Dans cette affaire, opposant deux orpailleurs à Kondoya, le Juge de paix à compétence étendue de Kéniéba s’abstient de dire le droit et expose, du coup, le site d’orpaillage à un affrontement sanglant entre deux parties. Du moins, si rien n’est fait pour rendre à César ce qui est à César.
L’exploitation traditionnelle d’or est une activité courante au Mali. Les sites d’orpaillage pullulent dans les régions de Kayes, Sikasso et Koulikoro. Ils sont investis par des milliers d’orpailleurs maliens et étrangers. Les querelles liées à l’exploitation du métal jaune y sont monnaie courante. C’est ainsi qu’au niveau de chaque site d’orpaillage des commissions (le Tomboloma) sont mises en place pour résoudre, à l’amiable, les différends entre orpailleurs. Mais des fois, certains conflits dépassent le Tomboloma pour finir devant la justice. C’est le cas d’un conflit qui oppose deux orpailleurs à Kondoya, cercle de Kéniéba. Une affaire dans laquelle le Juge de paix à compétence étendue de Kéniéba ne semble pas être clean.
L’affaire remonte en fin 2011. Sekou kéita est orpailleur à Kondoya où, il exploite un puits depuis plus de 4 ans. Sur ce site, les puits sont situés les uns derrière les autres, à une distance réglementée par le Tombloma. Selon la convention coutumière établie, si le puits de derrière atteint celui de devant, le propriétaire doit abandonner son exploitation au profit du puits situé devant. Il ressort des témoignages des autorités traditionnelles de Kondoya et des constats d’huissiers, que le puits des sieurs Daouda Sidibé et Oumar Kanté a atteint un autre puits situé devant : celui de Sekou Kéita. Les sieurs Daouda Sidibé et Oumar Kanté devraient, comme l’exige la convention coutumière, quitter leur puits. Mais ils refusent d’obéir à cette règle générale. Et cela, malgré les menaces du Tomboloma. Selon les chefs coutumiers du village de Kondoya, depuis la création du site d’orpaillage, c’est la première fois que cette règle est violée par un orpailleur. Comme si cela ne suffisait pas, Daouda Sidibé et Oumar Kanté s’emparent du puits de Sekou Kéita, avant de le menacer de mort.
Face à la pression du Tomboloma, Daouda et Oumar n’hésitent pas à jouer aux victimes et soumettent l’affaire au juge des référés de Kéniéba.
Par une ordonnance en date du 18 mai 2012, il ordonne à Sékou kéita, l’arrêt des travaux au motif qu’il est sur le sillon aurifère de Daouda Sidibé et d’Oumar Kanté. Surpris, Sékou Kéita fait appel devant la Chambre des référés de la Cour d’Appel de Kayes. Aussi, il introduit une demande sur le fond aux fins de confirmation de son droit d’usage sur le puits litigieux.
Après une analyse approfondie du problème, la Chambre des référés de la Cour d’Appel de Kayes rejette l’ordonnance du juge des référés de Kéniéba, au motif que le droit n’a pas été dit. Aussi, la Chambre des référés de la Cour d’Appel de Kayes signifie aux sieurs Daouda Sidibé et Oumar Kanté une somation d’arrêt des travaux et renvoie l’affaire devant le juge de fond de Kéniéba.
Mais à ce jour, celui-ci refuge de statuer sur l’affaire. Au même moment, Daouda Sidibé et Oumar Kanté continuent d’exploiter le puits de Sekou Kéita, en violation de la décision de la Chambre des référés qui a ordonné l’arrêt des travaux. Interpellés par les gendarmes qui veillent sur le site d’orpaillage, ils indiquent que l’ordre d’exploiter le puits de Sékou Kéita leur a été donné par le juge de Kéniéba. Joint au téléphone par les gendarmes, le juge confirme avoir donné l’ordre.
Malgré les mises en demeure du Procureur général près la Cour d’Appel de Kayes et le Procureur de la République de Kita au juge de Kéniéba à statuer sur l’affaire sous peine de déni de justice, celui-ci continue de faire la sourde oreille.
Selon notre source, cette démarche du juge de Kéniéba a provoqué une crise sans précédent dans le site d’orpaillage de Kondoya. Plus de la moitié des orpailleurs estiment que le juge a violé les conventions coutumières ; lesquelles, jusque-là, parvenaient à réguler les crises sur le site. Aux dernières nouvelles, l’affaire est en passe de détourner au vinaigre. Car le risque d’affrontement, entre orpailleur, est latent. Et le juge de Kéniéba en sera tenu pour responsable. Garant de l’autorité judiciaire dans le ressort du cercle, le juge de Kéniéba devrait veiller à l’exécution correcte des décisions de justice, au lieu d’en faire à sa tête. Ou, au gré de ses intérêts.
En tout cas, Sékou Kéita n’est pas prêt de baisser les bras. Il entend tout faire pour récupérer son puits qu’il exploite depuis 4 ans. Un puits dans lequel, il indique avoir déjà investi plus de 34 millions CFA.
Abou BERTHE
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