Environ sept siècles après le fameux pèlerinage de Kankou Moussa à la Mecque au cours duquel l’empereur mandingue a emporté dix tonnes d’or, le Mali a commencé à écrire, depuis l’avènement de la démocratie, une nouvelle épopée dans l’exploitation minière. Après la monoculture de l’or, qui fait de lui le 3ème producteur de métal jaune en Afrique, notre pays a entamé, depuis quelques temps, l’étape de la diversification minière avec le fer, le manganèse, l’uranium et la bauxite qui sont en pré-phase d’exploitation. Le pétrole, objet de tous les rêves, autorise beaucoup d’espoir. D’autant que le Mali dispose de cinq bassins sédimentaires dont celui de Taoudénit qui compte parmi les plus grands du monde et qui devra accueillir le premier forage d’exploration d’ici à la fin de l’année. Une kyrielle d’autres indices ont été mis en évidence : lithium, cuivre, zinc, plomb, pierres fines, kaolin, marbre et autres matériaux de construction. Dans ce numéro, nous consacrons un dossier à ce secteur si stratégique qui, s’il est bien géré, peut propulser le Mali dans le cercle si enviable des pays émergents.
Le président Amadou Toumani Touré, dans son message de nouvel an adressé à la nation malienne, a souligné toute l’importance et la place qu’occupent les mines dans l’économie du pays: " Le secteur minier constitue l’un des poumons de la croissance économique de notre pays. Outre la poursuite des activités de recherche minière et pétrolière en 2011, il y aura le démarrage de la production d’une cimenterie d’une capacité d’environ 1 200 000 tonnes à Gangontery dans la région de Kayes et le développement d’une seconde cimenterie à Hombori dans la région de Mopti. En 2010, la production d’or fut de 46 tonnes et les recettes générées s’élèvent à 150 milliards de francs CFA. En perspective, il est prévu une production d’or de 56 tonnes pour 2011, le démarrage de l’exploitation des gisements de fer de Tienfala (région de Koulikoro), de manganèse à Bourem (région de Gao) et le développement d’importants gisements de bauxite dans la région de Kayes ".
Conditions d’exploitation de l’or
Paradoxe! Le Mali est l’un des pays les plus pauvres du monde, mais aujourd’hui l’un des plus riches en ressources minérales. En effet, le Mali, qui n’a rien à envier à aucun pays sur la terre en matière de ressources naturelles, voit cependant, ses enfants vivre au-dessous du seuil de la pauvreté et continue à s’endetter auprès des grands bailleurs de fonds comme la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI). Ce qui le place dans une situation de dépendance de l’aide extérieure.
Aujourd’hui, la question lancinante que l’on est amené à se poser est donc la suivante: Pourquoi le Mali est un pays riche, alors que sa population est pauvre ? La réponse réside peut-être au niveau de la gestion des ressources du pays par l’État. En d’autres termes, le Mali est riche, mais n’arrive pas à sortir du gouffre par manque de moyens financiers pour valoriser cette richesse.
Activité économique à fort potentiel, l’exploitation de l’or pourrait en effet contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’homme en favorisant la création des emplois dans le secteur minier et en ayant un effet d’entraînement sur d’autres secteurs de l’économie. Elle devrait également davantage améliorer les ressources de l’État, et donc la capacité de ce dernier à assumer des dépenses utiles pour la société (éducation, santé, infrastructures, etc.). Enfin, l’implantation d’une industrie extractive s’accompagne souvent de programmes de développement locaux destinés à atténuer ou compenser les effets, notamment environnementaux, de l’activité minière.
Dissoudre la SONAREM pour mieux gérer les ressources
Avec l’arrivée des sociétés étrangères, la production d’or a connu un véritable boom, de l’ordre de 350 % en cinq ans. En juin 2002, on évaluait le chiffre d’affaires annuel du secteur à 30 milliards de francs CFA (près de 46 millions d’euros). Le Programme d’ajustement structurel (PAS) des institutions de Bretton Woods a conduit, en 2000, à la fermeture de la Sonarem (Société nationale de recherche et d’exploitation minière) et au licenciement de ses 300 salariés.
