Le passage de la ministre des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, la semaine dernière, devant les députés, aura consacré une exception à la règle ayant jusque-là consisté à maintenir aux antipodes l’opposition et la majorité présidentielle. Venue pour décrocher illico presto le version rectifiée de la loi de finances 2014, la locatrice de l’Hôtel des Finances est retournée bredouille. Elle n’est repartie de l’hémicycle qu’avec des grincements de dents et le désarroi de n’avoir pu bénéficier d’un soutien à l’aveuglette du camp présidentiel.
Le budget revu et corrigé de l’exercice 2014 a été préparé et programmé à la délibération de la présentation nationale lors de sa plénière du jeudi dernier. Mais elle ne le sera probablement qu’aujourd’hui, à la faveur d’une plénière improvisée pour la circonstance par une conférence des présidents extraordinaire diligentée, vendredi après-midi, pour sauver les meubles de la ministre. Mme Bouaré Fily Sissoko ne peut pourtant s’en prendre qu’à elle-même d’avoir essuyé une raclée de la part de l’opposition, déconvenue à laquelle la majorité a participé par bienséance.
En effet, au moment de présenter la loi à la délibération, l’opposition, par le biais du député élu à Ansongo, Abdoul Malik Diallo, a soulevé une réserve de taille à tous points de vue. Il se trouve que le budget rectificatif était dépourvu de l’annexe descriptive chiffrée des modifications apportées à la loi initiale, un additif devant venir en appui à la sincérité des prévisions budgétaires. Le député de l’opposition a soutenu par ailleurs que le document a même été l’objet de réclamation à plusieurs reprises, tout au long de la procédure législative.
Pour toute réponse à cette remarque gênante, la représentante du Gouvernement s’est contentée de révéler que l’annexe du Budget 2014 corrigé était bel et bien individuellement parvenue au député, à sa demande par les soins, de ses services du département. Vrai ou faux, cette explication n’a manifestement convaincu ni l’opposition ni la majorité. Tous ont partagé pour une rare fois l’avis que la représentation nationale mérite pour le moins le respect de recevoir l’annexe de la loi de finances rectificative par les voies officielles.
Pendant qu’il était au centre des échanges houleux entre le gouvernement et l’hémicycle, le précieux sésame, qui était visiblement parvenu à l’administration parlementaire hors des délais acceptables, était pourtant en train d’être distribué dans la salle. Trop tard pour éviter une décision unanime des députés de renvoyer la délibération sur le Collectif budgétaire à une date ultérieure.
La ministre a beau défendre l’urgence de son vote par l’intérêt des partenaires financiers internationaux,, les élus, toutes tendances confondues, n’accéderont pas à sa demande. Essuyant ainsi un refus embarrassant de la part de la majorité – dont elle espérait sans doute une attitude de godillot -, la locatrice de l’Hôtel des finances n’a pu se retenir d’exprimer bruyamment son regret auprès du président de l’Assemblée nationale. Lequel n’a eu que le regret de reconnaitre tacitement que le gouvernement a failli à son devoir d’être moins léger dans ses rapports avec l’institution législative.
Tendances
haussières
La ministre aura droit toutefois à un rapide examen de rattrapage, en vertu notamment de la décision de la conférence des présidents de l’AN de recourir de toute urgence à une autre plénière cet après-midi. Elle sera naturellement dédiée à la Loi de finances qui, si elle est votée, va consacrer la hausse de quasi-totalité des compartiments budgétaires. Les recettes passent de 1516, 116 milliards à 1 660, 087 milliards, soit une augmentation 141,971 milliards imputables non pas aux services d’assiettes mais aux contributions extérieures au Budget Spécial d’Investissements. Le même facteur est à l’origine en parti de la hausse des dépenses qui s’élèvent désormais à 1806,564 milliards dans le Budget rectifié au lieu de 1559, 440 milliards dans le budget initial, soit un écart prévisionnel de 15,85%. Parmi les autres facteurs explicatifs de la hausse figurent par ailleurs la prise en compte de certaines inscriptions comme le relèvement de la masse salariale imputable au protocole signé avec les syndicats de l’enseignement supérieur, la subvention du coût de l’énergie, le paiement de la dette intérieure, etc. Au nombre des inscriptions budgétaires figure évidemment les dépenses relatives à l’achat de l’avion présidentiel que le Premier ministre avait promis de régulariser par un Collectif budgétaire.
A. KEITA