La mission internationale d’enquête et l’exploitation minière et les droits humains – Troisième producteur d’or en Afrique : Le Mali ne récolte que des poussières

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RÉSUMÉ

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L’exploitation minière et les droits humains : «Il n’y a rien de si extravagant que de faire périr un nombre innombrable d’hommes pour tirer du fond de la terre, l’or et l’argent ; ces métaux d’eux-mêmes absolument inutiles, et qui ne sont des richesses que parce qu’on les a choisis pour en être les signes»

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Montesquieu, «Lettres persanes»

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“Si nous ne faisons pas en sorte que la mondialisation profite à tous, elle finira par ne profiter à personne” Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies

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Depuis 1990, l’extraction d’or est devenue une activité économique majeure du Mali, et la deuxième source de revenus d’exportation après le coton. Cette rapide croissance a suscité de nombreux espoirs de développement, espoirs encore renforcés par le boom du cours de l’or sur les marchés mondiaux depuis quelques années.

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Activité économique à fort potentiel, l’exploitation de l’or pourrait en effet contribuer à l’amélioration de la situation des droits de l’Homme en créant de l’emploi dans le secteur minier et en ayant un effet d’entraînement sur d’autres secteurs de l’économie. Elle devrait également améliorer les ressources de l’Etat, et donc sa capacité à assumer des dépenses utiles pour la société (éducation, santé, infrastructures, etc.). Enfin, l’implantation d’une industrie extractive s’accompagne souvent de programmes de développement locaux destinés à atténuer ou compenser les effets, notamment environne­mentaux, de l’activité minière.

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Pourtant, sur tous ces aspects, la contribution du secteur minier au développement malien est très faible, voire négative.

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Les entreprises minières mettent sur le devant de la scène leurs actions volontaires en faveur des communautés locales, menées au titre de leur “responsabilité sociale et environnementale” (RSE), alors même que ces programmes n’ont que des résultats limités et parfois pervers ; dans le même temps, elles obtiennent des exemptions fiscales et sociales leur permettant de tirer le meilleur profit de leur activité, et vont parfois jusqu’à commettre des violations des réglementations existantes lorsque celles-ci leur paraissent trop contraignantes.

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Par ailleurs, le fonctionnement même du secteur aurifère malien a peu d’effet d’entraînement sur le reste de l’économie. Ce secteur est en effet largement coupé des autres secteurs économiques et complètement tourné vers l’exportation. A côté de la monoculture du coton, le Mali a ainsi développé une “monoculture de l’or”, autre ressource primaire destinée à être transformée et commercialisée à l’étranger. Ce qui est en cause ici, c’est le modèle de développement économique mis en ouvre par les gouvernements successifs, sous l’influence des institutions financières internationales.

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Enfin, cette situation tient à la position de faiblesse et à l’ambivalence de l’Etat, qui a pourtant la responsabilité première des orientations données au développement national et de la réalisation des droits économiques et sociaux de la population. Alors même qu’il est doté de peu de moyens et qu’il connaît une corruption endémique, l’Etat malien voit son rôle affaibli par le fonctionnement du secteur minier, dans lequel il est passé du rôle de propriétaire à celui de régulateur et percepteur d’une part, et d’actionnaire d’autre part.

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Le code minier de 1991, qui a marqué le tournant libéral dans la politique minière du Mali, réserve à l’Etat une part minoritaire du capital des sociétés d’exploitation minière.

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L’Etat est donc systématiquement actionnaire minoritaire des mines d’or du pays, aux côtés des grandes entreprises internationales. Cette situation place l’Etat dans une position schizophrène : il est à la fois régulateur et régulé, percepteur et contribuable, instance de contrôle et acteur économique.

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Cette situation est d’autant plus dommageable qu’il existe de forts conflits d’intérêts entre ses différentes fonctions.

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Ainsi, tandis que l’Etat-percepteur a intérêt à maximiser les recettes fiscales donc les taxes imposées aux entreprises,l’Etat actionnaire a intérêt à maximiser ses profits après impôts, donc à voir minorer la fiscalité. La durée de vie d’une mine est sans doute le terrain où les intérêts divergents de l’Etat et des opérateurs économiques s’opposent le plus clairement. La franchise fiscale incite en effet les entreprises à surexploiter les réserves de la mine pendant la période initiale de cinq ans pendant laquelle elles ne paient aucune taxe.