La part dans le capital social des sociétés minières de l’État malien est désormais fixée aux alentours de 20%. Actuellement, plus de 50% des revenus générés par l’or restent au Mali, sous forme d’impôts, taxes, salaires, cotisations sociales, investissements locaux, etc. C’est beaucoup, si l’on considère que l’essentiel de l’investissement dans le secteur aurifère repose sur les sociétés étrangères. Difficile dans ces conditions de faire de l’or le moteur du développement du pays.
Autre conséquence de la disparition de la Sonarem : l’État malien n’est plus directement impliqué dans les opérations de production minière. La DNGM (Direction nationale de la géologie et des mines) chargée d’attribuer les permis d’exploration et d’exploitation et de veiller au respect des obligations des sociétés minières, dispose de moyens dérisoires pour mener à bien ses missions. Comment dans ces conditions parler d’égal à égal avec les multinationales? Et que dire également de l’environnement de ces régions quand on sait que l’exploitation minière a un côté négatif à cause des dommages causés à la nature? Par manque de moyens de vérification, l’État malien se rabat sur les résultats fournis par les sociétés minières, elles-mêmes devenues, dès lors, juge et partie.
D’après le Directeur général de la DNGM, Lassana Guindo, le sous-sol malien recèle une richesse inestimable et assez diversifiée. Parmi ces substances, certaines présentent des réserves très importantes. Malheureusement très peu de ces gisements sont aujourd’hui exploités à cause notamment du manque d’infrastructures énergétiques et de communication, du manque de financement. Les différents travaux d’inventaire minier effectués sur le territoire ont permis de distinguer trois grandes régions minières: la région Ouest du Mali, la région Sud et la région Nord, a-t-il indiqué. Parmi les richesses du sous-sol malien, il y a, entre autres, l’or, le calcaire, le fer, le manganèse, la bauxite, l’uranium, le diamant, les pierres semi-précieuses, les phosphates, le cuivre, le nickel, le marbre, le gypse, le kaolin, le plomb, le zinc, le lithium et les matériaux de construction.
Dans la seule région sédimentaire de Kayes, il existe plusieurs mines d’or dont celles de Sadiola, Yatéla, Loulo, Ségala, Tabakoto et le gisement d’or de Médinandi (Kéniéba). Toujours dans la riche région de Kayes, il existe d’autres indices d’or à Farabantoutou, à Dioulafoudou, à Tintiba et autour de Wili-Wili Mamoudouya Komé. Des indices sont signalés, également, à Dandoko, à Sitakili et à Diankounté.
Dans les régions de Sikasso et Koulikoro, beaucoup de gisements d’or ont été mis en évidence dans les cercles de Yanfolila et de Bougouni. C’est ainsi que des gisements d’or sont actuellement exploités à Morila, à Syama, et Kalana. Le gisement d’or de Kodièran au nord de Kalana totalise 81,2 tonnes d’or métal prouvées. La mise en exploitation de ce gisement est attendue car un permis d’exploitation est déjà attribué à la Société Wassoul’Or. Toujours au sud du pays, il existe des indices d’or à Sagala, Kékoro, Foulaboula, Kalaka, Foulalaba, Pitiangoma, Nampala, Darabougou et Misséni (Misséni Flat). Des indices d’or sont aussi signalés dans la zone de Kangaba à Kobada, Banankoro, Kofoulatié, Bancoumana, etc. Et un peu vers le Nord, il a été mis en évidence, dans la région de Kidal, un gisement d’or à In-Darset, dans l’Adrar des Iforas avec des réserves évaluées à 4 tonnes d’or métal.
5,2 milliards de tonnes de fer
Quant au diamant, les différents travaux ont abouti à la découverte de trente pipes kimberlitiques dont 8 sont diamantifères à Kéniéba. Plus de mille anomalies circulaires ont été repérées à Yanfolila et Bougouni et d’autres anomalies circulaires ont été également mises en évidence dans la zone d’Ansongo.
