« Parce qu’il n’a pas les moyens d’extraire son or et que la Banque Mondiale en a décidé ainsi, le gouvernement malien n’est qu’un actionnaire minoritaire des entreprises exploitantes, présentes sur son sol », déplore la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH). Dans un rapport d’enquête publié il y a cinq ans, elle lève un coin du voile sur la gestion, faite de l’or malien par les multinationales.
Avec une production de 54,5 tonnes d’or en 2003, le Mali se classe au 3e rang africain, après l’Afrique -du Sud et le Ghana. En dépit de sa richesse en or, le Mali se classe, aussi, parmi les pays les plus misérables de la planète. Sur l’échelle du développement humain, il occupe le 175e rang sur 177 pays.
Pire, 90 % de sa population vit avec moins de deux dollars par jour. Sur les sites miniers, les populations locales sont victimes des vapeurs cyanhydriques : fausses couches, asthénie, céphalées, goitre, destruction de la flore et de la faune …
Il y a sept ans, des populations entières de singes et d’oiseaux rares ont été décimés. Soit, pour avoir bu l’eau, soit pour avoir brouté l’herbe contaminée par le cyanure, en divagation dans la nature.
Pendant que le cours de l’or monte sur les marchés internationaux, les conditions de vie des populations, elles, se dégrader.
A l’origine de ce paradoxe, un plan diabolique mis en place par la Banque Mondiale. Et, plus grave, au profit des multinationales.
Surendetté, le Mali n’a d’autre choix que de se soumettre au Programme d’Ajustement Structurel (PAS). Une ordonnance, prescrite à notre pays, par les institutions de Breton –Wood. C’était, dans les années 80.
Pour la Banque Mondiale, les Etats africains sont inaptes à disposer d’une industrie minière. C’est-à-dire, trop pauvres pour assumer des investissements liés aux capacités techniques et à la gestion des industries minières. Du coup, son diagnostic tombe. Comme un couperet : exiger de nos pays qu’ils se dotent d’un code minier attractif. En clair, un code minier qui profite aux multinationales.
Ainsi en 1995, 35 pays africains ont reformé leur code minier.
Au Mali, c’est effectif depuis 1991. Car la Banque Mondiale menaçait les autorités maliennes de fermer le robinet à sous.
L’Etat malien et la portion congrue
La brèche étant ouverte, les multinationales s’y engouffrent. Avec leurs capitaux sous le bras. Au rang de celles –ci, une quinzaine d’entreprises canadiennes appelées « juniors ».
A en croire le rapport d’enquête de la FIDH, ces « juniors » lèvent à la bourse de Toronto, des fonds destinés à l’Afrique. Notamment, au secteur minier.
Une fois que ces « juniors » découvrent le précieux métal dans un pays africain, ils s’allient avec d’autres sociétés minières pour l’exploiter.
Au Mali, trois multinationales détiennent le monopole de l’or : Anglogold Ashanti avec 38 % de la mine de Sadiola, 40 % de la mine de Yatela et 40 % de la mine de Morila. Rangold, avec 40 % de la mine de Morila, et 80 % de la mine de Loulo. Enfin, Iamgold, qui détient 38 % de la mine de Sadiola et 40 % de la mine de Yatela.
Cette gestion, pour le moins, mafieuse de l’or malien, relègue l’Etat malien au rang de paria. Avec, seulement, 20 % des capitaux par mine, au sein des multinationales. Qui décident de tout : l’exploitation de l’or, son raffinage, et sa commercialisation sur les marchés mondiaux.
Sur ce plan, indique le rapport de la FIDH, la mine de Morila en est la parfaite illustration. En juillet 2000, explique t –il, Rangold cède 40% de son permis d’exploitation à Anglogold. Ensemble, ils créent Morila limited qui, avec l’Etat malien, actionnaire à hauteur de 20 %, donnera naissance à une société fantôme, dénommée Morila –SA. C’est cette dernière, qui rémunère Anglogold Ashanti services Mali SA, comme opérateur minier. Ainsi 1% des ventes d’or lui reviennent au titre de frais de gestion. A titre d’exemple, cette société fantôche a perçu, en 2005, un million de dollars ; 800.000 dollars en 2004, auxquels s’ajoutent 400.000 dollars de frais de consultation. Pour avoir fait quoi ? Rien ou presque.
Autre exemple de la gestion mafieuse de l’or malien, selon les enquêteurs de la FIDH : Morila SA, à son tour, ne traite que le minerai extrait. Son extraction, elle, est confiée à une autre société, dénommée SOMADEX.
Filiale du Groupe français Bouygues, cette société s’attribue la part du lion. Pour avoir investi, seulement, dans le matériel d’extraction du minerai.
