« C’est le secteur privé qui doit assurer la croissance économique, et c’est le même secteur qui crée l’emploi ». Voilà un refrain dont on a l’habitude dans les discours officiels. Mais derrière cette « volonté politique » de faire du secteur privé la locomotive de notre économie se cache des pratiques qui le ruinent.
Blo a fini par jeter l’éponge et prendre la clé des champs abandonnant à leur sort femmes et enfants. Recalé de l’école nationale des ingénieurs de Bamako, notre Blo est finalement devenu un tâcheron suite aux avantages accordés aux jeunes diplômés sans emploi au sortir de la révolution de 1991.Progressivement il a pu se tailler une petite entreprise de BTP et tout semblait baigner dans l’huile jusqu’à ce jour où il a eu le malheur de rencontrer ce directeur haut placé .En effet il fut invité à soumissionner pour un gros marché avec assurance de le remporter. Effectivement il sera choisi sans problème à la condition de penser au chef et aux autres. A la notification du marché on le dépouilla de 10% du montant total, une pratique qui semble être acceptée par tous. Avant le payement de l’avance des travaux, il fut soumis à une pression de la part des agents qui ont été impliqués dans le traitement du dossier et chacun réclame sa part. Certains vont jusqu’à le faire chanter. Notre Blo se débrouillera tant bien que mal à satisfaire ces sangsues de notre administration. Pour ce faire le pauvre entrepreneur aura recours à un prêt bancaire. Et le voilà nez en nez avec le circuit financier. Là aussi, il lui faudra « pisser » gros car de la vérification à la liquidation de la facture il faut intéresser au moins cinq agents sans oublier la réception.
Le pauvre était prêt à tout cela à la condition qu’on se hâte pour qu’il honore dans les délais les engagements avec sa banque. Mais par malheur les choses se compliquent avec l’arrivée d’une mission de contrôle.
N’ayant pas les moyens de « séduire » le chef de mission, il fut rattrapé par les entorses qu’il a causées dans l’exécution du chantier afin de combler le gap créée par les sangsues. Tenaillé par les pénalités de la banque et les créances des fournisseurs notre entrepreneur a choisi la voie la plus simple : s’exiler.
Ainsi fut enterré son entreprise qui au départ était source d’espoir et de revenu pour beaucoup. Au Mali son cas n’est pas singulier et des semblables ont pignon sur rue.
Pissez ou dégagez
Vous devrez avoir de la patience dès lors que vous vous lancez dans la création d’une entreprise. Le premier problème à affronter est celui de l’information qui se trouve distillée entre des structures. Il vous faudra faire le tour de toutes ces structures et en faisant souvent des « gestes » pour avoir satisfaction. Une fois que vous avez votre agrément, le plus dure reste à venir : L’accès aux marchés. Ici, la compétence ne signifie pas grande chose. Vos concurrents sont dans leur écrasante majorité des écrans ou des sociétés où sont actionnaires ceux-là qui attribuent le marché ou sont membres de la commission de sélection des offres. Comme on le dit les dés sont pipés généralement. Dans ces conditions, vous chercherez mieux à entrer dans le système. « Ici tout se paye ; on pisse ou on dégage car vous n’êtes pas le seul… » tranche un de nos interlocuteurs avant de se vautrer dans son fauteuil .Si vous n’avez pas financé la campagne du premier responsable, vous pouvez recourir à des prestataires spécialisés .Disposant de carnet d’adresses assez fourni, ces messieurs sont en mesure d’arranger pour vous un rendez-vous juteux dans les salons feutrés chez le deuxième bureau du chef ou au bar de MX. Si vous n’avez pas la poigne nécessaire à affronter le boss, le même prestataire peut devenir votre fondé de pouvoir. Dès que vous avez l’accord du grand Chef, vous devrez chercher à connaître les techniciens chargés du dossier. Cela est important car ils peuvent aller jusqu’à te faire réécrire ton offre en cas de compétition serrée.
A la notification n’oublie pas de songer aux éléments clés du service financier y compris la secrétaire à fin d’accélérer le règlement de la première facture. Et si par malheur vous devrez emprunter le circuit Etatique, il vous faudra apprendre à être gentil avec tout ce monde de la vérification jusqu’au paiement. Evitez de les braquer car ces gens agissent en réseau avec lequel on est condamné à travailler.
Vous avez décroché le marché mais en réalité vous l’avez fait au profit de cette bande de saprophytes. Il ne vous reste plus qu’à apprendre à tricher durant toute la phase d’exécution. Une fois que vous avez réglé le contrôle, vous pouvez réaliser des économies sur la qualité et la quantité des intrants ; le nombre homme/jour du travail, le dimensionnement des ouvrages, la rémunération du personnel etc.
Au besoin, vous pouvez utiliser du fer6 à la place du fer12.Pour une épaisseur de 15cm vous pouvez vous contenter de 10cm.Au lieu de deux couches, une seule suffira par endroit. Pour le mur de clôture vous pouvez vous en passer pourvu qu’il ne s’écroule pas avant ou le jour de l’inauguration sous le vrombissement des gros cylindrés du cortège ministériel.
En procédant ainsi, vous auriez comblé le trou creusé par les pourboires et même réalisé des excédents. En contrepartie vous aurez laissé votre crédit sans compter le risque de vous faire rattraper par la justice.
Malgré tout il faut prendre le risque avec l’espoir qu’on pourrait négocier la justice au cas où. En refusant d’adhérer à la pratique vous aurez sur votre dos la pieuvre qui est prête à vous détruire. Entre deux maux on choisit le moindre.
Pour chercher à vivre on ferra de vous un complice en vous faisant acquitter des factures pour des services que vous n’avez jamais rendus .Dankélé en 6 ans a justifié plus de 800 millions d’entretien et de maintenance informatique soit le prix de revient de plus de 1600 ordinateurs. Il a de la chance car il continue de remuer ciel et terre pour la prolongation de son contrat juteux. Par contre Tièfolo le jeune informaticien croupi aujourd’hui en prison pour avoir justifié l’entretien de trente PC alors que le service commanditaire n’en possédait que huit. Le malheureux est seul face au crime. Son espoir repose sur la providence qui tarde souvent à se mouvoir. Ceux qui l’ont poussé à la faute se la coule douce dans leur salon moelleux. Combien comme lui ont tout perdu à cause de cette machine de prédateurs? Comment le privé dans ces conditions pourrait-il-tenir jusqu’ à générer de l’emploi ?
Fane et MOC
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