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En assignant ainsi deux rôles divergents aux mêmes représentants de l’Etat, la réglementation malienne, élaborée sous la férule des bailleurs de fonds internationaux, contraint le gouvernement à un grand écart permanent et neutralise sa capacité à défendre les intérêts du peuple malien. Cette dualité a été officiellement dénoncée dans un rapport de la Direction générale de la Géologie et des Mines de 2004 : “la Commission constate que le contrôle effectué sur les sociétés par ces structures (les Ministères) a toujours été fait dans le cadre de l’Etat partenaire au détriment de l’Etat puissance publique”.

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Dans des cas de conflit du travail ou de pollution environnementale, l’Etat malien a ainsi pris le parti des entreprises ou ignoré les violations dont elles étaient responsables.

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Faute de le pouvoir ou de le vouloir, l’Etat ne remplit donc pas son rôle de régulation et de contrôle de l’activité des entreprises, ni de répartition des revenus nationaux au bénéfice de la population. Les entreprises minières, quant à elles, sous la pression des organisations de la société

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civile malienne et de la communauté internationale, adoptent des mesures visant à répondre aux critiques dont elles sont la cible, notamment en mettant en place des fonds de développement communautaire. Ces programmes sont pourtant loin de constituer une panacée:

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ils ne sont pas toujours participatifs, ne s’inscrivent pas dans le long terme et servent trop souvent à camouflercertains manquements des entreprises à leurs obligations légales.

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Quinze ans après le début du boom de l’exploitation aurifère au Mali, la population attend encore de pouvoir réellement bénéficier de ses retombées, que ce soit dans l’industrialisation, en ce qui concerne le marché de l’emploi, l’état des finances publiques, ou le niveau des dépenses sociales. Le Mali a offert aux investisseurs internationaux un environnement propice à leur enrichissement mais qui ne garantit ni le respect des droits fondamentaux, ni l’amélioration à long terme des conditions de vie de la population.

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La FIDH  recommande

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– à l’Etat malien

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– d’assumer pleinement ses fonctions de puissance

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publique notamment pour faire respecter sa réglementation (code minier, législation sociale, règles fiscales) et de contrôler les activités des entreprises.

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– d’assurer l’intégration d’obligations sociales et environnementales lors de la négociation et de la mise en oeuvre d’accords d’investissement et dans les révisions dont le code minier fera l’objet à l’avenir, ainsi que les moyens de leur respect.

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– de faciliter l’adoption d’une convention collective offrant une protection étendue des droits des travailleurs du secteur minier.

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– de mettre en oeuvre ses engagements liés à l’EITI et en particulier de faire réaliser par une société d’audit un rapprochement des revenus déclarés par les compagnies minières et par les différents organismes collecteurs de l’Etat, de publier les revenus reçus des sociétés et d’intégrer la société civile à la conception et au suivi du processus d’exécution de l’initiative.

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Aux entreprises minières présentes au Mali

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– de s’abstenir de solliciter des exemptions aux obligations que fixe la législation malienne, notamment en matière fiscale ; aux termes des Principes directeurs de l’OCDE sur les entreprises multinationales, ces entreprises doivent “s’abstenir de rechercher ou d’accepter des exemptions non prévues dans le dispositif législatif ou réglementaire concernant l’environnement, la santé, la sécurité, le travail, la fiscalité, les incitations financières ou d’autres domaines“ ;

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– de publier l’ensemble des chiffres concernant la production minière et les paiements effectués à l’Etat;

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– de se soumettre pleinement à la législation malienne, notamment en respectant la législation sociale, en payant en temps voulu les taxes et dividendes dus à l’Etat, et en respectant les dispositions environnementales du code minier.

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Aux institutions financières internationales et aux autres bailleurs de fonds

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– de ne pas inciter l’Etat malien à établir des dispositions en faveur des investissements étrangers contrevenant à ses obligations internationales en matière de respect, protection et promotion des droits de l’Homme.

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– d’adopter des règlements visant la protection des droits humains et de l’environnement et de ne pas fournir des garanties financières aux entreprises dont les projets d’exploitation et de réhabilitation après fermeture de la mine ne respectent pas les exigences sociales et environnementales adoptées.

