Le Conseil d’administration du FMI vient de conclure la sixième revue de l’accord FEC en faveur du Mali et approuver une augmentation de 40 millions de dollars EU (environ 20 milliards F CFA) et un décaissement de 33,7 millions de dollars EU (16,8 milliards F CFA). Occasion pour l’organisation monétaire d’émettre d’importantes remarques et conditionnalités à l’attention de son interlocuteur, à savoir l’Etat malien.
Le code des impôts
Nonobstant les progrès accomplis dans la GFP et l’administration fiscale, beaucoup reste à faire pour améliorer la mobilisation des recettes intérieures, la gestion de la trésorerie, la transparence budgétaire et la surveillance.
Les autorités doivent simplifier le code des impôts et moderniser les administrations fiscale et douanière afin de mobiliser davantage de recettes et de renforcer le climat des affaires. Elles doivent également réduire le nombre excessif de comptes ouverts dans des banques commerciales, appliquer les directives de l’UEMOA pour améliorer la transparence budgétaire et renforcer la surveillance afin de corriger les déficiences du recouvrement des recettes et de l’exécution du budget, telles que les a faites ressortir le Vérificateur général.
Impact des crises en Côte d’Ivoire et en Libye et de la hausse des cours des produits pétroliers et alimentaires
En ce début d’année 2011, l’économie malienne est soumise à la conjonction de plusieurs chocs extérieurs : la crise économique et politique en Côte d’Ivoire depuis la fin de l’année 2010, la guerre en Libye, et le renchérissement des produits alimentaires et du pétrole sur les marchés internationaux.
Sous l’hypothèse d’un retour à la normale de la situation économique en Côte d’Ivoire à partir du second semestre, la crise dans ce pays exercerait ses effets négatifs sur l’économie malienne pendant environ six mois à travers les canaux de transmission suivants :
une augmentation des frais de transport de 5 pour cent correspondant à environ 8 milliards de FCFA (0,2 pour cent du PIB) en raison du détournement des exportations et des importations vers des ports plus éloignés (environ 12 pour cent des importations et 1 pourcent des exportations du Mali ont transité par la Côte d’Ivoire en 2010);
une chute des exportations de bétail évaluée à 5 milliards de FCFA (0,1 pour cent de PIB);
une baisse des revenus rapatriés par les Maliens installés en Côte d’Ivoire estimée à 10 milliards de FCFA (0,2 pour cent de PIB);
une exposition du système bancaire malien à la Côte d’Ivoire (près de 100 milliards de FCFA, 2 pour cent du PIB, comparable à 60 pour cent des fonds propres du secteur bancaire) essentiellement sous la forme de bons du trésor et d’obligations émis par l’Etat ivoirien, mais également sous la forme de crédit à des entreprises ivoiriennes (à concurrence 23 milliards de FCFA ; 0,4 pour cent de PIB).
La crise en Libye fait peser des interrogations sur la poursuite d’investissements directs étrangers (IDE) dans le domaine hôtelier et agricole à concurrence de 16 milliards de FCFA (0,3 pour cent du PIB) environ en 2011. Elle nécessite le suivi attentif de la situation financière des deux banques de la place à capitaux libyens dont la taille cumulée du bilan s’élève à environ 3 pour cent de celui de l’ensemble du système bancaire.
En plus, l’économie malienne est confrontée à la hausse attendue des prix du pétrole de l’ordre de 30 pourcent par rapport à 2010 et de celle des produits alimentaires de l’ordre de 20 pour cent. La forte production agricole enregistrée en 2010 laisse augurer une bonne résistance au choc sur les produits alimentaires. En revanche l’absence d’ajustement des prix des produits pétroliers à la pompe et des prix de l’électricité pourrait engendrer une détérioration importante de la situation des finances publiques par le biais d’une perte de recettes fiscales sur les produits pétrolières de l’ordre de 30 milliards de FCFA (0,6 pour cent du PIB,) et une augmentation des transferts à la société d’électricité du Mali de l’ordre de 20 milliards de FCFA (0,4 pour cent du PIB).
Politique et réformes budgétaires – Politique budgétaire
Pour faire face à ces chocs et pour couvrir des besoins pour lesquels des ressources ne sont pas prévues dans la Loi de finances pour 2011 approuvée par l’Assemblée nationale, le gouvernement prépare un projet de Loi de finances rectificative qui vise un solde de base sous-jacent de 73,5 milliards de FCFA (1,4 pour cent du PIB), soit un niveau très proche de celui de la Loi de finances initiale.