Voilà, schématiquement, comment les fonds, générés par l’or malien, sont repartis entre les multinationales et les sociétés, dites de sous-traitance. De ce pactole, l’Etat malien n’y voit que de la poussière… d’or.
Les retombées de l’or se font, encore, attendre
Selon un rapport élaboré, il y a quelques années, par la Commission de l’Assemblée nationale, les quatre mines industrielles du Mali ont, en neuf ans d’exploitation, injecté 690 milliards CFA dans l’économie malienne. Soit, l’équivalent de 76 milliards CFA par an.
Sur cette manne financière, le trésor public a empoché 341 milliards CFA, en taxes et impôts. Les fournisseurs des mines, 294 milliards CFA. Les ouvriers des mines, 45 milliards CFA.
A en croire les enquêteurs de la FIDH, ces sommes cumulées ne représentent que 6,5% des fonds générés par l’or malien, sur les marchés internationaux.
Quant aux populations, installées sur les sites miniers, elles n’ont bénéficié que de 9 milliards CFA, en neuf ans d’exploitation des quatre mines industrielles du Mali. Soit, l’équivalent de 1,3 % des fonds générés par l’or.
Conséquence : le Mali reste pauvre. Très pauvre. Neuf Maliens sur dix vivent, selon le rapport de la FIDH, en dessous du seuil de pauvreté.
L’espérance de vie est de 48 ans. Et la mortalité infantile, estimée à 122 pour 1000 nouveaux nés.
Bref le Mali ne profite guère de son or. Vingt ans après le boom de l’exploitation aurifère, la population attend, toujours, de bénéficier de ses retombées.
Le Mollah Omar
LE MALI : UN FILON POUR LES SOCIETES MINIERES
L’or malien est le moins cher d’Afrique. Mais aussi, le plus facile à exploiter. Mais ses retombées, sur l’économie nationale sont insignifiantes. D’où la nécessité de renégocier les contrats, signés avec les multinationales.
Les retombées de l’or, sur l’économie nationale, se déclinent en termes de taxes, d’impôts, de salaires des travailleurs des mines… Outre l’exploitation et la commercialisation de l’or malien, les multinationales continuent, contre toute attente, de bénéficier d’exonérations sur les hydrocarbures. Ce qui engendre, pour la Douane, des pertes de recettes, estimées à 40 milliards CFA par an. Plus grave, les multinationales sont exemptes d’impôts et taxes, durant les cinq premières années de leur installation.
Pourtant, selon le rapport d’enquête de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme(FIDH) sur l’exploitation des mines d’or du Mali, l’or du Mali est le moins cher d’Afrique, pour que l’Etat malien accorde d’autres avantages aux multinationales. Moins cher, parce que les mines d’or du Mali sont à ciel ouvert, donc faciles à exploiter. Moins cher, aussi, parce que les travailleurs des mines sont les plus bas d’Afrique. Autant de facteurs qui rendent les mines d’or du Mali plus compétitives. Comme en témoignent les comptes mondiaux d’Anglogold-Ashanti qui exploite les mines d’or de Morila et de Sadiola : les cash cost de l’or, au Mali, s’élèvent à 220 dollars l’once. A ce prix, le métal jaune malien est moins cher, de 80 dollars, que l’or de Tanzanie ou de la Guinée-Conakry. Aussi, l’or malien est moins cher de 100 dollars que celui de la Namibie. Et moins cher de 110 dollars que l’or du Ghana.
LE MALI, UNE VACHE LAITIERE POUR LES MULTINATIONALES
Les coûts de production du métal jaune malien sont les bas du continent africain. Les bénéfices, réalisés par les multinationales, ne cessent de croître. En 2003, l’once d’or coûtait 108 dollars sur le marché international. En 2004, elle est passée à 230 dollars. Et, en 2005, elle coûtait 245 dollars.
Or, en 2007, l’once d’or coûte plus de 320 dollars sur le marché international, alors que son coût de production est estimé à 95 dollars. Les bénéfices, réalisés par les sociétés minières, sont immenses. Mais leurs retombées sur l’économie nationale tardent à se faire sentir.
D’où la nécessité, pour l’Etat malien, de renégocier les contrats signés avec les multinationales. Comme l’a fait le Niger voisin, avec le Groupe français, AREVA. Cette multinationale achetait le kilo d’uranium à 24000 CFA avec l’Etat nigérien pour le revendre à 125000 CFA sur le marché international. Le gouvernement malien ne peut échouer là où, son homologue nigérien a réussi. Tout est une question de volonté politique. Une question de volonté, tout court.
Le Mollah Omar