Au-delà de l’enthousiasme des Maliens sur la signature de nouveaux contrats de production du pétrole malien, des questions sans réponses se posent. En effet, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a présidé, jeudi 14 juillet 2022, une réunion du conseil de cabinet. Au menu des échanges : l’examen de trois (3 ) projets portant approbation de contrats de partage de production entre le gouvernement et des sociétés privées maliennes pour la recherche, l’exploitation et le transport des hydrocarbures au Mali, ceci dans le cadre des nouvelles dispositions en vigueur.
Mais personne ne sait qui sont derrière ces contrats signés dans un contexte de méfiance des investisseurs étrangers. Ce que l’on craint, c’est la possibilité de céder des parts du territoire national à des privés maliens par favoritisme ou par népotisme. Le gouvernement qui ne tarit pas d’éloges sur les avantages de ces contrats ne dit rien sur l’identité des privés maliens impliqués dans le dossier en question.
Par contre, il s’agit d’un pas en avant dans le projet d’exploitation du pétrole malien. Les premières campagnes d’exploration de pétrole au Mali ont démarré juste après les indépendances, au cours des années 1960, notamment avec des levés aériens comme première étape. Les travaux ont avancé timidement et, en 20 ans, environ 9000 km2 de données sismiques ont été relevées, à travers quatre grandes zones : le bassin de Taoudéni, la fosse de Nara, le bassin de Tamesna et le Gao Graben.
Selon des experts, en 1983, Exxon Mobil a déclaré le bassin de Taoudéni comme étant le plus intéressant du Mali. De nombreuses perspectives pétrolières y ont notamment été détectées. Dans les autres régions pétrolières, les résultats étaient loin d’être aussi satisfaisants. Cependant, le pays reste globalement largement inexploré en matière de potentialités pétrolières et gazières, estiment des analystes.
Au total, seulement cinq puits d’exploration y ont été forés depuis. Du point de vue de l’industrie, c’est même l’aspect inexploré du pays qui lui donne du poids, car le potentiel pétrolier et gazier détecté lors des campagnes précédentes est très prometteur. On suppose toujours que le pays serait en mesure de produire du pétrole et du gaz à des fins commerciales. D’autre part, les études récentes montrent des formations géologiques très similaires aux formations pétrolières de pays comme l’Algérie, le Tchad et le Soudan.
Depuis 2004 et l’adoption d’un code pétrolier, ainsi que le découpage des zones explorables en 29 blocs pour 700 000 km2, on compte une quinzaine de compagnies étrangères qui se partagent les domaines, sous la forme d’un contrat de partage de production. Parmi elles, on compte la société australienne Baraka Energy, la Sonatrach (Algérie), HeritageOil (Qatar) ou encore Statoil (Norvège). Depuis 2004, une quinzaine de compagnies étrangères se partagent les domaines d’exploration.
Le bassin de Taoudéni est essentiellement une dépression centrée sur le nord du Mali, comprenant deux méga-séquences. La plus ancienne s’étend du Protérozoïque tardif au Paléozoïque précoce. Elle est composée de carbonates marins peu profonds et de schistes noirs inter-stratifiés. Avec ses 14 blocs, il s’étend de la Mauritanie au Mali, en passant par l’Algérie. C’est aussi le plus grand bassin sédimentaire du Nord-Ouest de l’Afrique. C’est en outre l’un des plus grands bassins du Paléozoïque précoce en Afrique, avec des épaisseurs de sédiments de plus de 5000 m par endroits.
En 2006, une évaluation indépendante de son potentiel, menée par le consultant RPS Energy, a montré que les cinq blocs détenus par la société Baraka Petroleum pourraient abriter jusqu’à 645 millions de barils d’huile et 9 Tcf de gaz naturel. Ce potentiel gazier, tout aussi important que celui de la zone de Muzarabani au Zimbabwe, ferait de la zone l’une des régions les plus prolifiques en gaz naturel du continent africain. Des géologues ont, par ailleurs, noté des similitudes entre les provinces riches en pétrole d’Algérie, du Niger, du Soudan et de la Libye et le bassin de Taoudéni.
Ce potentiel gazier ferait de la zone, l’une des régions les plus prolifiques en gaz naturel du continent africain. Entre 1974 et 1982, les programmes de forage exécutés dans la zone de Taoudéni ont permis de prélever des schistes noirs infra cambriens riches en matière organique, avec un contenu organique total (COT) allant jusqu’à 20%. Cela signifie que la zone est aussi potentiellement un important réceptacle pour d’immenses gisements de gaz de schiste.
A en croire des sources scientifiques, si le nord du Mali présente un potentiel pétrolier vanté par l’industrie, c’est aussi, pour elle, l’une des régions les plus dangereuses pour l’exploration pétrolière. En effet, depuis plusieurs années, la région est contrôlée par de nombreux groupes djihadistes qui y opèrent. Leur contrôle couvre surtout les zones pétrolières évoquées ci-haut.
Ces groupes ont une grande influence sur les populations locales et donc une plus grande permanence dans la région. Cela est dû en partie au fait qu’ils suppléent le gouvernement malien dont l’administration est défaillante dans certaines régions. Ainsi, depuis 8 ans, deux importants pôles aux idéaux opposés se partagent le contrôle de la région : la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Madou COULOU