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Depuis quelques années le cours de l’or connaît un boom incroyable sur les marchés mondiaux. Mais à qui profite cette augmentation des cours ? Les pays producteurs d’or dans le Sud sont parmi les plus pauvres de la planète. Le Mali, troisième producteur d’or d’Afrique, est le 175ème pays (sur 177) sur l’échelle du développement humain. Au Mali, l’exportation de l’or a dépassé celle du coton dans le PIB de l’Etat et pourtant la croissance du PIB a chuté en 2004 et peine à retrouver son niveau antérieur en 2005 et 2006. Le Mali continue de montrer un taux d’analphabétisme de 70%, et 90% de la population vit avec moins de 2$ par jour.

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Alors comment le boom extractif contribue-t-il au développement du Mali ? Ou simplement, l’extraction de l’or contribue-t-elle au développement du Mali ?

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Sont évidemment dans la ligne de mire pour ce bilan mitigé, les entreprises du secteur qui bénéficient de généreuses exonérations de taxes, qui distribuent au compte goutte une aide aux communautés et qui contournent les droits syndicaux. Et pourtant, l’analyse est plus complexe. La réalisation des droits économiques et sociaux engage la responsabilité de l’Etat: cet Etat a-t-il la volonté ou le pouvoir de mettre en oeuvre ces droits ?

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1) Présentation

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de la mission

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de la FIDH

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Lors du Forum social mondial «polycentrique» de Bamako, en janvier 2006, la FIDH, le secours catholique et le Centre d’études sur le droit international et la mondialisation à Montréal (CEDIM) ont organisé un atelier sur la question de «la responsabilité sociale des entreprises dans l’exploitation des ressources naturelles en Afrique», au cours duquel des anciens grévistes de la mine de Morila sont intervenus pour dénoncer la détention prolongée de 9 de leurs camarades et anciens mineurs de Morila depuis plus de quatre mois. L’affaire des mineurs de Morila s’est propagée jusqu’en Europe puisqu’une des filiales de Bouygues BTP est sous-contractée dans l’exploitation de cette mine et se trouve au coeur du conflit avec les travailleurs.

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La FIDH a décidé

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de mener l’enquête en mandatant le

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Président de l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) pour recueillir des informations sur ce cas en avril 2006. La mission a fait état notamment de conditions de détention déplorables et de retards non-justifiés dans le processus de la justice.

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La FIDH a alors envoyé une nouvelle mission au mandat élargi chargée d’enquêter sur le respect des droits économiques et sociaux dans l’extraction de l’or au Mali et au Burkina Faso. Le présent rapport traite de la situation au Mali, la question des mines au Burkina Faso fera l’objet d’une publication distincte.

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La mission internationale d’enquête de la FIDH se composait d’Isabelle Gourmelon, journaliste économique indépendante (France) et spécialiste de l’Afrique, d’Aurélie Arnaud, coordonnatrice du CEDIM et de Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO-Katanga, Association africaine de défense des droits de l’homme à Lubumbashi en République démocratique du Congo et spécialiste des questions minières.

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La mission s’est déroulée du 4 au 18 juin 2006 , les chargés de mission ont passé 12 jours au Mali et 4 jours au Burkina Faso. La mission a pu se dérouler grâce au soutien des organisations membres de la FIDH l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) et du Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP). Au Mali, les chargés de mission ont

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rencontré les différents acteurs impliqués dans l’activité minière : entreprises, représentants des travailleurs et des communautés locales, autorités locales et nationales, ONG. La mission s’est également entretenue avec le Parlementaire qui a présidé la Commission parlementaire sur les mines devant l’Assemblée nationale (liste des personnes rencontrées en annexe). La mission s’est rendue à Bamako, Morila et Bougouni Dans le cadre d’une enquête plus approfondie sur « l’affaire de Morila «, la FIDH a voulu rencontrer tous les partenaires sociaux impliqués : les représentants des différentes sections syndicales du Mali chargées de l’industrie minière, du syndicat national aux syndicats des entreprises exploitantes de Morila : Morila S.A et la Somadex, l’inspecteur du travail de Sikasso en charge de l’approbation des licenciements et des avis de grève, le juge de Bougouni en charge des dossiers des 32 mineurs

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INTRODUCTION

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Arrêtés dans l’affaire de l’explosion des bus de la Somadex, les prisonniers, l’ancien secrétaire général du comité syndical de la Somadex, les anciens grévistes de la Somadex, les responsables des ressources humaines de la Somadex. Dénouer l’histoire de l’emprisonnement des 9 anciens grévistes s’est révélé être une tâche importante qui a permis de mieux comprendre et d’approfondir les relations de travail entretenues dans le milieu de l’exploitation minière, de rencontrer les travailleurs et d’aborder leurs revendications.

