Pour avoir accordé, par simple arrêté ministériel, un crédit de TVA aux sociétés minières évoluant au Mali alors qu’il fallait une loi en la matière, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Abou-Bakar Traoré, aujourd’hui ministre des Mines dans le gouvernement Modibo Sidibé, est désormais dans la ligne de mire de la Commission des finances, de l’Economie, du Plan et de la Promotion du secteur privé.
Les membres de ladite Commission, une vingtaine de députés qui étaient en tournée au sein de l’administration des douanes la semaine dernière, ont décelé avec stupéfaction un empiétement inacceptable de l’exécutif dans le domaine du législatif. Ils ont, en effet, constaté que l’arrangement convenu avec les sociétés minières dans le cadre du remboursement des 80 milliards de F Cfa résultant des crédits de TVA a été fait sur des bases illégales.
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Abou-Bakar Traoré, dans le souci de mettre fin au système de cumul de TVA sans fin, a pris un texte pour réduire le taux de la TVA de 18 % à 6 %.
Faut-il rappeler que le secteur minier contribue bon an, mal an à hauteur d’une centaine de milliards de F Cfa dans l’économie malienne. Mais le hic est que le système de mise en œuvre de la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas fonctionnel pour les miniers parce que tout simplement il n’y a pas de taxation TVA sur l’or. Les activités travaillées étant prévues dans le champ normal de gestion de la TVA, les miniers bénéficient donc toujours de crédit de TVA. C’est ce système de cumul de TVA non payé qui se chiffre aujourd’hui à 80 milliards de F Cfa. L’Etat malien n’ayant pas la capacité de rembourser ladite somme, les sociétés minières refusaient systématiquement de s’acquitter des droits et taxes encore moins des impôts. C’est face à cette situation que l’ancien ministre de l’Economie et des Finances a proposé aux sociétés minières la solution de la réduction du taux de la TVA de 18 % à 6 %. En clair, une renonciation des droits et taxes qui a causé à l’administration des douanes un gap de 14 milliards de F Cfa en 12 mois.
Le bureau spécialisé des douanes de Sadiola qui réalisait d’habitude un milliard deux cent millions (1 200 000 000 de F Cfa) tourne aujourd’hui entre 350 et 500 millions de F Cfa soit 700 millions de F Cfa de perte par mois, c’est-à-dire moins de recettes que le bureau de Diboli.
Interpellé sur la question lors de la séance de restitution avec les députés de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le Directeur général des douanes du Mali, le Colonel Amadou Togola, fera savoir que «la douane a dit en son temps que cette réduction est illégale et cause des pertes de recettes». A en croire le chef du bureau des produits pétroliers, l’Inspecteur des douanes Zoumana Mory Coulibaly, sa structure est la seule de la direction générale des douanes qui réalise mensuellement plus d’un milliard de F Cfa pour l’entretien des routes au profit de l’autorité routière. Ce qui grève les recettes au profit du trésor quand on sait que les exonérations accordées à l’EDM et aux Sociétés minières sont d’environ 43 milliards de F Cfa par an. Selon lui, dédouaner les mines à 100 % alors que l’Etat n’a que 20 % sur la vente de l’or dont le coût est très élevé aujourd’hui est incompréhensible. Il plaide pour la suppression des exonérations au Mali. Pourquoi on fait de l’illégal alors qu’on peut faire du légal ? s’interroge ce député, membre de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Selon lui, les sociétés minières sont des personnes morales qui sont venues chercher de l’argent chez nous au Mali. Pourquoi faire du bricolage alors ? martela t-il. Tout en en affirmant que par un jeu d’écriture, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Abou-Bakar Traoré, a pris 700 millions de F Cfa à la douane, notre député menace d’interpeller très prochainement le gouvernement sur la question.
Quant au président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, l’honorable Ouali Diawara, il pense que le ministre a voulu tout simplement couper la poire en deux. Cette position affichée par un élu de l’ADP prouve en tout cas que quelque chose est en train de bouger au niveau de l’hémicycle. Si dans le montage financier de «l’Initiative Riz», les députés ont fermé les yeux sur les violations répétés dans la loi de finances rectificative en ignorant superbement les élus de la nation, ces derniers ne sont plus prêts à se laisser marcher sur les pieds.
Birama Fall