs économies toujours fragiles face aux chocs extérieurs, comme la flambée des prix du pétrole et la chute des cours de certaines matières premières comme le coton.
Mais, là aussi, les pays africains connaissent des fortunes diverses. Grâce à la flambée des cours du baril sur le marché international, des pays comme le Nigeria, le Congo, le Tchad, l’Angola, le Gabon… voient leurs Trésors publics renflouer leurs caisses. Au même moment, le gouvernement doit renoncer à près de 25 milliards de F CFA de recettes fiscales pour maintenir le prix à la pompe à un niveau supportable pour la bourse des Maliens.

Moussa Bolly

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