Les Maliens se plaignent souvent dans les grins ou dans les rues de la gestion faite des richesses que procurent les ressources minières du pays. Ils s’interrogent sur la destination de ces milliards de FCFA, qui sont annoncés lors des conseils d’administration des sociétés minières. Une société minière a récemment estimée que sa contribution au budget de l’Etat s’élève à plus de 800 millions de dollars sur une période de six ans. Au même moment, le coût de la vie monte de façon exponentielle. Le panier de la ménagère subit d’une manière drastique les foudres du coût élevé de la vie. Pendant ce temps, les compagnies minières se frottent les mains et affirment sans ambages respecter le cahier des charges. L’Etat de son côté est accusé à tort ou à raison de dilapider les dividendes dues et les sommes colossales qui proviennent des taxes et impôts. Mais certains experts et Maliens de surcroît, estiment qu’il n’en est rien de tout cela. L’impact des milliards de l’or n’est pas visible tout simplement à cause de l’inaction du gouvernement malien et des opérateurs économiques de notre pays.
Les mines de façon globale représentent un panel d’activités qu’il faut développer et moderniser au niveau local. En plus de la main d’œuvre locale, les mines ont besoin d’autres services de base comme les hydrocarbures, le ciment, la restauration, l’électricité, l’eau, les engins lourds et légers, etc. Chaque domaine constitue à lui seul une manne financière qui pourrait d’une manière ou d’une autre profiter soit à l’Etat malien, soit aux opérateurs privés maliens et par ricochet aux populations. Car ces domaines, pris individuellement, sont susceptibles de créer des richesses et beaucoup d’emplois. Pour ne citer que le cas de la société Ben & Co qui est depuis de 10 ans le principal fournisseur en hydrocarbures de Randgold ressources. Grâce au partenariat entre cette société malienne et la compagnie minière, le PDG de Ben & Co, Alou Badra Coulibaly, explique que sa société est la première société pétrolière de notre pays avec un chiffre d’affaires de 120 milliards de FCFA au 31 décembre 2011.
« Malianisation » des activités
Elle emploie plus de 460 personnes et dispose d’un parc de 215 camions citernes de la marque « Mercédès » avec une représentation en Côte d’Ivoire et bientôt une autre au Sénégal. La réussite de ce partenariat doit encourager la « malianisation » des activités des compagnies minières évoluant sur notre territoire. Mais pourquoi l’Etat et les privés rechignent à emprunter cette voie du salut. Aucune explication plausible n’a été officiellement donnée. Et tout porte à croire que les initiatives manquent de part et d’autres. Selon nos informations, certains pays voisins profitent mieux des ressources de nos compagnies minières dans la mesure où ils en ont créé les conditions. Si nous prenons l’exemple du ciment, il se trouve que SOMILO a un besoin de 800 000 tonnes de ciment pour l’entretien de ses mines souterraines. Alors que notre pays, qui dispose pourtant de la matière première du ciment, n’a à ce jour aucune structure de production de ce produit. Sans oublier que l’usine en construction de Gongonterie n’a qu’une capacité d’un million de tonnes. Toute chose qui est loin de pouvoir résoudre la sempiternelle équation de l’offre et de la demande.
Un autre domaine dans lequel le Mali pourrait tirer profit à travers les mines, c’est également l’électricité. Les compagnies minières dépensent des milliards de FCFA pour leur consommation énergétique. Certains pays voisins obligent d’ailleurs celles-ci à s’abonner à l’électricité nationale. Au Mali, c’est le paradoxe. L’énergie du Mali aurait rejeté les propositions de fournitures d’électricité de certaines compagnies minières. D’autres n’auraient même pas pris la peine d’en faire la demande.
Notre pays a aussi d’autres handicaps qui diminuent de façon drastique l’apport des ressources minières dans l’économie nationale. Le Mali n’a pas suffisamment de main d’œuvre qualifié pour l’exploitation de l’or par exemple. Les quelques personnes, qui y sont, ont été choisies en tant qu’ouvriers ou au plus comme cadres de « seconde zone ». Ils étaient à la merci des expatriés. Et c’est de bonne guerre. Puisque le Mali ne dispose pas de spécialistes en matière d’exploitation des ressources minières, encore moins de centre de formation des ressources humaines adapté au contexte des mines. Pourtant, toutes ces actions pourront contribuer à changer les rapports de force. Il a fallu aujourd’hui qu’une société minière prenne l’initiative d’ouvrir une école des mines dans notre pays pour que le gouvernement s’y intéresse. Mieux vaut tard que jamais, si cette initiative se concrétise, elle peut bel et bien permettre aux Maliens de voir l’impact des mines dans leur assiette. Troisième producteur d’or en Afrique, notre pays a besoin de relever ce challenge pour s’attaquer, enfin, à la gestion qui est faite des ressources provenant des mines. C’est aussi un mal qui gangrène notre économie et qui anéantit tous les efforts pour réduire le coût de la vie dans notre pays. Les communes rurales qui ont bénéficié des milliards de FCFA des compagnies minières ne valent pas mieux que celles qui gèrent les maigres ressources issues des taxes de développement local. Où sont cachés ces milliards de FCFA et qui en sont réellement les bénéficiaires ? On ne saurait vous le dire. Mais les populations ne sont pas dupes.
Idrissa Maïga