Le Mali dispose de 5,2 milliards de tonnes potentielles de minerai de fer en réserves à Kayes (Bafoulabé, Kéniéba, Kita et alentours). Les plus grands gisements connus sont ceux de Djidian avec 10 millions de tonnes, Diamou avec 150 millions de tonnes et Balé dont les réserves sont estimées à 1,2 milliard de tonnes. Il y a aussi Tienfala avec 92 millions de tonnes et Sandama 150 millions de tonnes.
S’agissant du calcaire, des gisements existent à Gangontery au nord de Bafoulabé avec 10 millions de tonnes, 60 millions de tonnes à Astro, 30 millions de tonnes à Diamou (Hombori), Bab El Heri et 2,2 millions de tonnes et, enfin, celui de Djiguira Logo avec des réserves moyennes destinées à la production de chaux magnésien. Un gisement de manganèse à Tassiga (Ansongo) avec 30 millions de tonnes et des indices de manganèse à Tondibi, Agaula, Ofalikin, Tessit, Bafing-Makana.
12 milliards de tonnes de bauxite
Au nord de Bafoulabé, notamment à Sélinkégny et à Madibaya, existent d’importantes réserves de marbre. Concernant la bauxite, il existe un gisement au sud ouest du pays principalement à 100 km au sud-ouest de Bamako jusqu’à la frontière guinéenne avec des réserves estimées à 12 milliards de tonnes de minerai à Kita, Kéniéba, Bafin-Makana et Sikasso.
Des indices d’uranium sont signalés à Faléa (Kéniéba) avec 5 000 tonnes U308 et à Samit à 120 km de Gao dans l’arrondissement de Djebock avec 200 tonnes U308. Il est aussi signalé des indices à Dabora (Kéniéba) à Dabora Oued Ferrar (Adrar des Ifoghas), à 15 km de Kidal et pour finir à Loulo. Des sables de verrerie situés au nord du lac Faguibine, près des villages M’Bouna et Bintagoungou, sont détectés ainsi que de la lignite à Bourem et des indices de terres rares au niveau de Timétrine à Tessalit.
Les réserves de gisements de phosphates de Tamaguillelt sont évaluées à 120 millions de tonnes ainsi que quatre autres gisements potentiels au nord de cette zone avec 10 millions de tonnes mis en relief. Les indices de cuivre de Ouatagouna et de Labbézanga à 140 km d’Ansongo ont été signalés. S’y ajoutent les gisements de plomb et de zinc à Tessalit. Il y a aussi des indices de gypse à Taoudénit et à Kereit à 80 km de Tessalit.
Des indices de nickel et de platine sont localisés à Touban, des indices de plomb-zinc à Dogo (60 km au nord-est de Bougouni), un gisement de lithium (à Bougouni de part et d’autre du fleuve Baoulé). Enfin du kaolin dont la puissance des couches varie entre 6 et 24 m à Balé dans la zone de Yanfolila sur la rive gauche de la rivière Balé.
Durant la période 2002 à 2007, les sept sociétés minières que sont Yatela, Semos, Somika, Tamico, Morila, Somisy, Somilo, ont produit 333 tonnes d’or. Soit 66,6 tonnes d’or par an ayant généré 3 330 milliards de FCFA.
L’or constitue un investissement sûr au Mali. Ainsi les réserves s’estiment pour la mine de Loulo à 50,59 millions de tonnes pour une production de 1504 kg en 2010, Yatela 6 millions de T pour 800 kg en 2010, Kalana 14 millions de tonnes pour 10 381 kg en 2010, Tamico 7 millions de tonnes pour 255 kg en 2010, Syama 162 millions de tonnes pour 348 kg en 2010, Kalana (Semos à voir) 123 mille tonnes pour 61 kg et Morila 23 millions de tonnes pour 1243 kg.
