Kéniéba : leurres et lueurs de l’or

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orpaillage
Un site d’orpaillage local (photo Kayes infos)

Le sud ouest de la région de Kayes, de Sadiola à Kéniéba jusqu’aux frontières guinéenne et sénégalaise, est réputé depuis des millénaires comme une zone aurifère par excellence. Le pays de Massa Moussa, le légendaire neveu de Soundiata Keïta, dont la mémoire collective retient encore le pèlerinage doré à la Mecque,  reste toujours pour beaucoup de gens un eldorado aux réserves d’or inépuisables.

 

Aujourd’hui, les jeunes de notre pays et de plusieurs pays de la sous région (Guinée, Sénégal, Burkina, Ghana, Nigéria, Côte d’ivoire  etc.) arrivent par centaines tous les jours dans les sites aurifères qui poussent partout aux flancs de collines comme des champignons. Le spectre du filon nourrit les espoirs de tous. Quelque soit le temps,  la galère, une fois gagné on en finit avec la misère, la pauvreté, les soucis ! croit fermement chacun des jeunes qui débarque et dont le seul viatique est l’espoir de trouver un jour le métal précieux. Tous les témoignages s’accordent : « je suis là depuis deux ans, affirme un jeune qui refuse de donner son nom, mais le jour que je vais gagner je serai immédiatement riche », « C’est toujours mieux que de rester en ville où n’a rien à faire, un homme doit être capable d’endurer ; ajoute un autre, Amadou Sangaré, l’une des rares personnes qui a  accepté de décliner son identité !  « On gagne bien ici, l’année dernière j’ai fait partir à l’extérieur mes trois frères, j’ai construit notre maison au village, j’ai acheté des bœufs de labour pour mon grand frère, je vais me marier le mois prochain,  tu vois, c’est l’or qui peut faire cela au Mali aujourd’hui »,  « Tu sais, il y a quelques jours quelqu’un a ramassé 2 kilos d’or, subitement il est devenu riche, très riche !  C’est comme la loterie, chaque jour on peut devenir millionnaire, il faut seulement savoir tenir! ajoute un autre. Une équipe aurait extrait il y a quelques moments 15 kgs d’or.

 

 

Certains  refusent de parler d’autres acceptent sans vouloir décliner leur identité, mais tous ont une même conviction : celle de trouver un jour le trésor! Le  travail commence  à 6h  et continue jusqu’à 17h sur le site où l’on se rend à pieds, à moto ou en charrette, on fore toute la journée même pendant la période hivernale où les « damanda » (sites aurifères) arrêtaient pour cause de pluies abondantes dans la zone, l’affluence est étonnamment grande. A la descente les jeunes, aux habits mouillés et le corps sale, se suivent le long de la route comme des élèves à la sortie des classes à midi. « Incroyable, s’exclame un voisin dans le véhicule, ces jeunes qui rentrent les mains vides sont étonnamment  chargés d’espoir, ils n’affichent aucune mine de fatigue encore moins de découragement. « Moi je vendais de l’encens à Kayes, déclare Hawa, depuis 2 ans je suis là et je suis propriétaire de 2 mines à Bouroudala, j’avoue que je gagne mieux ma vie dans ça plus que dans la vente de l’encens ! »

 

 

Principaux sites et mode de vie:

Les sites de l’eldorado surgissent tous les jours à côté des villages anciens : De  Sadiola à Loulo, on dénombre au moins une vingtaine. Ils  s’appellent Kantela, Kama, Niafa, Monia, Daro, Bouroudala, Sola, Kofi, Bada, Sanamba, Djidjan etc. subitement devenus des agglomérations où fourmillent nuit et jour hommes, femmes, jeunes et vieux, nationaux et étrangers. Ces agglomérations  offrent toutes les commodités de villes: argent, marchés bondés d’articles, bars, restaurants, femmes (prostituées), électricité à base de panneaux solaires, carburant,  centres de santé,  alcool, drogue (il paraît) etc. Cliquetis sans arrêt des broyeuses, vrombissements des motos taxis, ronflements des grosses motos SANLY ou CG décharge continue des sacs de minerais, mouvement intense des gens entre les places constituent le décor sonore quotidien.

 

 

Organisation sociale :

Les sites sont sous l’autorité des « Tomboloman », sorte d’administration chargée de la gestion des exploitants pour le respect des lois. Le règlement est strict : Interdiction de forer les vendredis, en cas d’accident mortel dans le site, notamment les éboulements, arrêt immédiat de travail sous peine de perdre le filon, etc. Les tombolomans perçoivent en contre partie  un sac de minerais de chaque chargement arrivé. Ce règlement varie d’un site à un autre.

