La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est, sans nul doute, l’affaire de son gendre, auquel il attribué un marché de gré à gré de plus de 71 millions de FCFA, en violation des procédures en la matière. Nous vous remémorons les faits saillants de cette histoire.
Il y a quelques mois, le PDG de l’Office du Niger, Kassoum Denon, mariait sa fille à un certain Fadel Haïdara, chômeur de son état. Pour consolider le foyer et procurer des ressources vitales à son gendre, le tout puissant patron de ce service public n’a rien trouvé de mieux que d’inciter celui-ci à créer une société, dénommée Fadel Co-S.A.R.L, domiciliée à Korofina, BP E732, tél 69 51 68 66. Résultat: Haidara s’est vu offrir, le 22 novembre dernier, un marché, sous le vocable «consultation restreinte». Il concernait la fourniture d’engins à deux roues pour l’encadrement technique de l’Office du Niger, à Ségou. Son montant était de soixante et onze millions deux cent cinquante mille francs (71 250 000 FCFA, HT) pour un délai de livraison de trente jours.
Nous signalions aussi que «c’était une magouille, voire une fraude, de mettre ce type de marché sous le vocable de consultation restreinte». Et pour cause! Le Code des marchés publics, en son article 46, précise: «Il ne peut être recouru à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque les biens, les travaux ou les services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de services. Le recours à la procédure de l’appel d’offres restreint doit être motivé et soumis à l’autorisation préalable de la Direction Générale des Marchés Publics».
Voilà qui était clair. Les engins à deux roues ne sont pas des biens rares au Mali. Ils sont disponibles dans toutes les régions. C’est dire que les fournisseurs ne sont pas en nombre limité. En outre, la Direction Générale des Marchés Publics n’a donné aucune autorisation pour cette offre. D’où l’illégalité de la procédure. Sans compter le népotisme et la gabegie qui sous-tendent ce dossier.
Toujours dans le même article, nous révélions que «des collaborateurs très proches de Denon, au parfum de l’affaire, ont fait une dénonciation auprès du Secrétaire exécutif de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et des Délégations de Service Public». Cette instance avait alors immédiatement écrit au PDG de l’Office du Niger afin que ce dernier lui fasse parvenir tous les documents relatifs au marché. Ce qui fut fait. Cependant, écrivions-nous aussi, bien que le marché ait été attaqué, Denon n’a pas suspendu son attribution. Il a, au contraire, réceptionné et distribué les motos. Ce qu’il n’aurait pas dû faire.
Début juin, le Secrétaire exécutif de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et des Délégations de Service Public a rendu sa décision, en déclarant illégal ce marché qui «viole la loi en la matière». Parce que Dénon n’a pas sursis à l’exécution dudit marché avant cette sentence, l’Autorité de régulation a saisi à la fois le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du Développement Intégré de la Zone Office du Niger et le Procureur anti-corruption Sombé Théra.
Au premier, elle a fait savoir la faute commise par le PDG Denon et proposé que des sanctions administratives soient prises. Les regards étaient donc tournés vers le ministre Abou Sow, réputé être un homme de rigueur. Et il a sévi, en remplaçant Kassoum Dénon par son adjoint, Amadou Boye Coulibaly. C’est un ancien de la boite. Arrivé à l’Office du Niger en 81, «Boye» comme on l’appelle affectueusement, fut plusieurs fois Directeur de zone, sans oublier un séjour à Tombouctou, à la tête d’un projet.
N’oublions pas que l’Autorité de régulation a transmis un autre dossier, avec des indications très claires. Sombé Théra reste donc interpellé pour jouer sa partition. A suivre.
Chahana Takiou