Le secteur aurifère offre d’immenses opportunités d’investissement dans des projets au stade d’estimation de ressources. Il s’agit de 13 autres sites miniers qui ont été déjà attribués à des sociétés. Sur ces bases, North Atlantic exploitera les 4,323 T d’or de Kantela et les 10, 886 T d’or de Foulalaba et de Tiékoumala, Axmin Ltd Mali aura les 29,559 T d’or de Kofi-Nord, Great Quest Metals s’occupera des 1,736 T d’or de Kéniéba, Songhoi possédera les 15,701 T d’or de Médinandi, Tichitt-sa détiendra respectivement les 21,926 et 4, 727 T d’or de Diabani et Koflatié. Glencar Mining s’en tirera avec le plus important gisement estimé à 38,88 T d’or de Komana, Golden Spear ne se plaindra pas de ses 11,788 T d’or de Garalo et 15, 552 T d’or de Kalaka, Merrex Gold bénéficie des 13,747 T d’or de Siribaya, Robex resources détiendra les 23,638 T d’or de Mininka, Etruscan gardera les 23,172 T d’or du Projet Finkolo, Robex N’Gary-sa se contentera 1,326 T d’or de Diangounté.
La Direction nationale de la géologie et des mines, sous la conduite de Lassana Guindo, a établi l’existence d’un certain nombre de matières pouvant également permettre le développement du secteur minier. Ces autres potentialités minières sont constituées de pierres fines, moins connues par les Maliens : grenats et autres pierres fines (plus de 220 indices) dans les cercles de Nioro, Yélimané et Bafoulabé, des minéraux pegmatites dans le cercle de Bougouni et dans le Bassin de la Falémé dans le Cercle de Kéniéba, des grenats et corindons dans le Gourma, des pegmatites et des minéraux liés au métamorphisme dans l’Adrar des Ifoghas et, enfin, des quartz et autres pierres fines à Hombori et Douentza.
De ce fait, depuis plus d’une décennie, le département en charge des mines a engagé une stratégie de diversification par la promotion des indices d’autres substances minérales, notamment celles qui sont très recherchées sur le marché international.
C’est dans ce cadre que des dizaines de titres miniers divers ont été attribués pour le fer avec quatre permis de recherche, un permis d’exploitation, deux permis de recherche et des études de faisabilités sur le permis d’Ofalikin pour le manganèse, trois permis de recherche et un permis d’exploitation pour les phosphates, trois permis de recherche pour la bauxite. Il en est de même pour le cuivre et le nickel avec deux permis de recherche, l’uranium avec deux permis de recherche, le diamant se retrouve avec six permis et les matériaux de construction avec trente six autorisations d’exploitation.
A qui profite l’or du Mali ?
La FIDH dénonce
A en croire le rapport d’enquête de la FIDH, les coûts de production de l’or malien sont les plus bas d’Afrique. Un exemple. Pour extraire une tonne de minerai, les multinationales dépensent 1,27 $. Pour la traiter, elles dépensent 7,28 $, auxquels s’ajoutent les coûts administratifs: 3,75 $ par tonne et les taxes et redevances estimées à 23,8 $ par once d’or. Au total, le coût opérationnel d’une tonne d’or au Mali est de 95 dollars l’once.
Avec un cours de l’or toujours en hausse, des coûts de production maintenus à un faible niveau, les bénéfices réalisés par les multinationales, sur l’or malien ne cessent de croître avec 108 $ sur l’once d’or en 2003, 230 $ sur l’once en 2004 et 245 $ sur l’once en 2005 ", a indiqué le rapport.
Selon le rapport d’enquête de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), " les 690 milliards CFA, soit 76 milliards par an, versés au Trésor public par les multinationales après neuf ans d’exploitation des quatre mines industrielles du Mali, ne représentent que 30 % seulement de la valeur des exportations d’or. Ce qui représente l’équivalent des dépenses du gouvernement malien dans les domaines de la santé et de l’éducation pendant au moins deux ans. Ce chiffre reflète aussi la valeur de l’or de la seule mine de Sadiola, commercialisée en cinq ans (de 1997 à 2002) avec 614,8 milliards CFA. Et, très souvent, les données publiées par les compagnies minières diffèrent, largement, des chiffres officiels".
