Passage du F CFA à l’ECO : Ce qu’il faut pour réussir le processus

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Pour sortir des débats stériles, la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Lomé, universitaires, organisations de la société civile, personnalités politiques, pros et anti CFA, ont pris part aux états généraux de la monnaie commune de la CEDEAO, sous le thème : « Du franc CFA à l’ECO : quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’Ouest ? », du 25 au 28 mai 2021, à Lomé, au Togo. Des conclusions à l’attention des décideurs politiques de la région ont sanctionné cette rencontre.

Le rapport issu de ces états généraux est un véritable diagnostic clinique de la politique monétaire et financière dans la région ouest-africaine. Rédigé sous la direction du Pr Kako Nubukpo, le document-bilan de la rencontre passe en revue, entre autres,
l’historique d’une monnaie controversée, le système bancaire et financier de la CEDEAO, la souveraineté monétaire et la liberté monétaire dans la zone CFA, la configuration institutionnelle pour l’indépendance de la banque centrale de la CEDEAO et les perspectives du passage à l’éco pour l’agriculture ouest-africaine. Bref, la rencontre a permis d’examiner à la fois les aléas ou risques liés au passage à la monnaie commune et les avantages économiques et financiers importants pour les pays de la région.

Selon les experts, la monnaie n’est pas qu’une affaire relative aux activités de production, de distribution et de consommation dans une société humaine, elle transcende l’économique. « Elle est avant tout une question de souveraineté, de liberté, un droit inaliénable ; elle est le reflet de l’âme d’une communauté humaine et de ses réalités existentielles. L’évidence politico-juridique est qu’un État indépendant est un État souverain, autonome qui doit s’auto-gouverner et jouir de sa liberté monétaire », soulignent-ils.

Le succès de l’ECO est intrinsèquement lié à la solidité institutionnelle de la future banque centrale communautaire qui le portera. « Seule une banque centrale coupée de toute influence des autorités politiques peut assurer crédibilité et transparence à la politique monétaire. Ainsi, pour renforcer l’indépendance de la Banque centrale de l’éco, il faut choisir les options qui minimisent toute influence politique », font remarquer les experts.

La réussite de ce saut sans filet de sécurité dans l’inconnue dépend également d’« une conviction profonde et partagée d’une communauté de destin, fondée sur le caractère incontournable de l’intégration monétaire, économique et commerciale au sein de la CEDEAO comme seule voie envisageable de développement endogène de l’Afrique de l’Ouest ». Ce qui est crucial pour surmonter les turbulences et les tâtonnements de la phase de transition, qui sont des « passages obligés » de tout processus de création d’une unification monétaire. Pour preuve, l’Union européenne a mis trente ans pour passer du Rapport Werner à la mise en place effective de l’euro.

Pour les rapporteurs, le passage du franc CFA à l’éco s’annonce, d’une part, comme un véritable test de sincérité pour la France dans sa volonté d’assumer une nouvelle étape dans sa relation avec l’Afrique, refermant ainsi les chapitres colonial et néocolonial en matière monétaire ; et d’autre part, pour les dirigeants africains, comme un test de crédibilité de leur capacité à transcender leur « servitude volontaire », illustrée par leur maintien dans un système de rente dont ils sont les bénéficiaires au détriment des peuples dont ils sont censés assurer un minimum de prospérité et de bien-être.

Il constitue également un test de leur capacité à concevoir et gérer de manière sérieuse une monnaie en commun.
En tout état de cause, la construction d’une Afrique de l’Ouest forte, optant pour un développement endogène, construit autour d’une monnaie souveraine, constitue un impératif pour un continent africain en marche vers la transformation structurelle de son économie et de sa société, conclut le rapport sur les états généraux de l’ECO.

« L’éco devrait faciliter les échanges commerciaux et financiers, réduire le coût des transactions financières entre les pays et renforcer la concurrence. Tout cela ne peut que stimuler la vitalité économique et donc engendrer une croissance économique durable à terme. Ce dynamisme économique positif ne pourra qu’attirer les investissements étrangers, accroître la compétitivité économique de ses acteurs dans l’économie mondiale et cela devrait avoir un effet sur le développement des pays et des sociétés de la région », précise le document.

Mahamadou YATTARA

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