Le gouvernement soumettra ce projet de Loi de finances rectificative à l’Assemblée Nationale avant le 30 juin 2011. Bien que visant un solde budgétaire de base sous-jacent proche de la Loi de finances initiale, le projet de Loi de finances rectificative reflètera d’importants changements de politique et des ajustements par rapport à celle-ci.
Administrations fiscale et douanière
En 2011, une priorité sera accordée à la mise en œuvre de réformes pour améliorer de manière durable le fonctionnement de la TVA, sur laquelle environ 40 pour cent des recettes fiscales sont assises. A cette fin, les mesures suivantes sont mises en œuvre:
– Un compte du Trésor a été ouvert à la BCEAO le 18 janvier 2011 pour recevoir, d’une part, l’intégralité des recettes de TVA payées par les sociétés minières sur leurs importations, et d’autre part, 10 pour cent des recettes de TVA intérieures.
L’utilisation de ce compte est réservée au remboursement des crédits de TVA. Cette pratique permettra d’assurer un remboursement effectif et régulier des crédits de TVA dus aux sociétés minières sur leurs importations et à toutes les autres entreprises, dont les montants sont projetés en 2011 à 21 milliards de FCFA et 12 milliards de FCFA respectivement. L’alimentation mensuelle de ce compte par la DGI et la DGD n’a pas encore démarré en raison du temps qui a été nécessaire pour mettre au point les procédures de son fonctionnement, en conformité avec les procédures budgétaires mais démarrera très bientôt.
La DGI a procédé à une évaluation des crédits de TVA accumulés au 31 décembre 2010 qui restent à rembourser par l’Etat : ceux-ci s’élèvent à 31,4 milliards de FCFA.
Ces résultats seront validés par toutes les parties concernées et serviront à déterminer l’horizon et les autres modalités d’un apurement des arriérés en question. Dans le projet de Loi de finances rectificative pour 2011, le gouvernement a inscrit 10 milliards de FCFA.
Le 31 mai 2011, il sera mis fin, au régime de taxation des importations au taux réduit de 6 pour cent sans droit à remboursement de crédit de TVA auquel sont assujettis deux sociétés aurifères, ainsi qu’au régime d’exonération de la TVA appliqué à leurs sous-traitants. Ainsi, toutes les sociétés aurifères et leurs sous-traitants sont soumis au régime normal de la TVA au taux unique de 18 pour cent à partir du 1er juin.
Au plus tard le 30 septembre 2011, le seuil d’assujettissement sera relevé de 30 à 50 millions de FCFA pour simplifier la collecte de la TVA.
Au plus tard le 30 septembre 2011, le système de la retenue à la source de la TVA sera supprimé, sauf pour le Trésor, pour lequel cette suppression interviendra de façon progressive avant le 31 décembre 2011.
Au plus tard, à l’occasion de l’introduction du projet de Loi de finances pour 2012 à l’Assemblée nationale, le gouvernement proposera des amendements à la législation de la TVA en vue de l’aligner avec la Directive UEMOA en la matière.
La DGI et la DGD poursuivront leurs efforts d’amélioration de l’administration fiscale et douanière, avec l’assistance technique du FMI. La DGI modernisera l’administration des contribuables gérées par la Direction des grandes entreprises (DGE) en mettant en œuvre un système de déclaration en ligne, en encourageant les grandes entreprises à payer leurs impôts par virement bancaire, avec comme objectif l’obtention de la certification ISO pour la DGE. La DGI continuera à accorder une attention particulière au fonctionnement de la nouvelle Direction des Moyennes Entreprises (DME) qui prendra des dispositions pour la relance systématique des contribuables ne respectant pas leurs obligations déclaratives. La DGI attachera une attention particulière à l’amélioration des locaux et au renforcement du personnel de la DME. De même, la DGD introduira une sélectivité automatique des contrôles douaniers dès le début 2012. Pour ce faire, la DGD a mis en place une Cellule technique de gestion des risques qui accomplira en 2011 les travaux préparatoires nécessaires à cet effet. Une mobilisation accrue des ressources fiscales nécessitera également une modernisation de la Direction Nationale des Domaines et du Cadastre (DNDC), créée en 2002, ainsi qu’un renforcement de ses capacités. En 2011, la DNDC mènera une étude pour déterminer le potentiel en recettes domaniales et améliorer le recouvrement des dites recettes, et une étude en vue d’élaborer et mettre en application un schéma d’informatisation. Elle poursuivra les activités de mise en place du cadastre et mettra en place un système d’archivage sécurisé.