Pour Boubacar Camara, bijoutier à l’Artisanat, l’or du Mali n’est pas accessible et ne profite pas aux Maliens. La raison en est que les prix sont exorbitants et donc une commercialisation nationale représentera une perte, à coup sûr, pour les bijoutiers et autres commerçants. " Je vous donne l’exemple du Congo (RDC) où les artisans du métal jaune peuvent même signer directement des contrats avec les sociétés exploitant les mines d’or. Car, autant il y a des intermédiaires, autant le prix monte parce chacun cherche son bénéfice sur le gramme d’or. Aujourd’hui, nous achetons l’or au prix du marché, ce qui veut dire qu’on est obligé de vendre un peu plus cher pour gagner notre vie. Et puisque l’or est cher, plus personne n’achète avec nous", explique-t-il avant de relever que 5% seulement de la production artisanale sont consommés au Mali et les 95 restants sont acheminés vers l’étranger. Ce sont donc les ventes à l’étranger qui font vivre les commerçants et bijoutiers maliens.
S’agissant du comptoir Kankou Moussa qui a été mis en place pour que l’or brille enfin pour les Maliens, ce n’est que de la poudre aux yeux et une manière astucieuse de la part de la société Randgold d’écouler son stock, en faisant croire que c’est pour les Maliens. Chose qui sera confirmée par Hady Koné, un grand bijoutier diplômé. Son art lui aura valu de séjourner dans les grands Etats du monde. Témoignant, le cœur serré, de la manière dont l’or est géré au Mali, il a précisé que le comptoir Kankou Moussa refusait de vendre aux bijoutiers de l’or à moindre coût afin qu’ils puissent réaliser des profits et vivre dignement de leur métier. Devant accorder des rabais sur le gramme d’or, la société préfère vendre au prix du marché à une clientèle d’une certaine classe sociale.
Hady a soutenu, par ailleurs, que ce sont des centaines de milliards de FCFA qui sont destinés à l’achat de l’or à Dubaï, en Guinée, etc. Ce que notre interlocutrice de Kankou Moussa, Mme Koné, va confirmer en ajoutant que le Mali bénéfice d’une ristourne de 3% contre 10% pour Dubaï. Et comment est-ce possible ? Elle ne saurait donner plus d’explications surtout pour un pays comme Dubaï où il n’existe pas de mines d’or. Selon elle, le prix actuellement en hausse est 18 000 FCFA pour les 18 carats et pour 23,75 carats c’est 24 500 FCFA. Ce que les commerçants et bijoutiers veulent, ce sont des facilités comme les crédits et malheureusement la société n’en fait pas, a-t-elle conclu.
Quant au Secrétaire général du ministère des Mines, Mohamed Kéita, il a tenu à apporter des précisions sur la production de l’or, les prix au niveau national et international. Il a d’abord rappelé que les multinationales sont là, avant tout, pour réaliser des profits et qu’il n’est pas question pour eux de vendre à perte. Ensuite, elles produisent de l’or dont la pureté varie entre 90 et 95%, soit 23 carats. Et, pour finir, elles ont des contrats avec les raffineurs, des sociétés qui amènent l’or à un degré de pureté de l’ordre de 99,99% appelé les quatre 9, soit 24 carats. Selon lui, ce sont ces mêmes sociétés de raffinage de l’or qui rachètent l’or aux sociétés minières à un prix qu’elles fixent elles-mêmes.
La production d’une once d’or est de 800 $ a-t-il martelé. Avant de rappeler que l’once représente 32 grammes d’or. Donc pour connaitre le coût réel d’un gramme d’or, il suffit de diviser le prix de l’once par 32. Ce qui fait 11 250 FCFA. Et, naturellement, si l’once est fixée selon le fixing de Londres à 1800 $, le gramme reviendrait à 56,25 $, soit 25 312 FCFA. On y applique les 3% de rabais dont bénéficie le Mali, soit 750 FCFA que l’on extrait des 25 312, cela donne 24 562 FCFA le gramme de 24 carats.
Les orpailleurs, quant à eux, se réfèrent au prix du marché et fixent leurs prix en tenant compte des impuretés. Se basant sur un degré de pureté de 21 carats, alors que le prix du marché est celui de 24 carats, ils procèdent à un calcul ingénieux en appliquant la règle de trois. Ils prennent 24 562 qu’ils multiplient par 21 carats et divisent par 24 carats. Cela fait 21 491 F CFA.