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2) le mirage  de l’or au Mali

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A/ Une économie sous influence

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La tradition aurifère malienne se perd à travers les âges.

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Mais l’ère industrielle de l’exploitation ne commence que timidement dans les années 80. C’est alors aux Soviétiques que le Président socialiste Moussa Traoré confie de chercher de l’or. Sans brillant succès. La mine de Kalana, ouverte en 1984, est un échec économique ; la société exploitante (Sogemork) sera dissoute en 1992.

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Depuis la chute du mur de Berlin, ce sont les Sud-africains qui investissent le sol malien où ils systématisent l’extraction industrielle. En 1990, la mine de Syama inaugure le début de cette nouvelle ère. Primaire, l’économie malienne se décline en blanc et jaune. En 1999, pour la première fois, l’or dame le pion au coton en tête des exportations maliennes. Depuis, il s’est invité durablement sur le devant de la scène politique en devenant pour les Maliens le symbole aveuglant d’une richesse nationale dont ils ne profitent pas. 94 % de l’or est exporté, le reste sert à la joaillerie locale, selon l’administration malienne3.

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En 2001, pour la première fois, la seule richesse extraite du sol malien contribue à plus de la moitié des revenus d’exportations4. Revenus qui eux-mêmes augmentent plus vite que les importations, minorant ainsi le déficit de la balance commerciale malienne. Cette amélioration du solde commercial malien est saluée unanimement par les économistes comme l’un des seuls signes positifs pour l’économie malienne.

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Pendant ce temps, la filière cotonnière, étouffée par les subventions publiques des cotons européens et américains, s’effondre. Bilan sans appel : en 1996, l’or génère 18 % des exportations maliennes. Le coton, 61 %.

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Six ans plus tard, en 2002, la tendance s’est complètement inversée : l’or génère 65,4 % des exportations faisant du Mali un des pays les plus «accrocs» au métal jaune. Le coton, 22,4 %. Les exportations d’or devraient croître de 6 % à 7 % en 2006. Au total entre 1997 et 2005, les exportations aurifères du Mali se sont élevées à 2.290 milliards de francs CFA (100 Fcs CFA = 0,15€).

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Dans les zones minières, la guerre des ors est bien réelle. A Sanso, le village mitoyen de la mine de Morila à 200 kilomètres au sud de la capitale Bamako, les surfaces cotonnières cultivées ont chuté de 68,4 % en l’espace de cinq ans, entre 1999 et 2004, la mine occupant les champs et les ouvriers agricoles avec pour conséquence la disparition des trois quarts des exploitations.

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Cette domination de l’or dans les exportations s’étiole au sein de l’économie nationale. En effet, au Mali, le coton nourrit 3,3 millions de personnes travaillant dans 200.000 exploitations. Alors que les mines industrielles emploient 12.000 personnes, soit à peine un dixième de la masse salariale du secteur formel. C’est l’orpaillage traditionnel qui crée le plus d’emplois : 100.000 chercheurs d’or, selon le FMI et 200.000 selon la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM).

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En 2004, le secteur minier a créé 7 % de la richesse nationale (PIB évalué à 1.282,5 milliards de francs CFA par le FMI) : c’est à peine plus que l’élevage et la pêche (6 %), moins que l’industrie (11 %) et relativement peu par rapport aux secteurs des transports et du commerce (28 %). Mais cette part croit ; selon la Banque mondiale, les mines représentaient 1,9 % du PIB en moyenne entre 1984 et 1993 alors que dans le même temps l’agriculture était à l’origine de 44 % du PIB et l’industrie de 5,8 %. Autre point de comparaison, au cours des vingt dernières années, l’aide extérieure a représenté en moyenne 20 % du revenu national, ce qui correspond au financement des huit dixièmes des investissements réalisés au Mali.

