Liquidation et exécution d’une décision de justice : A quoi joue la LTA-Mali ?

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Apparemment, certaines sociétés multinationales au Mali sont au dessus de la loi. C’est le moins que l’on puisse dire au sujet de la société LTA-Mali.   Condamné par conseil d’arbitrage, suite à l’affaire : ‘’Entreprises minières LTA-Mali et Semos contre la Fédération nationale des mines et de l’énergie (Fename)’’, la société d’exploitation minière LTA-Mali refuse toujours d’exécuter la décision de justice rendue depuis le 7 janvier 2013. La multinationale juge cette condamnation démesurée et estime par conséquent pouvoir mettre entre parenthèse l’application de sa condamnation.

 

Une mine d'or
Une mine d’or (photo archives)

En effet, il semblerait que le Mali est le seul pays au monde où certaines personnes payent de leur santé physique et psychique pour les super profits des multinationales. En retour, après des années de service rendu, ils sont tout simplement pressurés au maximum et rejetés comme de vieux chiffons aux ordures. Telle est la triste réalité dans certains sites d’exploitation minière au Mali. Au-delà des abus envers les employés, certaines  sociétés iront jusqu’à défier les autorités maliennes en refusant d’exécuter les décisions de justice. Le cas illustrant est la société LTA-Mali, une des sociétés-mères de l’extraction des mines au Mali.

 

En effet, suite à la décision du 7 janvier 2013 du conseil d’arbitrage, qui condamne la société LTA-Mali à mettre les travailleurs de la Fédération nationale des mines et de l’énergie (Fename) dans leurs droits. En clair, le Conseil d’Arbitrage a décidé que la LTA-Mali procède d’une part au paiement du reliquat de ses rappels d’augmentation de salaire de 7%, soit trente deux (32) mois et d’autre part le paiement-aux travailleurs de la prime de rendement pour l’année 2011. Depuis, la société LTA-Mali refuse catégoriquement d’exécuter la décision du tribunal. En tout cas, cette société, poursuivant sa guerre des tranchées avec la justice malienne, risque de salir encore un peu plus son ardoise.

 

LTA-Mali serait-il mauvais joueur?

Courant 2012, les comités syndicaux de la Société des Mines d’Or de Sadiola (Semos-SA) et du LTA-Mali affiliés à la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie (Fename-Cstm) ont déposé des cahiers de doléances au niveau de leurs entreprises respectives. Le Comité Syndical de LTA-Mali a déposé, le 11 Juin 2012, un préavis de grève.

 

Selon la Fename, l’échec de la tentative de conciliation est imputable à l’Inspecteur du travail qui aurait refusé un report de 48 heures sollicité par les responsables Syndicaux afin de se faire assister par un responsable de la Coordination Régionale Cstm de Kayes.

 

Par contre, l’Inspecteur du travail a estimé que les arguments soutenus par les responsables Syndicaux s’analysaient en un refus pur et simple d’engager des négociations avec la direction de l’entreprise. Aussi, celle-ci sollicita et obtint du Directeur Régional du Travail de Kayes l’autorisation de licencier les 27 responsables Syndicaux pour exercice abusif du droit de grève et volonté manifeste de nuire à l’entreprise.

 

En réaction, la Fédération Nationale des Mines et de l’Energie (Fename) a, au nom des Comités Syndicaux de LTA -Mali et Semos, déposé un préavis de grève de trois (3) jours adressé au Ministre en charge du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle pour les 18, 19 et 20 Juillet 2012. Le Directeur National du Travail, arguant de la complexité des problèmes posés et du risque de débordement sur d’autres zones minières, a appelé à lui le conflit le 16 Juillet 2012. Les responsables des deux sociétés minières ont cependant décliné l’offre de médiation du Directeur National au motif que seule la Direction Régionale du Travail de Kayes demeurait compétente pour gérer lelitige. La Fename déposa alors le 19 Juillet 2012 un préavis de grève de trois jours dans toutes les entreprises minières.