Il faut aussi rappeler que, gérée par Mamadou Samaké, la société du comptoir de vente d’or Kankou Moussa est créée depuis 2006 à l’initiative de Randgold qui a bénéficié du soutien du Gouvernement en vue de la valorisation au Mali d’une partie de l’or produit localement. Kankou Moussa a pour objectifs l’approvisionnement en or sur une base commerciale du marché local et des artisans, la création de bijoux et articles connexes en or (médailles, pièces…), de rendre accessible l’or du Mali au plus grand nombre de la population, de fabriquer et vendre des bijoux maliens à l’intérieur et extérieur et de faire la promotion à l’étranger du savoir-faire malien en matière de bijouterie et de joaillerie.
Mamadou Samaké avait indiqué qu’il y a, cependant, des moyens et contraintes qui rendent difficiles l’accessibilité de l’or sur le marché national. La première difficulté est le prix de vente de l’or qui est déterminé suivant le cours du marché qui ne dépend pas du producteur. La seconde est la pression fiscale avec les taxes ad valorem, CPS, TVA, nécessitant l’assistance de l’État aux artisans bijoutiers pour l’acquisition de la matière première.
Apport des mines dans le budget national
La contribution du secteur minier dans les recettes de la Direction nationale des domaines et du cadastre (DNDC) de 2007 à 2010 se présente comme suit : les dividendes cumulés font 77 478 754 350 de FCFA, les taxes ad valorem s’élèvent à 65 809 485 657 de FCFA et les taxes superficiaires donnent 1 031 359 167 de FCFA. Ce qui fait un total de 144 319 599 174 de FCFA , a déclaré l’ingénieur statisticien, Maméry Bagayogo qui a, toutefois, précisé que certaines sociétés ne sont pas à jour dans les paiements et que d’autres, selon les contrats, n’ont encore rien versé à l’État. Cela dépend des conventions signées entre ces sociétés et l’Etat.
Baba Kokaina et Mamadou Kouyaté, respectivement Chargé des recettes et Chargé de communication à la Direction nationale des impôts ont révélé les différents types d’impôts et taxes que les sociétés minières paient au Mali. Il y a, entre autres, les Impôts sociétés (IS), le TCA/retenue, le Bénéfice industriel et commercial (BIC) les Impôts sur les traitements et les salaires (ITS) les Taxes de logements (TL) les Taxes de formation professionnelle (TFP) les Taxes sur les emplois jeunes (TEJ) et la contribution forfaitaire des employeurs (CFE). A ceux-ci, s’ajoutent le Droit de Timbres, l’Impôt spécial sur l’or et l’Impôt sur les dividendes.
Selon eux, les différentes sociétés ont payé, en 2005 : 34 232 681 697 de FCFA, en 2006 : 54 340 257 080 de FCFA, en 2007 : 100 894 799 249 de FCFA, en 2008 : 87 765 075 569 de FCFA, en 2009 : 121 233 556 622 de FCFA et en 2010 : 118 269 789 318 de FCFA. Soit un total de 516 736 159 532 milliards de FCFA que les Impôts ont versés dans les caisses de l’Etat entre 2005 et 2010.
En ce qui concerne l’Institut national de prévoyance sociale, les mines contribuent fortement à la croissance économique du pays d’après le Directeur des recettes. Ainsi, en 2007, les sociétés ont versé 9 530 520 263 de FCFA, en 2008 : 10 257 711 984 de FCFA, en 2009 : 11 161 021 171 de FCFA et en 2010 : 12 502 176 775 FCFA. Ce qui fait un total de 43 451 430 193 de FCFA. Il faut ajouter que l’existence des mines engendre des dizaines d’activités économiques parallèles telles que le commerce, la restauration, la location de véhicules utilitaires, les hydrocarbures, la construction des infrastructures, les forages et bientôt l’énergie.
Le Directeur des recettes a profité de l’occasion pour rappeler que l’INPS a pour mission d’encaisser les cotisations et d’assurer les prestations définies dans le Code de prévoyance sociale.
S’agissant de la Douane malienne, elle fait un recouvrement mensuel des sociétés minières de l’ordre de 23 à 25% à Sikasso et de 30 à 33% à Kayes.
