Les manques à gagner sont estimés à des centaines de milliards et des pertes sèches à plusieurs dizaines de milliards de FCFA. Néanmoins, l’Entreprise étant le socle de l’économie, elle doit être soutenue même en temps de crise. Comme pour dire qu’elle doit mériter toutes les attentions lors de la transition. C’est ce que laisse entrevoir la Feuille de route de la transition approuvée par l’Assemblée nationale.
Le gouvernement du Mali a scellé une sorte de pacte sacré avec le secteur privé, à travers le Conseil national du Patronat du Mali, pour gérer la sortie de crise et la reconstruction économiques. Une initiative renforcée par l’Assemblée nationale qui a demandé que le même Patronat soit le partenaire de l’Etat dans l’exécution de la Feuille de route de la transition, notamment en ce qui concerne la réhabilitation de l’économie nationale.
Poumon de l’économie nationale, le secteur privé contribue en moyenne à 93% dans la formation du Produit intérieur brut du Mali, les 7 % restants sont en fait des taxes indirectes. En termes d’emplois, le secteur privé occupe les 2/3 des effectifs salariés et créée 8 sur 10 nouveaux emplois dans le pays. Il a donc droit à toutes les attentions de la part des pouvoirs publics pour relever les défis du développement.
Dès les premières heures de la crise sécuritaire et institutionnelle, les groupements professionnels du pays, à travers le Conseil national du Patronat du Mali, ont interpellé le gouvernement sur la situation des entreprises confrontées à des difficultés inhérentes aux contraintes imposées par le nouvel environnement des affaires. Les entreprises membres du Conseil National du Patronat du Mali représentent plus de 56 % de la valeur ajoutée totale et donc du PIB du Mali. Elles constituent la majorité des entreprises du secteur formel de l’économie malienne et en plus le Cnpm fédère les groupements professionnels de toutes les filières d’activité du pays. Raison pour laquelle, le Patronat, à travers ses différentes composantes, a une vision transversale de l’entreprise malienne. Ce qui lui a permis après analyse des préoccupations recueillies au niveau des acteurs économiques, de transmettre au Premier ministre d’alors, Cheick Modibo Diarra, un document relatif aux préoccupations des entreprises, avec les solutions préconisées.
Après en avoir discuté en Conseil des ministres, le gouvernement a consigné ses réponses dans un document envoyé à l’organisation patronale, pour faire preuve de sa bonne foi quant à sa disponibilité à travailler de concert avec le Cnpm pour trouver des solutions de sortie de crise et surtout de relance de la croissance économique dans le cadre de la reconstruction de l’économie malienne.
Ensuite, le ministre de l’Industrie et du commerce, Abdel Kader Konaté, s’est déplacé récemment pour se rendre dans le siège de l’organisation patronale, à l’Aci, pour y rencontrer le secteur privé afin de l’informer de l’engagement des autorités publiques à écouter davantage les acteurs économiques et à les impliquer dans la recherche des voies et moyens pour construire le Mali de demain. Cette rencontre, qui s’est déroulée dan une bonne atmosphère de respect réciproque et surtout de compréhension, a sonné comme le scellement d’un nouveau pacte sacré entre le Gouvernement et le Conseil national du patronat du Mali qui, malgré la crise, a continué de bénéficier de la confiance des partenaires techniques et financiers du monde entier.
Il faut reconnaître que les événements de l’année 2012 ont porté un coup dur à toutes les activités du pays en général et au secteur privé en particulier, brisant l’élan de la croissance économique déjà placée sur orbite. En effet, de juin 2009 à octobre 2011, 10 830 nouvelles entreprises ont été créées au Mali, selon l’Agence pour la Promotion des Investissements au Mali (Api), dans son rapport annuel 2011. Selon le même document, le portefeuille des projets d’investissement est passé de 34 à 71 entre 2010 et 2011, attestant du net progrès enregistré dans l’amélioration du climat des affaires. A ce chapitre d’ailleurs, juste avant la rupture de l’ordre constitutionnel, le Mali était classé premier de l’Union Economique et monétaire ouest africaine (Uemoa) pour l’année 2011.