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Sur le front de la croissance, la loi de Finances pour 2006 prévoit que : «la croissance économique devrait s’élever cette année à 6 %, grâce en particulier à l’ouverture de nouvelles mines». Cette corrélation entre la hausse de la production d’or et la croissance était particulièrement prégnante jusqu’en 2002, année record avec 66 tonnes d’or extraites. La Banque mondiale affirme que depuis 1998, et son premier examen des politiques commerciales malienne, «l’augmentation de la production et des exportations de l’or, devenu la première source de recettes de l’exportation du Mali, ont permis la réalisation d’un taux de croissance économique moyen de l’ordre de 5,2% (1998-02)».  Mais en 2004 déjà, la situation semble s’être inversée puisqu’au même titre que l’agriculture, même si les proportions sont moindres, le secteur aurifère tire la croissance malienne vers le bas ; selon les experts de l’OCDE, ces deux secteurs ont eu en 2004 une contribution négative (- 1,9 % pour l’agriculture et -1,1% pour les mines). Cette année-là, les relais de croissance étaient à chercher dans les transports, le commerce, l’industrie manufacturière, l’élevage, ou encore le BTP.

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En somme, la part de l’or dans l’économie malienne n’a cessé de croître mais dans des proportions insuffisantes pour sortir le Mali de la «trappe à pauvreté» qui l’aspire depuis vingt ans.

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B/ Cartographie de l’or malien

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En 2003, avec 54,5 tonnes extraites, le Mali devient le troisième producteur d’or d’Afrique loin derrière l’Afrique du sud et le Ghana, mais devançant la Tanzanie. Son rang mondial reste modeste : une treizième place. En cinq ans, pendant la deuxième moitié des années 90, la quantité d’or extraite au Mali a doublé.

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Extrême  concentration :  3 mines principales

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Trois mines fétiches

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Son succès aurifère des cinq dernières années, le Mali le doit à seulement deux mines. Mais quelles mines ! Sadiola et Morila ont produit, entre 1999 et 2003, à elles seules 83 % de l’or malien. En 1991, lors de sa découverte par IAMGold à 600 kilomètres au nord de Bamako, Sadiola est saluée par les experts comme la «mine la plus prometteuse de l’année». Celle de Yatela, inaugurée en 2001 (soit cinq ans après la mise en exploitation de Sadiola), n’est qu’à 25  kilomètres au nord de Sadiola, proximité qui les fait partager certains coûts et permet de qualifier la seconde de satellite de la première.

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En 2002, le Mali doit un pic de production à une surprise : l’or de Morila est beaucoup plus riche que prévu atteignant des teneurs exceptionnelles (supérieures à 5g/t). Cette année-là, elle fait sortir de terre en trois semaines un quart de la production annuelle malienne.

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En 2005, Yatela a produit 98.000 onces d’or, Sadiola 442.000 onces et Morila 655.000 onces (réserves évaluées à 3 millions d’onces). Ensemble, leurs réserves sont évaluées à environ 350 tonnes d’or. Sans nouvelles découvertes majeures, Sadiola et Morila devraient fermer leurs portes avant la fin de la décennie, Morila voir sa production décroître dès 2008 et fermer en 2013.

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L’avenir, c’est Loulo, sise à 350 kilomètres au nord-est de la capitale Bamako. Lors de sa construction en 2004, «another star is born», clament les experts. Ouverte officiellement en novembre 2005, elle devrait produire 250.000 onces d’or par an pendant six ans, avant que ne débute son exploitation souterraine. Ses réserves sont évaluées à 9 millions d’onces et sa fermeture programméeen 2020.

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Le reste en friche

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Mais au Mali, plus qu’ailleurs, les chercheurs d’or s’attendent à de moins en moins de surprises. Avec des réserves évaluées officiellement à 800 tonnes d’or, le Mali n’est pas l’eldorado que laisserait penser ses trois mines «vitrines». «Dans la tradition malienne, le métal jaune appartient aux diables. Il se fait voir quand ils sont contents et disparaît quand ils sont frustrés». Ils devaient être très heureux en 1324, quand l’empereur Kankou Moussa provoqua le premier crack mondial en inondant son parcours vers La Mecque d’or (8 tonnes transportées à dos de dromadaires). Ils le seraient donc moins aujourd’hui. Grâce à la mise en production de la mine de Loulo, la production d’or malien en 2006 a dépassé 58 tonnes, soit une augmentation de plus de 18% par rapport à 2005, flirtant même avec le record de 63 tonnes enregistré en 2002 ; mais aucune des mines découvertes aujourd’hui n’est en mesure d’inverser la tendance à la baisse qui en 2011 conduirait à une production sous la barre des 35 tonnes. Pour endiguer la chute, il faudrait produire 20 tonnes d’or de plus chaque année, ce qui nécessiterait de lourds investissements, mais surtout de chercher.

