Le Nigeria est sous le choc. Une violente déflagration provoquée par la rupture d’un oléoduc qui a pris feu dans un quartier populaire de Lagos, a fait au moins 260 morts et plusieurs dizaines de blessés. Tout serait parti de vandales qui auraient siphonné l’oléoduc et empli des jerricans.
A leur suite, seraient entrés en scène des centaines de personnes qui auraient accouru aussitôt avec toutes sortes de récipients pour tenter de se servir en carburant. Puis survint le drame ! Il faut dire que ce type de vandalisme est fréquent au Nigeria, notamment en cas de pénurie de carburant comme c’est le cas actuellement à Lagos.
Que la capitale économique soit l’objet d’une telle commotion, voilà qui exhale l’irresponsabilité et la négligence de l’autorité centrale. Par égards pour la sécurité des riverains de ces lieux extrêmement sensibles, a-t-elle pris suffisamment de dispositions pour mettre ces populations à l’abri d’un éventuel danger ? Rien n’est moins sûr.
En tout état de cause, la violente explosion aurait pu être évitée, d’autant plus que le Nigeria n’est pas à sa première "tragédie du pétrole". Faut-il, pour autant, crier à la "malédiction du pétrole" ? Il faut se méfier des raccourcis. Tout dépend de la gestion qu’on fait de l’or noir. Malédiction ou mal gouvernance ? En matière de bonne gouvernance, on ne peut pas dire en tout cas que le Nigeria soit un exemple, si l’on s’en tient notamment au scandale qui a marqué le règne du défunt président nigérian, le général Sani Abacha (de 1993 à 1998), qui aurait coûté aux contribuables nigérians 10% des recettes annuelles d’exportation de pétrole brut, soit environ 5 milliards de dollars.
C’est connu, en Afrique noire, la gestion de l’économie pose généralement problème. Dans bien des pays de cette partie du continent, quand la découverte de l’or noir n’a pas sonné le glas de l’orthodoxie financière, elle a créé ou alimenté bien des conflits. Quoi qu’on dise, elle a été source d’ennuis, sans être une fatalité. C’est peut-être là une spécificité de l’Afrique noire. A l’inverse, en Afrique au nord du Sahara et dans les pays du Golf, tout semble avoir été mis en oeuvre pour tirer le maximum de profits de la manne pétrolière. Cela est aussi possible en Afrique au sud du Sahara. A la seule condition que les dirigeants, nouveaux riches en pétrodollars, aient la claire conscience qu’il est attendu d’eux, une responsabilité immense, à la fois sociale, économique et politique.
Les "tragédies du pétrole" ne sont assurément pas une fatalité. Elles apparaissent plutôt comme les reflets crasseux d’une mauvaise répartition des richesses, notamment celles générées par le pétrole. Pour prendre le cas du Nigeria, comment se fait-il qu’un pays classé huitième exportateur mondial de pétrole, et premier producteur du continent africain, soit incapable à ce jour, de faire profiter à ses populations, ne serait-ce que celles riveraines des régions pétrolifères, des dividendes du pétrole ?
Ne voyant pas la couleur des milliards déversés sur le Nigeria, comment s’étonner qu’elles aient l’amer sentiment d’avoir été les oubliés de la prospérité ? L’écrivain nigérian, Ken Saro Wiwa, n’avait-il pas été conduit, en novembre 2005, à la potence pour avoir simplement réclamé haut et fort une meilleure redistribution de la gigantesque manne pétrolière ?
C’est tout le sens du combat mené – pour la même cause – par le Mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND), qui ne cesse de multiplier des attaques armées contre l’industrie pétrolière du Delta du Niger. Tout comme il est aisé d’expliquer pourquoi des employés étrangers des compagnies pétrolières sont fréquemment victimes d’enlèvements.
Pauvreté des populations désespérément dans l’attente d’un avenir qui chante, absence de dédommagements qui devraient pourtant accompagner la dégradation d’un environnement liée à l’extraction du pétrole, etc., sont autant de motifs de frustrations au sein de ces populations que les pays d’Afrique noire producteurs de pétrole devraient travailler davantage à enrayer. Et seule la bonne gouvernance peut y arriver. Loin donc d’être une malédiction, le pétrole africain au sud du Sahara, a plus que jamais besoin de cette vertu démocratique.
Le Pays (Burkina Faso)
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