Mais même si la crise a bon dos, la reconstruction de certains pans de l’économie s’imposait bien avant même cette parenthèse malheureuse de l’histoire du Mali.
En effet, le tissu industriel était fragile (16,9% du PIB en moyenne) et le secteur agricole n’était pas suffisamment productif (38,5% du PIB en moyenne) du fait d’une faible mécanisation. Quant au secteur des services (avec 37,6% du PIB en moyenne), bien que diversifié, il renferme la majorité des acteurs du secteur informel et ce dans le commerce essentiellement.
Rappelons que le secteur industriel comptait 425 unités industrielles dont 53% évoluaient dans l’agro-industrie et contribuaient pour moins de 5% au PIB contre 7,8% en 2002. Pour un secteur devant être l’un des plus grands pourvoyeurs d’emplois, il utilisait seulement quelque 6 400 agents contre 7 800 en 2002. Une situation qui avait amené l’Organisation patronale des industriels (Opi), lors de la Journée de l’industrialisation en Afrique, à la fin de l’année 2011, à présenter au gouvernement par la voix de son président, Cyrill Achcar, un plan de sauvetage de l’industrie malienne qui, après correctifs pour s’adapter à la nouvelle donne, pourrait servir de boussole à la relance des activités du secteur industriel.
A ce niveau, comme dans beaucoup d’autres filières d’activités, le Mali subissait de plein fouet les contre coups de la mondialisation et surtout, de façon plus directe, les effets de la construction des espaces communautaires au sein desquels les pays de l’Hinterland, comme le nôtre, ne sont pas parfois aussi favorisés que ceux côtiers.
Rappelons que, le 8 octobre 2011, la Fédération nationale des consultants du Mali (Fenacom), lors d’une matinée de réflexion, dans la Salle de conférence Moussa Mary Balla Coulibaly du CNPM, déplorait que l’on ne faisait pas suffisamment appel aux consultants nationaux, alors que le Mali regorge de talents et d’expertise dans ce domaine et à tous les niveaux.
Depuis lors, les choses sont allées de mal en pis. Comme dirait l’autre, les entreprises sont tombées de charybde en scylla.
Le secteur de l’hôtellerie et du tourisme a vraiment besoin d’un coup de neuf dans sa quasi-totalité, surtout au nord du Mali où les terroristes ont tout saccagé. En installant le pays dans une zone d’insécurité, ils ont fait fuir les touristes et autres visiteurs qui alimentaient ce secteur d’activités qui étrenne aujourd’hui les pires problèmes des opérateurs économiques du Mali.
A côté des hôtels, les entreprises des Btp sont aussi les plus touchées par la crise. On dit souvent que lorsque le secteur du bâtiment va, tout va bien. Il s’agit donc, actuellement, de prendre cette maxime en sens inverse car la filière Btp a été la première victime de l’occupation du Septentrion par les narco djihadistes et les apatrides du Mnla. Leurs chantiers, bureaux et magasins ont été saccagés ou pillés et les matériels roulants enlevés.
Au niveau du secteur minier, la délivrance anarchique de permis d’exploitation, les conflits entre orpailleurs et le secteur industriel minier, les questions foncières et les relations avec les collectivités locales, sont autant d’écueils à surmonter, entre autres difficultés sur lesquelles nous reviendrons certainement.
C’est pourquoi, une chose est de proclamer la ferme volonté de la reconstruction économique, mais poser des actes concrets en ce sens en est une autre, puisque constituant un pas souvent difficile à franchir de la part des autorités publiques.
C’est pourquoi, pour être bien entendu par le gouvernement et peser de tout son poids, le secteur privé doit éviter, une fois le nord du pays libéré, d’entamer la phase dite de reconstruction du pays en ordre dispersé. En d’autres termes, la concertation déjà mise sur orbite entre le Patronat (qui travaille en bonne intelligence avec les chambres consulaires) et l’Etat doit être renforcée.
Amadou Bamba NIANG