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Or, «toutes les découvertes actuelles sont connues depuis l’Indépendance», reconnaît le ministre des Mines, Ahmed Diane Semega. Morila a été découverte grâce au soutien de la coopération belge et Sadiola du Fonds européen de développement (FED). Même la petite dernière Loulo, dont le deuxième puits baptisé Gara, a été révélé par le Syndicat de l’or en 1981. Avec seulement 19 permis activement sondés sur les 165 octroyés, le sous-sol malien ne semble pas prêt à révéler ses trésors. A titre de comparaison, «l’eldorado» burkinabé, qui compte 5 des 16 mines jugées les plus prometteuses de la région à l’horizon 2010, avec pour l’instant 30 détenteurs de permis d’exploration, est exploré sur 14 sites. Le Ghana voisin, lui, fait le plein avec 27 sites d’exploration réelle sur 212 permis. Seules 6 des 133 régions potentiellement riches en minerais divers du Mali sont cartographiées. Mais déjà le pays est considéré par les opérateurs comme mature. Pour que le panorama soit complet, citons encore les mines de Syama, au sud du pays. Mise en sommeil par Randgold Resources en 2001après onze ans d’exploitation (dont les cinq premières assurées par l’Australien BHP), celle dont les réserves sont encore évaluées à 45 tonnes d’or a été rachetée par un groupe australien, Resolute Mining. Et les mines de Tabakoto, découverte par Nevsun Resources (Canada), inaugurée en mai 2006 et Kalana en novembre 2006. Elles affichent des réserves de 441.000 onces d’or qui seront exploitées par la Somika (dont l’Etat détient 20 % et Avnel Gold Limited 80 %) durant 12 à 20 ans. Quelque 6 milliards de francs CFA ont été investis25. Mais, elles ne sont pas de taille à endiguer la décroissance programmée de la production d’or malienne.

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L’orpaillage  est d’or26

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L’orpaillage artisanal est ancestral en Afrique sub-saharienne. Mais, depuis vingt ans, la fièvre de l’or s’est emparée de ses paysans comme une traînée de poudre, du Ghana, au Niger, au Burkina-Faso en passant par le Sénégal et la Guinée. Au Mali, ils extraient environ 2,5 tonnes d’or par an, selon le consensus d’estimations souvent très approximatives. C’est deux fois moins que dans les années 1980, se souviennent les géologues. Les chercheurs d’or (qui seraient entre 100 000 et 20 0000) n’hésitent pas à parcourir souvent des centaines de kilomètres, à s’expatrier parfois, à la recherche du bon filon. Souvent sur un simple oui-dire. L’orpaillage est exercé depuis toujours dans les régions du Bambouck et du Bourré, mais s’est étendu de nos jours à 350 sites, selon la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM), qui vante même l’organisation, souvent méconnue, des mines artisanales : un «daman­tigui», chef ou propriétaire de la mine, est assisté de sa «tomboloma», police de la mine. Et cela bien sûr en dehors de tout contrôle étatique.

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Dans la région de Kéniéba, les femmes représentent 90 % des travailleurs miniers (remontée, transport du minerai, broyage, lavage, aucune activité ne leur est interdite). La commission de l’énergie et des mines de l’Assemblée nationale constate l’incapacité des collectivités territoriales à délivrer les autorisations d’exploitation artisanales, pourtant obligatoires pour chercher de l’or au Mali, en vertu de l’article 57 du code minier. Présidée par Tiémoukou Dembélé, député de cette région, la commission a consacré une part majeure de son rapport au placer (lieu d’orpaillage) de Massioko, à la lisière du fleuve Bagoé qui sert de frontière avec la Côte d’Ivoire, et à sa cohorte de maux !

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En juin 2005, au plus fort de la ruée, la population du village explose : de 15 000 habitants à 85 000 personnes. Et finit par se stabiliser, à la faveur des désillusions, autour de 40 000 âmes. A cinq kilomètres de là, le placer remplace 1.000 hectares de forêts et de savanes ; même le fleuve voisin s’enlise sous les boues de tamisage, résidus du lavage de l’or. Les maladies se propagent (VIH/sida, méningites, choléra) dans une population dont moins de 10 % a accès à l’eau potable, sans que l’infirmier, la matrone et ses trois aide-soignants ne parviennent à soigner sous le hangar bâché de leur dispensaire, une population comparable à celle d’une ville française moyenne comme Gap, la préfecture des Hautes-Alpes.

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A Suivre…

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