Mamadou Mbare Coulibaly aux commandes de l’office du Niger : Passer de la gestion politicienne à la culture d’entreprise

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Selon une note du responsable de son de Service communication, Moustaph Maïga, le nouveau PDG de l’Office du Niger a été installé dans ses nouvelles fonctions vendredi dernier, 26 août 2016. Nommé le 20 juillet 2016 en Conseil des ministres avec un décret signé le 3 août dernier, Mamadou Mbaré Coulibaly est un homme du sérail. Il prend les commandes d’une entreprise qui a du mal à combler les attentes à cause de sa gestion par les politiques.

«Après 27 ans de service, je viens à l’école de l’Office du Niger. Je me soumets à votre école puisque je sais qu’il y a des cadres compétents et dévoués et je ne rechercherai qu’avec eux la sincérité et la loyauté…» !

Telle est la leçon d’humilité assenée à l’assistance par le nouveau PDG de l’Office du Niger (O.N). Ainsi s’adressait Mamadou Mbaré Coulibaly à ses collaborateurs pour la première fois juste après la passation de service avec son prédécesseur, M. Boubacar Sow qui assurait l’intérim.

«C’est avec les paysans que l’Office du Niger tirera l’économie malienne vers l’avant. Sans eux, pour moi, il n’y a pas d’Office du Niger. J’invite leurs délégués à croire qu’ils sont donc en mission de service public…».

Une fois n’est pas coutume ! Mais, le pouvoir a été bien inspiré de faire confiance à un cadre dont la carrière se confond avec la vie de l’O.N. En effet, pouvait-on trouver meilleur cadre pour diriger ce grenier que l’agronome qui est le «père» du riz gambiaca ?

Et sa façon même d’aborder ses nouvelles responsabilités prouvent à suffisance qu’il est en terrain connu. C’est un habitué des hommes et des femmes ainsi que des habitudes voire des méthodes de la Maison. Des pratiques érigées en culture d’entreprise, mais qui sont autant de goulots d’étranglement empêchant la direction de faire face à ses missions essentielles.

«Je suis ouvert et je me plierai à toutes les critiques provenant des chefs de service, dans le dialogue et la concertation. Mais, je ne cautionnerai pas la politique du diviser pour régner…», a averti M. Coulibaly.

Et d’ajouter, «les considérations inutiles restent l’ennemi d’une entreprise. Je veux une équipe soudée. Quand on me parle de prix obtenu à la recherche, je dis qu’il est le résultat d’une équipe ; sans la participation de mes collaborateurs à tous les niveaux, la recherche ne pouvait aboutir».

Conscient que «la culture du riz est la culture stratégique dans le monde» et que «l’avenir du riz est en Afrique», le nouveau PDG de l’Office du Niger aspire à faire du Mali l’incontestable «grenier en Afrique de l’Ouest».

Imposer la culture d’entreprise remplir le grenier

Le défi est énorme si l’on se réfère aux objectifs de production pour la campagne 2016-2017. En effet, pour la présente campagne, l’O.N ambitionne de produire 914 979 tonnes de riz sur les 146 113 ha. Pour les spéculations de maraichage, 10 964 ha sont prévus, 910 ha de pomme de terre et 3 525 ha de maïs. L’Office devrait donc produire 325 952 tonnes de produits du maraichage, 16 350 tonnes de maïs et 31 850 tonnes de pomme de terre.

Le bilan définitif de la dernière campagne agricole 2015-2016 a été de 127 711 ha de terres rizicoles exploitées pour 794 396 tonnes de riz paddy récoltées ; 11 089 ha de terres maraîchères exploitées pour 220 000 tonnes de production, dont 130 000 en échalote.

Ceux qui connaissent le nouveau commandant de bord de ce fleuron du développement agricole du Mali ne doutent pas qu’il sera «à l’écoute pour trouver avec tout le personnel et tous les usagers, les solutions idoines pour la bonne mise en valeur de ce filon exceptionnel des terres agricoles».

Le potentiel est réel ! La qualité des ressources humaines est indéniable ! La seule inconnue de l’équation est le sérieux de la volonté politique. Si nous avons bonne mémoire, les responsables de l’O.N ont été rarement choisis  en dehors du sérail. Mais, ils viennent presque avec un sérieux handicap : l’asservissement politique qui réduit considérablement leur marge de manœuvre !

