En pleine crise politique, le Mali est confronté à un bras de fer social dans les mines d’or de l’ouest.
Dans un pays où le contexte politique est particulièrement instable, difficile de faire entendre sa voix. Depuis juillet dernier, plus de 500 travailleurs maliens des mines de Sadiola et de Loulo ont été licenciés. Des renvois qui, selon eux, auraient été effectués de manière abusive par les sociétés sous-traitantes du géant minier sud-africain, Anglogold Ashanti.
Après la grève des mineurs de Marikana, survenue en août dernier en Afrique du Sud, les manifestations se multiplient dans le secteur minier. Dernièrement, 37 travailleurs ont été arrêtés par la police sud-africaine. Ils manifestaient non loin de la mine de platine de Kroondal au nord du pays, exploitée par la société Xstrata qui avait décidé, une semaine plus tôt, de licencier 400 mineurs pour grève générale.
Une situation qui semble rappeler celle des travailleurs maliens des mines d’or de Sadiola et de Loulo, à l’ouest du pays. A la suite des grèves de juillet dernier concernant les conditions de travail et l’augmentation des salaires dans ces mines du sud-ouest du Mali, des centaines de mineurs ont été licenciés pour arrêt illégal du travail.
Au total, 436 travailleurs et 26 délégués du personnel BCM-Loulo et 27 travailleurs SEMOS- SA Sadiola, sociétés sous-traitantes du géant minier sud-africain, Anglogold Ashanti, sont aujourd’hui sans emploi. Une décision injuste pour Yacouba Traoré, secrétaire général de la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie (FENAME), qui souhaite tirer profit des troubles dans le secteur minier sur le continent pour porter la cause des mineurs.
«Avec ce qui s’est passé à Marikana (en Afrique du Sud ndlr), le secteur minier se trouve dans la ligne de mire. On espère que cela jouera en notre faveur et permettra de remettre en cause les agissements de certains groupes miniers en Afrique».
Le secteur minier est déterminant en pleine crise politique
Depuis le début de la crise, tous les regards semblent s’être fixés sur le nord du Mali, suscitant parfois au sein de la population du sud un sentiment d’abandon.
«Le gouvernement ne se soucie pas de ce qui se passe dans les mines. Il n’a pas pas de pouvoir réel, c’est juste un organe de transition. Cette instabilité est utilisée par les géants miniers comme Anglogold Ashanti qui profitent de la situation et peuvent licencier dans l’impunité la plus totale», s’insurge Fassery Traoré, ancien mineur gréviste de la mine de Morila et membre de la coalition de organisations patriotiques (Copam).
Dans ce pays, troisième producteur aurifère d’Afrique, l’or représente une manne financière. D’après les données du ministère malien des Mines, en 2011, 43,5 tonnes d’or ont été produites. Un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente. Pourtant, malgré cette chute, les revenus aurifères du Mali ont tout de même augmenté de 20%: 240 milliards de francs CFA (366 millions d’euros), soit 15% du produit intérieur brut du Mali et 70% de ses recettes d’exportation.
Un enrichissement financier important que le gouvernement malien, en pleine crise politique, tenterait de conserver à tout prix.
«Les autorités ne peuvent rien faire contre les sociétés minières car elles leur rapportent. Ils dépendent d’elles, surtout en cette période, ils ne peuvent exercer aucune pression», souligne Fassery Traoré.
Un dialogue de sourds
Au Mali, grâce au code minier, les sociétés étrangères bénéficient de nombreux avantages. Elles sont exemptes d’impôts de TVA et de TPS (taxes sur les prestations de services) durant les cinq premières années de leur activité. Une configuration idéale qui permet à ces sociétés d’exploiter avantageusement les richesses du pays. L’Etat malien n’a, dans cette équation, qu’un rôle de percepteur de taxes.
Selon Yacouba Traoré, le Mali perçoit les taxes directes et indirectes de sa participation dans le capital des mines (20% dans la mine de Morila, 20% dans la mine de Yatéla, 20% dans la mine de Sadiola et 20% dans la mine de Loulo). Un rôle qui, de l’avis des mineurs, ne semble pas lui permettre de se dresser contre les agissements de certaines sociétés minières.
Alors quand, dans l’affaire de Sadiola et Loulo, les autorités essayent d’intervenir en faveur des mineurs licenciés pour arrêt illégal du travail, c’est un échec. Pourtant, dans un document daté du 15 août dernier, adressé au directeur SEMOS-SA Sadiola, le ministre du Commerce, des Mines et de l’Industrie regrettait que «la société d’exploitation de Sadiola n’ai pas fait suite à sa requête relative au rappel à l’activité des 27 travailleurs maliens licenciés».
Même discours du côté de la mine de Loulo où le directeur national du travail avait estimé, dans une lettre datant du 30 août dernier adressé au directeur de la BCM-Loulo «que les travailleurs n’ont commis aucune faute professionnelle dans l’exercice du droit de grève qui (…) est consacré à la fois par la constitution et le code du travail».
D’après les documents mis à notre disposition, les sociétés minières qui n’ont pas souhaité s’exprimer, évoquent de leur côté des vices de forme: la lettre de préavis de grève énoncée pour le 18, 19, 20 juillet n’aurait pas été adressée à la bonne personne, à savoir au Directeur régional de la région de Kayes, et de plus celle-ci «laisserait planer de graves incertitudes sur la date effective de la reprise du travail (fixée au 28 juillet)».
Le rôle de l’Etat malien: un simple arbitrage?
Les deux parties restent aujourd’hui campées sur leurs positions tandis que l’Etat tente de jouer un rôle d’arbitre. Ce n’est pas la première fois qu’une telle affaire se produit au Mali. Déjà en 2008, plus de 300 mineurs de la mine de Morila avaient été licenciés par la société sous traitante SOMADEX pour avoir observé une grève de 72 heures. Un scénario identique qui serait en partie dû, selon Fassery Traoé, au non-renouvellement du code minier.
«Ce texte n’est plus à l’ordre du jour. Il y a pas d’uniformité, il est trop lacunaire et donc non applicable. De plus, le code minier est caché aux mineurs. Il n’est jamais disponible».
Depuis quelques années, cet ancien gréviste de Morila, sensibilise les mineurs sur leurs droits. Un travail de longue haleine qui n’est pas prêt de s’arrêter.
En 2013, la société Swiss Bullion Company et l’entreprise malienne, la Pan African Minerals Beneficiation Consultant (PAMBC), comptent ouvrir un nouvelle raffinerie d’or, dans l’enceinte de l’aéroport de Bamako-Sénou. D’après les dires du président de la chambre des mines du Mali, Abdoulaye Pona, sa production industrielle annuelle devrait avoisiner les 106 tonnes d’or dès 2013.
Stéphanie Plasse / slateafrique.com/ 22/11/2012
N’importe quoi: profiter des soulèvements en Afrique du Sud pour…Demandez à ceux qui ont été licenciés à Loulo: ils ne rééditeront jamais leur erreur!
Certains parmis eux cherchent aujourd’hui du boulot pour survivre, quitte pour celà à laver de leurs mains nues des…porc-épics 😆 😆 😆
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