L’ITIE, le gendarme de la transparence qui joue bien son rôle
Selon les Termes de Référence, le champ des sociétés faisant l’objet de la réconciliation des flux des paiements doit couvrir les sociétés minières en exploitation ou détentrices de permis. Elles sont au nombre de huit sociétés: Yatela sa, Semos sa, Somika sa, Tamico sa, Morila sa, Somisy sa, Somilo et Wassoul’Or, les sociétés de recherche et d’exploration minières et pétrolières et les sociétés sous-traitantes dans le secteur minier.
Lors du démarrage de la mission et suite à la réception des premières déclarations émanant des sociétés d’exploitation minières, il a été constaté qu’une nouvelle société a remis des déclarations des paiements effectués aux différentes administrations publiques à savoir la Sémico sa. Cette société a été ajoutée au champ de la réconciliation. De ce fait, le nombre d’entreprises minières faisant l’objet des travaux de réconciliation est porté à 9 sociétés. Le Comité de Pilotage, dans sa réunion du 16 mai 2011, a décidé d’exclure les sociétés de recherche et d’exploration ainsi que les sociétés sous-traitantes pour des raisons aussi valables que l’absence sur une liste ou une base de données exhaustives de ces sociétés.
Au titre de l’exercice 2007, le total des écarts entre les montants déclarés par les entreprises minières et les administrations perceptrices d’impôts et cotisations s’élevait, avant les travaux de réconciliation, à 14 385 455 000 FCFA. Et, à la fin des travaux de réconciliation, la somme des écarts définitifs des flux de paiements entre les montants déclarés par les entreprises minières et les administrations perceptrices d’impôts et cotisations s’élève à 1 834 299 000 FCFA.
Au titre de l’exercice 2008, le total des écarts entre les montants déclarés par les entreprises minières et les administrations perceptrices d’impôts et cotisations s’élevait, avant les travaux de réconciliation, à 16 323 602 000 FCFA. Et, à la fin des travaux de réconciliation, la somme des écarts définitifs des flux de paiements entre les montants déclarés par les entreprises minières et les administrations perceptrices d’impôts et cotisations s’élève, au titre de l’exercice 2008, à 4 368 864 000 FCFA.
Rôle de l’ITIE Mali
" La création de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) a d’abord été annoncée lors du Sommet Mondial pour le Développement Durable à Johannesburg en 2002 (le Sommet de la Terre 2002) et a été lancée officiellement à Londres en 2003. Elle a été fondée sur la reconnaissance du fait que l’existence du pétrole, le gaz et des ressources minérales qui aident à élever le niveau de vie à travers le monde, il existe encore des cas de corruption et des conflits causés ainsi qu’une baisse de la qualité de vie pour beaucoup de pays ou la gestion de ces ressources est inadéquate ", a rappelé avec emphase le Secrétaire permanent, Djibouroula Togola.
D’après lui, le travail de réconciliation des flux des paiements effectués par les entreprises minières et les revenus perçus par l’État, selon les termes de référence, est de faire le rapprochement entre les flux des paiements effectués par les entreprises minières et les concilier avec les revenus perçus par les administrations ou toutes autres personnes morales rentrant dans le champ de la réconciliation, vérifier la conformité de ces flux au regard des régimes fiscaux définis par les conventions d’établissement, faire la situation des avances et des retards de paiement, faire la situation des crédits d’impôts et de taxes et de leurs remboursements.
Il s’agit aussi pour l’ITIE de formuler des modes de collecte de ces données à même d’assurer une parfaite transparence des transactions, faire toute recommandation utile pour corriger les insuffisances et dysfonctionnements constatés dans la mise en œuvre de l’ITIE au Mali et proposer une périodicité des réconciliations que devraient couvrir les missions futures, a-t-il ajouté.
Il est précisé dans les rapports que les centres de perception des paiements dus par les sociétés minières autrement dit les administrations de perception des impôts, droits, taxes et cotisations sont les suivantes : le Trésor Public pour toutes les taxes sur la production et le bénéfice industriel ainsi que la totalité des taxes sur les intrants à l’exception des cotisations sociales. En pratique, il s’agit de la Direction des grandes entreprises et la Direction générale des Douanes. Ensuite, il y a la Direction nationale des Domaines et du Cadastre pour les taxes sur le patrimoine et les dividendes de l’Etat-actionnaire et, finalement, l’Institut national de prévoyance sociale (INPS), selon les Termes de Référence.