 

Après en avoir délibéré conformèrent aux dispositions des articles L. 228 du Code du Travail, le Conseil d’Arbitrage a rendu la décision dont la teneur suit :

 

Sur le paiement par LTA-Mali du rappel de la majoration de 7% de salaire aux travailleurs sur une période de  32 mois :

Il y a lieu de rappeler que courant 1999, l’Etat malien décidait d’augmenter de 7% le traitement mensuel de ses agents. Cette mesure, a été acceptée et appliquée par toutes les autres entreprises du secteur privé à l’exception de la Société LTA-Mali. En 2010, suite à des négociations, celle-ci signait avec l’Untm un accord portant sur l’application de cette majoration de 7% par le paiement d’un rappel de quatre (4) mois, au lieu de trente six initialement demandé par les travailleurs. L’accord stipulait que les trente deux (32) mois feraient l’objet d’une renonciation par le Syndicat signataire.

 

Le Conseil d’Arbitrage a donc décidé que LTA-Mali procède au paiement du reliquat de ses rappels d’augmentation de salaire de 7%, soit trente deux (32) mois.

 

Sur le paiement par LTA-Mali de la prime de rendement pour l’année 2011:

Il résulte du barème de production que la Société LTA-Mali  a connu en 2011 un dépassement de production par rapport à la prévision sans qu’une prime de rendement ait été payée aux travailleurs. Cette revendication des travailleurs est donc légitime.

 

Le Conseil d’Arbitrage a décidé d’ordonner à LTA-Mali le paiement aux travailleurs de la prime de rendement pour l’année 2011, conformément aux dispositions de l’article 8 de la convention collective des Sociétés et Entreprises Minières, Géologiques et Hydrogéologiques.

 

En effet, le Ministre, après avoir constaté que cette décision du Conseil d’arbitrage n’a toujours pas été suivie d’effet, a demandé au Directeur de prendre les mesures nécessaires pour faire rentrer tous les travailleurs dans leurs droits. Peine perdue, le Directeur n’a pas encore réagi et pis, il aurait refusé de faire connaître aux travailleurs licenciés le contenu dudit Arrêté. Comme s’il foulait aux pieds les décisions prises par nos autorités. Or, pour rappel, le président de la République a soutenu le 27 novembre 2013 lors de session du Haut Conseil National de Lutte contre Sida, en réponse à une question en rapport aux mines d’or, qu’il a donné des instructions par rapport à ces mines. Où sont passées ces instructions ? Quel deal y a-t-il entre le gouvernement et les responsables de mines? En tout cas, ils font la pluie et le beau temps. Tant pis pour les travailleurs qui n’ont rien à envier aux esclaves du moyen âge tellement ils ne peuvent pas s’exprimer librement au risque de se retrouver à la porte.

 

Au-delà des abus, l’injustice est plus profonde

Le problème dépasse la question des poursuites devant les tribunaux et l’inexécution des décisions de justice. La question n’est pas nouvelle et se pose à tout moment au Mali : quand un projet exploite les ressources naturelles ou affecte l’environnement, est-ce que la population locale devrait avoir le droit démocratique de le refuser ? Les lois existantes, édictées par le politique, servent parfois des intérêts minoritaires. Par exemple, dans les cas où l’extraction se fait par l’injection massive de produits toxiques dans l’eau, il faut reconnaître que les peuples ont le devoir de s’opposer. S’ajoutent à cela des enjeux plus politiques, à savoir si les populations concernées en retirent des gains valant la peine et si elles doivent assumer les frais du nettoyage des lieux par après.

 

Est-il réaliste de prévoir, pour 2014, un changement face aux conflits associés aux activités extractives ? Le gouvernement acceptera-t-il d’imposer des normes aux compagnies sous peine de sanctions ? À notre avis, le croire serait mal connaître la puissance des intérêts économiques et financiers en jeu. Toutefois, on peut espérer que les conclusions des tribunaux maliennes en 2014 vont dissuader quelques hommes violents.

 

La balle est dans le camp du gouvernement pour nous épargner certaines pratiques qui remettent en cause nos propres textes au profit des pratiques malveillantes.

 

En attendu il serait mieux de mettre dans leur droit les travailleurs, qui jusque là, broient du noir.

 

Ibrahim M.GUEYE

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