La nouvelle application comptable intégrée du Trésor et son interface avec les applications de la DGD (SYDONIA) et de la DGI (SIGTAS) seront mis en service à la Recette générale (RGD) du District de Bamako en janvier 2012.
Contrôle interne et externe
Les structures de contrôle interne et externe ont relevé de nombreuses faiblesses administratives dans la gestion des finances publiques au Mali. Au plan interne, le Contrôle
Général des Services Publics a notamment mis l’accent sur l’insuffisance de manuels de procédure et de leur utilisation dans l’administration. De même, au plan externe, le Bureau du Vérificateur général a attiré l’attention sur d’importants montants en instance de recouvrement pour le Trésor public. En vue de corriger ces faiblesses, le gouvernement prépare une stratégie nationale de contrôle interne couvrant la période 2011-15, avec l’appui de plusieurs de ses partenaires techniques et financiers.
La BHM
En 2011, le gouvernement mettra en priorité les mesures suivantes :
La restructuration de la BHM : la mise en œuvre du plan de restructuration adopté le 30 décembre 2009 vise le désengagement de l’État du capital de la banque en 2012.
Avec l’appui de la Banque mondiale, le gouvernement a lancé un appel d’offre en vue du recrutement d’un conseil composé d’une banque d’affaires et d’un cabinet d’avocat pour mener la privatisation à bien. D’ici là, le Ministère de l’économie et des finances et la BCEAO suivent étroitement les opérations de la BHM afin que les moyens mis à sa disposition par l’Etat via la recapitalisation (à concurrence de 11,4 milliards de FCFA en 2010) et la domiciliation à la BHM des fonds du budget national destiné au financement des logements sociaux (à concurrence de 7 milliards de FCFA en 2011) conduisent à des prêts productifs.
CMDT : Réforme du secteur du coton
Le gouvernement entend mener à bien la privatisation de la Compagnie malienne des textiles (CMDT). A l’issue d’un appel d’offres, six investisseurs potentiels se sont manifestés, trois ont remis une offre, et un investisseur a été retenu pour reprendre deux des quatre filiales régionales de la CMDT. Le gouvernement entend lancer un nouvel appel d’offres pour les deux filiales qui n’ont pas encore trouvé acquéreur. Le gouvernement veillera à ce que cette opération de privatisation se passe dans les meilleures conditions afin d’assurer la pérennité économique et financière du secteur coton.
EDM : Réforme du secteur de l’électricité
Le gouvernement entend honorer ses engagements à l’égard de la société nationale de production d’électricité Energie du Mali (EDM). Depuis le début des années 2000, l’Etat met en œuvre une politique de tarification de l’électricité qui prévoit la possibilité d’ajuster les prix de l’électricité à l’évolution des coûts opérationnels de la société ou de s’y soustraire pour des considérations économiques et sociales moyennant le paiement d’une subvention permettant à EDM de remplir les objectifs qui lui sont assignés. En application de cette politique, l’Etat n’a opéré que deux ajustements tarifaires depuis 2003, une baisse de 10 pour cent en 2003 et une hausse de 4 pour cent en 2009, alors que les prix internationaux des produits pétroliers ont environ doublé depuis 2004.
Cette politique a contribué à enregistrer des pertes au niveau d’EDM estimées à 13,9 milliards de FCFA en 2010.
En application de sa politique de tarification des prix de l’électricité, le gouvernement a inscrit dans le projet de Loi de finances rectificative pour 2011 un crédit de 20 milliards de FCFA en vue d’améliorer la situation financière d’EDM. Ce crédit est nécessité en partie par sa décision de ne pas ajuster les prix de l’électricité en 2010 et au cours du premier semestre
2011. Ce montant sera revu en septembre à la lumière de la situation financière d’EDM et à l’aide du mécanisme d’indexation tarifaire des services publics de l’électricité de la Commission de Régulation de l’Electricité et de l’Eau (CREE) qui sera finalisé avec l’appui de la Banque mondiale. Le gouvernement s’engage à appliquer ce mécanisme à partir du second semestre 2011 pour ajuster les tarifs ou déterminer, si nécessaire, les transferts budgétaires pour renforcer la situation financière d’EDM. Dans l’intervalle, le gouvernement continuera à payer régulièrement les factures d’électricité, et à mettre en œuvre sa stratégie de développement du secteur en coopération avec la Banque mondiale.
Une synthèse de B.S. Diarra