Pour ne s’en tenir qu’à cela, le Secrétariat international de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) est satisfait de voir que le Mali a mené à bien les mesures correctives préconisées par le Conseil d’administration et a ainsi réussi à satisfaire aux exigences lui permettant d’obtenir le statut de pays conforme.
La Chambre des Mines du Mali
Que dire de la Chambre des Mines du Mali, une institution dont la mise en place a fait beaucoup de bruits? Aujourd’hui, après un semestre d’existence, aucune action concrète n’a encore été entreprise. Cette institution est encore muette comme une carpe sur la gestion tripartite des ressources minières du pays. Il s’agit de l’Etat, des sociétés minières et de la population civile. Pourtant, elle est censée exister pour cela.
Selon des sources fiables, " la CMM manquerait de soutien financier " et viendrait tout juste de prendre ses quartiers dans le nouvel immeuble du CNPM
" Publiez ce que vous payez "
Initiée en juin 2002 et appuyée aujourd’hui par plus de 300 organisations non gouvernementales, la campagne " Publiez Ce Que Vous Payez " a pour principal objectif d’aboutir à ce que les compagnies extractives (pétrole, gaz et ressources minières) publient, de façon systématique et transparente, le montant des taxes et redevances de toute nature qu’elles versent aux Etats des pays dans lesquels elles sont présentes.
La transparence renforcera la " licence d’opération " sociale des compagnies en démontrant leur contribution positive à la société et en accroissant la probabilité que les revenus générés seront utilisés pour un développement durable. Ce qui crée un environnement stable pour entreprendre plutôt que les revenus soient gaspillés ou détournés par la corruption, ce qui exacerbe les divisions sociales et peut mener à la faillite de l’Etat et aux conflits. "Publiez ce que vous payez" fait campagne pour la publication obligatoire des taxes, des redevances et de tous les versements effectués par les compagnies pétrolières, minières et gazières aux gouvernements et autres agences publiques.
Malgré tout, l’or joue un rôle clé dans le développement socioéconomique
En conclusion, l’implantation des sociétés minières au Mali contribue au développement socioéconomique du pays. Aujourd’hui, l’or joue un rôle clé dans l’économie du pays. Il fait 7 % du PIB, 70 % de nos exportations et pèse environ 200 milliards de FCFA dans les caisses du Trésor public, soit le 6ème du budget national.
Près de 10 000 emplois sont générés par les mines en général et d’ici les dix prochaines années, c’est au moins 5 000 autres emplois qui seront créés avec les autres potentiels miniers et les recherches avancées en cours. Ces chiffres représentent une véritable lueur d’espoir pour les populations longtemps exclues. Car en plus de l’emploi, les mines contribuent fortement à l’amélioration, quelque peu, des conditions de vie des habitants de la communauté d’accueil.
Ainsi l’investissement pour le développement communautaire durable exigé par l’État, apaise l’esprit des autochtones souvent en colère.
De ce fait, des milliards de FCFA sont investis pour la construction des routes, des hôpitaux ou cliniques, des écoles, des forages, des barrages hydroélectriques, le financement de formations, de projets agricoles et d’élevages, protection de l’environnement (reboisement, vérification de l’air et de l’eau). " On a tout intérêt à ce que les mines survivent. Non seulement pour l’économie nationale, mais aussi et surtout pour les populations riveraines ", avait analysé, Amadou Cissé, ministre des Mines, lors de la signature de convention entre l’EDM-sa et la Semos sa pour l’interconnexion électrique afin de prolonger la durée de vie de la mine dans l’exploitation du sulfureux jusqu’en 2025. Mais force est de constater qu’au regard de son formidable potentiel, le secteur des mines, notamment l’or dont les cours s’envolent vers le pic historique des 2 000 dollars l’once, n’a pas encore eu un impact à hauteur de souhait, sur le développement socio-économique du Mali.
Dossier réalisé par Moulaye HAIDARA