Le vendredi dernier, Bamako a été paralysée toute la journée par une menace de rupture de stock de carburant au niveau des points de vente et stations-services. Pour cause, les chauffeurs des gros camions à l’appel de leur syndicat, avaient entamé un mouvement de grève sur toute l’étendue du territoire national. Cela a entrainé un mouvement de panique chez les consommateurs qui s’étaient précipités dans les stations-services et les marchés pour constituer des stocks de sécurité. Cette forte demande a provoqué une certaine tension sur les prix des produits, notamment sur le marché noir. Au point que le litre d’essence a coûté par endroit 2000 FCFA. Le mouvement a également perturbé la nomenclature des prix consensuels que le gouvernement avait convenu avec les commerçants en cette période de Ramadan.
Quelle mouche a donc piqué les chauffeurs pour qu’ils prennent le pays par sa gorge de cette façon ? Au stade actuel de nos investigations, nous ignorons encore les motifs de cette brutale montée d’adrénaline. Mais, l’on se rappelle qu’en 2016, la coordination des syndicats des chauffeurs avait fait observer une grève de 72 heures pour diverses raisons, notamment le transport des frets liquides qui pose très souvent de sérieux malentendus entre les chauffeurs et les propriétaires desdites marchandises, qui sont parfois en même temps ceux des camions qui transportent les produits. Les chauffeurs se plaignent des abus qu’ils subissent de la part de leurs employeurs. Au motif qu’au Mali, il n’y a pas un seuil tolérable d’effet d’évaporation dans le transport des hydrocarbures. Or, c’est un secret de polichinelle que les produits liquides sont soumis aux lois de la nature. Ce qu’on appelle le phénomène d’évaporation qui est naturel. C’est-à-dire que sous l’effet conjugué de la chaleur et du vent, les produits liquides s’évaporent dans la nature. Ce qui se traduit par une perte de quantité. Dans certains pays, les transporteurs intègrent ces phénomènes physiques dans leur calcul de coût. Donc un seuil tolérable est fixé. Ce qui n’était pas le cas encore au Mali. L’uns objets de la grève portait justement cette question. Car, les propriétaires se plaignaient de la quantité trop élevée déclarée par les chauffeurs. Ces derniers aussi se plaignent de la mesquinerie de leurs patrons. Qui vont jusqu’à prélever des montants sur leurs salaires en compensation des préjudices financiers causés par ce manque à gagner.
L’autre volet aussi important que le premier, ce sont les mauvaises conditions de travail des chauffeurs. Selon un chauffeur rencontré à la faveur d’un meeting qu’ils avaient organisé à cet effet au siège de leur coordination à Faladiè, très peu d’entre eux perçoivent plus de 75000 FCFA de salaire le mois. La plupart sont payés au maximum à 50000 FCFA pendant qu’ils transportent des marchandises dont la valeur marchande est parfois supérieure ou égale à 100 millions FCFA. Ce qui est aberrant pour eux. Ils se plaignent également du manque de sécurité sociale notamment les cas d’accidents de travail, sans parler de la retraite. Selon notre interlocuteur, la plupart d’entre eux travaillent jusqu’à la mort à moins que par chance, l’un de leurs enfants les prenne en charge. Sinon, ils finissent leur vie dans les pires conditions.
Une grève aux multiples conséquences
La grève est un droit constitutionnel, mais elle a des conséquences fâcheuses sur les activités économiques du pays surtout comme les nôtres qui souffrent depuis 2012 d’une crise multiforme dont le pays se relève timidement. Le ralentissement de l’activité économique et sa concentration sur une seule partie du pays fait que la plupart des services de recettes à part les Douanes peinent à mobiliser des ressources. L’administration fiscale notamment de l’intérieur (la Direction Générale des Impôts) est chaque fois obligée de réajuster ses prévisions de recettes. Or, avec les engagements contractés auprès du FMI et avec les partenaires communautaires (UEMOA et CEDEAO), le Mali est tenu de concentrer ses efforts de mobilisation de ressources sur la fiscalité de l’intérieur dont l’objectif est d’atteindre 7% de l’assiette fiscale à terme. Mais, faute de stabilité politique et économique nécessaire au développement des entreprises pour payer des recettes, le Mali est encore au stade de la fiscalité de porte (l’administration des douanes), dont les objectifs de recettes ne faiblissent pas. Au contraire, ils croissent d’année en année. Cette année Aly Coulibaly et ses collègues devront mobiliser 585 milliards FCFA au 31 décembre 2017. Certes, ils ont déjà franchi un grand pas en mobilisant respectivement 46,3, 46,5 et 51,5 milliards FCFA en janvier, février et mars dernier. Mais en avril, les recettes ont quelque peu été perturbées par les mouvements d’humeur des transporteurs. Ces mouvements de grève ont été déclenchés à la suite de la mise en œuvre d’une directive de l’UEMOA relativeà la charge à l’essieu. Cette mesure communautaire vise à protéger les routes contre les dégradations rapides par défaut de non limitationdes charges des camions. Mais, les transporteurs ainsi que les commerçants maliens sont hostiles à l’application de cette mesure. Les jours de l’arrêt de travail des transporteurs a fortement impacté les recettes des douanes, donnant ainsi de la matière à certains gabelous, hostiles à l’actuelle direction générale, dirigée par l’Inspecteur Général Aly Coulibaly.
Dans leurs diatribes, ils se sont permis de vilipender la direction générale qu’ils accusent de pratique d’anticipation. Celle-ci consiste à percevoir par anticipation les droits des marchandises sans avoir franchi le territoire douanier du Mali. Ce qui peut compromettre dangereusement les recettes futures.Cependant, les auteurs de cette ‘’intox’’ savent que depuis 2015, cette pratique est rayée des méthodes de travail de l’administration douanière. Le directeur général d’alors, Modibo Kane Kéïta, pour rassurer son ministre d’alors, Mamadou Igor Diarra, de l’abandon de cette pratique, lui a adressé une correspondance écrite à cet effet. L’administration étant une continuité, pourquoi Aly Coulibaly et ses collaborateurs continueront-ils avec cette pratique ? Il convient de rappeler que les potentialités ont été suffisamment calculées et maitrisées avant d’arrêter le niveau de recettes à 585 milliards FCFA en 2017. Et les autorités savent également qu’elles peuvent compter sur le leadership actuel. C’est pourquoi, elles font confiance à Aly Coulibaly et ses collaborateurs, notamment son adjoint, l’Inspecteur principal Soungalo Dembélé, le directeur des recettes et de la réglementation, Harouna Diabaté qui n’est pas à sa première expérience à ce poste. Pour ne citer que ces deux sans oublier les nombreux cadres très compétents qui travaillent dans l’ombre pour aider la Direction Générale à atteindre les objectifs de recettes assignés à leur administration.
M. A. Diakité