 

 

Organisation du travail :

Les sites fourmillent d’hommes et de femmes dispersés apparemment sans liens ou  relations. Erreur ! tous sont regroupés en différentes équipes suivant certaines affinités (origines, langues, connaissances, amitié etc.). Chaque mine « daman » appartient  à quelqu’un : « le datiguela » ou donneur de 1er coup de lame, le « datiguela»  avant le commencement fait recourt aux marabouts ou  cherche « le sanu gundo » (le secret de l’or) au près des vieux malinkés. Font partie d’une équipe un financeur chargé de l’achat de la nourriture, des foreurs, des chargés de transport, du concassage enfin du lavage tous inscrits sur une liste avec signature en guise d’engagement. L’or recueilli est alors partagé au prorata sans contestation.

 

 

Exploitation et traitement :

L’orpaillage se modernise, on n’utilise plus la daba, l’eau et la calebasse à la rivière : il est devenu semi industriel. Pour sa recherche, on utilise les machines performantes de détection qui indiquent la présence du  métal jusqu’à une profondeur de 3 à 8 mètres, après l’extraction le minerais est transporté en sacs par des motos taxis, le traitement se fait par des moulins ou concasseurs alimentés  sans arrêt par des motos pompes. Pour un plus grand rendement on utilise certains produits chimiques: mercure, acide et même le cyanure comme dans les unités industrielles, selon des responsables de l’environnement.

 

 

Production:

Les sites envahis sont d’une teneur extraordinaire, selon les connaisseurs du métal jaune. D’un sac de minerais on peut souvent extraire jusqu’à 80 grammes. Tous les jours les nouvelles de grandes trouvailles se rependent dans les  campements (2 à 3 kgs d’or) faisant de nouveaux riches qui décrochent au commencement de grosses motos marque SANILI ou ABASS très prisées dans les milieux miniers.

 

 

L’autre face de l’iceberg : Maladies et dégradation de l’environnement.

« Ici les principales maladies que nous rencontrons sont le paludisme, les coups et blessures, les accidents de route, des ira infections pulmonaires, les maladies sexuellement transmissibles » nous a confié l’infirmier Sékou  Coulibaly, prometteur du cabinet médical Espoir à Bada. Les patients sont nombreux, encore plus nombreux pendant la saison sèche, mais cette année l’affluence est presque pareille à cause du grossissement de la population, a ajouté Sékou Coulibaly dont les prestations sont  appréciées par les habitants. Si au cabinet, on ne recense aucun mort, la nature compte chaque jour des victimes : des grands arbres  meurent sous l’effet des produits chimiques ou s’effondrent ou sont coupés pour céder le passage en profondeur. Les chercheurs d’or ont un seul objectif : trouver l’or ! Qu’importe le sort de la nature, de l’environnement ! Selon un haut responsable d’une société minière : « cette forme d’extraction cause beaucoup de tort : d’abord, ils polluent les eaux des rivières   et celles du fleuve  et on pourrait toujours croire que ce sont les mines, en plus ils pourraient fausser toutes les données géo physiques avenir : ils ne traitement pas  là où ils extraient.» Abondant dans le même sens le directeur régional de la géologie et des mines, Alou Guissé est encore plus navré : « Cette exploitation, disons, est une catastrophe ! Les orpailleurs ne restent plus dans les couloirs indiqués,  ils occupent illicitement des titres  privés et utilisent des produits chimiques très dangereux pour l’écosystème. Pire, a ajouté le directeur, on ne pourra plus faire la géo chimie sol dans un proche avenir, la zone est devenue comme une immense termitière et à  ce rythme  les investisseurs hésiteraient à venir vers notre pays. » a ajouté Alou Guissé.

 

 

 

Maladies et dégradation de l’environnement, les conditions extrêmement  difficiles, la pauvreté grandissante des jeunes, la dépravation des mœurs sont les leurres  de l’euphorie générale du métal précieux contre les rumeurs d’or ramassé nourrissant inlassablement d’espoir des milliers de personnes.

Cette exploitation illicite et  « très organisée » devenue semi industrielle depuis quelques temps laissera-t-elle quel sort à notre écosystème dans un proche avenir?

Boubacar Niane

KayesInfos

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2 COMMENTAIRES

  1. Laisser les travailleurs en paix. Ces orpailleurs au moins contribuent on développement économique et social de notre pays en faisant rentrer des devises. Alors les charlatans si tu n’as rien dire tu te tais. Au lieu d’affirmer que “cette exploitation illicite et « très organisée » devenue semi-industrielle depuis quelque temps laissera-t-elle quel sort à notre écosystème dans un proche avenir?” dit plutôt “l’exploitation industrielle et à grande échelle des grandes multinationales depuis je ne sais quand laissera-t-elle quel sort à notre écosystème”

    escrot

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