Le plus souvent occupés à satisfaire les exigences de leurs parrains politiques, donc les considérations politiciennes les empêchent d’entreprendre les courageuses et audacieuses réformes indispensables pour redonner à l’O.N ce rôle de pôle de développement agro-pastoral et industriel. Jusque-là, la stratégie de gestion de l’O.N a consisté à vider ses caisses au profit des activités politiciennes. Difficile alors d’investir dans son développement.

Comme le défend si bien un confrère lors d’échanges sur la question sur les réseaux sociaux, «il est temps de dépolitiser l’Office du Niger pour qu’il puisse jouer pleinement et entièrement sa fonction de grenier de l’Afrique occidentale».

Autrement dit, ses responsables ne doivent être désormais évalués que sur les résultats techniques, sur leur capacité à faire franchir à l’O.N de nouveaux caps plus ambitieux dans le développement agricole et industriel du pays et non leur capacité à renflouer les caisses d’un parti politique ou à caser de jeunes militants désœuvrés.

Aujourd’hui, témoignent de nombreux observateurs, «les considérations politiques et politiciennes sont telles que certains croient que cette entreprise d’Etat leur appartient».

Depuis 1999, avec la décentralisation et ses élections de proximité, «les considérations politiciennes ont force de loi à l’Office du Niger». Mais, il est temps que les dirigeants politiques de notre pays comprennent que, comme le dit un confrère de Ségou, «le seul avantage comparatif qui existe pour le pays doit être épargné car privatiser demain un tel grenier serait  se faire hara kiri».

L’approche entrepreneuriale pour conquérir le marché sous-régional

Le risque d’une privatisation n’est pas écarté si on ne change pas la stratégie de management de ce géant qui n’a jamais réussi à combler les fortes attentes liées à ses immenses potentialités. La gestion paternaliste est aux antipodes de la rentabilité que toute entreprise doit symboliser.

A l’Office du Niger, la «culture d’entreprise» doit cesser d’être «un leurre» pour se muer en réalité managériale. Cela est d’autant souhaitable que le marché existe car, même s’ils en produisent tous, presque tous les pays de l’Afrique occidentale importent le riz. Et, dans cette région, les besoins de consommation de cette denrée sont en augmentation à cause non seulement du taux de croissance de la population, mais aussi et surtout des habitudes alimentaires.

L’approche entrepreneuriale est la condition sine qua non pour continuer à mobiliser les partenaires comme le Canada qui, en juin dernier, a relancé  son Projet d’appui à l’Office. Une initiative un moment compromise par la crise sécuritaire et politico-institutionnelle qui a secoué le Mali à partir de janvier 2012 et dont les soubresauts menacent encore sa stabilité.

Aujourd’hui, le PAON (Projet d’Appui à l’Office du Niger) est sur les rails. D’une durée de 4 ans pour un investissement d’environ 8,78 milliards de F CFA, il vise la réhabilitation d’une partie du périmètre de la Zone de Molodo du partiteur M2 à M5 (soit environ 2 885 ha donc au moins 5 300 tonnes de riz paddy) ; d’actualiser les études d’aménagement des casiers de Sossé Sibila et le renforcement des capacités de l’Office du Niger et des Exploitants Agricoles.

Ce projet permettra de restaurer les infrastructures d’irrigation et d’augmenter également les revenus des femmes productrices. «C’est une bonne opportunité pour améliorer la capacité de l’Office du Niger et la gestion des moyens mis à sa disposition afin de contribuer à la gestion durable des ressources naturelles et au développement socio-économique harmonieux de sa zone d’intervention», avait souhaité l’ambassadeur du Canada au Mali.

Ce serait une lapalissade de dire que du succès de ce projet, donc de sa gestion rigoureuse et efficiente, dépendent les futurs investissements du Canada voire la mobilisation d’autres partenaires.

Pour combler les espoirs et devenir un vrai tremplin de développement économique, l’Office du Niger doit devenir un pôle d’excellence de l’agrobusiness sans sacrifier les exploitations familiales qui constituent un élément essentiel d’équilibrage socio-économique pour mieux maitriser l’appauvrissement des zones rurales.

En effet, il est indéniable que les agriculteurs familiaux jouent un rôle prépondérant dans la réduction de la pauvreté en milieu rural. L’ON doit chercher aujourd’hui à développer des «modèles d’affaires inclusifs» tout en aidant ceux qui sont considérés comme de «petits producteurs» à mieux s’organiser afin de se positionner également  sur les marchés.

C’est l’une des conditions sine qua non pour favoriser l’émergence du pôle agricole et industriel attendu !

Moussa Bolly

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